Celui qui lave plus blanc
Le lendemain, il regarde Jésus venir à lui. Il dit : « Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. C'est de lui que j'ai dit : "Derrière moi vient un homme qui devant moi est advenu, car avant moi il était." Et moi, je ne le connaissais pas. Mais c'est pour qu'il soit manifesté à Israël, que je suis venu, moi, baptiser en eau. »
Jean témoigne en disant : « J'ai vu l'Esprit descendre comme une colombe, du ciel. Et il a demeuré sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas. Mais celui qui m'a donné mission de baptiser en eau, celui-là m'a dit : "Sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur lui, c'est lui qui baptise en Esprit saint." Et moi j'ai vu. Et je témoigne que c'est lui, l'élu de Dieu. »
voir aussi : C'est pas moi, c'est lui, Voici l'homme, Quel baptême ?
"L'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde" : cette formule, que nous redisons à chaque messe, est spécifique à Jean, mais la théologie qu'elle sous-tend a largement triomphé par la suite. Il est donc important de comprendre d'où elle vient et ce qu'elle signifie.
On peut considérer qu'elle prend son origine dans l'agneau pascal, sacrifié chaque année, et grâce au sang duquel, badigeonné sur les montants et les linteaux de leurs portes, les hébreux échappèrent au massacre des premiers-nés, massacre qui constitua la dixième et dernière "plaie d'Égypte", celle qui décida enfin pharaon à leur permettre de partir. L'idée est donc que, grâce au sang du nouvel agneau qu'est Jésus, on peut, somme toute de manière assez mécanique et extérieure, échapper à la colère de Dieu. L'image a été ensuite reprise par Isaïe, dans sa description du "serviteur souffrant" dont il compare le comportement à celui de l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir sans se rebeller. C'est d'ici que vient la seconde idée de la formule ("qui enlève le péché du monde"), explicitant la colère de Dieu par la condition pécheresse de l'humanité. À ce stade, nous avons tous les éléments de ce qui deviendra la théologie du rachat : l'humanité est par nature fautive envers Dieu, elle est donc incapable de s'en sortir par elle-même, seul le Fils de Dieu peut la racheter par ce don gratuit offert par Dieu à Dieu...
Personnellement, cette théologie ne me parle pas, sinon me hérisse. Je la trouve tellement saturée de sadisme et de masochisme qu'elle me semble plus propre à faire fuir ceux qui ont la moindre parcelle de bon sens qu'autre chose. Depuis l'ineptie du dieu qui reproche à sa créature d'être imparfaite, quand c'est lui qui l'a faite telle, jusqu'aux raisons pour lesquelles il a pu attendre si longtemps pour mettre en œuvre sa solution, alors que c'était la seule et qu'il le savait forcément de tous temps, nous trouvons en fait ici essentiellement un dieu conçu par les hommes à leur image. Je ne dis pas qu'il est simple d'expliquer le mal dont nous sommes capables ! mais que les mauvaises réponses ne peuvent satisfaire que ceux qui préfèrent se raccrocher à des explications simplistes, c'est-à-dire qui préfèrent surtout ne pas trouver les vraies réponses.
Le plus malheureux dans cette histoire, c'est que, sur ce point, le christianisme a constitué une très nette et ô combien néfaste régression par rapport au judaïsme. La notion de péché, telle qu'elle a été développée par ceux qui se disaient les héritiers de Jésus, c'est-à-dire comme volonté consciente de faire le mal, ne vient pas du judaïsme qui, pour sa part, n'articulait sa réflexion que sur l'erreur de jugement, c'est-à-dire le mal commis involontairement. La psychologie moderne concorde ici avec la conception traditionnelle juive : même les plus grands criminels, même les âmes les plus noires et les plus viles, le sont par aveuglement sur elles-mêmes. Et c'est aussi ce que soutient, paradoxalement, le christianisme ! c'est le seul fondement sur lequel on puisse baser le commandement d'aimer même ses ennemis. C'est pourquoi, la théologie du rachat doit être sans hésitation jetée aux orties.
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