Partage d'évangile quotidien
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Au mi-lieu de la nuit

Ven. 28 Août 2015

Matthieu 25, 1-13 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« Alors le royaume des cieux ressemblera à dix vierges qui prennent leurs lampes pour sortir à la rencontre de l'époux. Or cinq d'entre elles étaient folles et cinq, avisées. Et les folles, en prenant leurs lampes, ne prennent pas d'huile avec elles. Mais les avisées prennent de l'huile dans les fioles avec leurs lampes. 

« Comme l'époux tarde, elles s'assoupissent toutes... Elles dormaient.  Au milieu de la nuit, un cri survient : “Voici l'époux ! Sortez pour la rencontre !” Alors elles se réveillent, toutes ces vierges, et elles parent leurs lampes.  Les folles disent aux avisées : “Donnez-nous de votre huile : nos lampes s'éteignent !”  Les avisées répondent en disant : “Sûrement elle ne suffirait pas pour nous et pour vous. Allez plutôt chez les vendeurs vous en acheter !” 

« Elles s'en vont acheter, et l'époux vient ! Celles qui sont prêtes entrent avec lui aux noces, et la porte est fermée. Après, elles viennent aussi, les autres vierges. Elles disent : “Seigneur, Seigneur ! Ouvre-nous !”  Il répond et dit : “Amen, je vous dis : je ne sais qui vous êtes.” 

« Veillez donc : vous ne savez le jour, ni l'heure. » 

 

 

Les vierges sages, par He-Qi

 

 

voir aussi : Qu'est-ce qu'on attend ?, Défaut de provision, Pas folles les fourmis, Mémoire courte, Charité bien ordonnée

Ah ! ces fofolles ! c'est vraiment ballot ce qui leur arrive, pour quelques millilitres d'huile... Car il n'en fallait certainement pas beaucoup, de cette sacrée huile, pour que les lampes tiennent encore cinq à dix minutes, entre l'arrivée de l'époux et son entrée dans la salle. Et ces autres, là, les saintes nitouches, qui prétendent qu'elles n'auraient pas pu leur en donner quelques gouttes ? on est dans un monde sans pitié, c'est chacun pour soi, et si on peut éliminer quelques concurrents, ça fera toujours ça de moins avec qui partager le gâteau ! (de noces, bien sûr). On pourrait encore se demander auprès de quelle espèce de marchands il est possible d'acheter de l'huile en pleine nuit, et s'interroger alors sur la férocité de l'ironie dont font preuve ces vierges dites sages. Mais évidemment nous faisons en tout ceci fausse route. Nous sommes dans une histoire symbolique.

Et tout d'abord, qui a dit qu'il y aurait dans la salle des noces un éclairage autre que celui qu'apportent les convives ? Est-ce que le Royaume serait le lieu où tout est donné sans avoir rien à faire ? le pays de Cocagne, l'Eldorado, le Paradis ? Il est normal que nous rêvions de ce genre de choses — une sinécure, une retraite bien méritée après le labeur de cette vie, le repos éternel —, mais nous pouvons comprendre aussi que ce sont là quand même quelque peu des enfantillages... Nous en revenons à ce que nous disions hier : ce genre d'espérance signifie surtout qu'on baisse les bras devant notre réalité d'aujourd'hui, se consolant en reportant à plus tard une récompense pour tout ce qu'on subit et qu'on ne voit pas comment changer. L'espoir fait vivre, peut-être, mais s'il est erroné, n'est-il pas alors surtout un gâchis, dont on risque de se rendre compte, mais un peu trop tard ? Et sur ce point, le "grand soir" n'a rien à envier à la "fin des temps" :)

Non, le genre d'huile, dont nous avons besoin pour entrer dans le Royaume, ne s'achète pas, auprès d'aucun marchand de quelque sorte que ce soit (surtout pas ceux du Temple !), car elle ne s'acquiert même pas, du tout. Personne ne peut vous en donner, car personne n'en possède, bien qu'elle soit disponible en abondance et en permanence, partout dans l'univers, comme l'air que nous respirons (du moins pour quelques décennies encore, et pour ceux qui ont la chance de ne pas habiter dans les grande métropoles), comme l'eau qui tombe du ciel (même remarque), comme la vie que nous avons reçue et recevons et recevrons, encore et encore, de tous temps et pour toujours. Effectivement, en un sens, il n'y a rien à faire ; elle est donnée, elle est don, le don par excellence. Peut-être, alors, juste savoir recevoir, juste apprendre à reconnaître que nous ne sommes rien, par nous-mêmes. Apprendre à nous recevoir de ce qui nous dépasse infiniment ; et découvrir que nous sommes cela, en même temps, essentiellement ?