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Jeu. 14 Mai 2015

Jean 16, 16-20 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« Un peu, et vous ne me voyez plus ; encore un peu, et vous me verrez. » 

Certains donc de ses disciples se disent l'un à l'autre : « Qu'est-ce que c'est, ce qu'il nous dit : Un peu, et vous ne me voyez plus ; encore un peu, et vous me verrez ? Et ce : Je vais au Père ? »  Ils disent donc : « Qu'est-ce qu'il dit : "un peu" ? Nous ne savons de quoi il parle. » 

Jésus connaît qu'ils veulent l'interroger et leur dit : « Vous cherchez les uns les autres à propos de ce que j'ai dit : Un peu, et vous ne me voyez plus ; encore un peu, et vous me verrez. Amen, amen, je vous dis : vous pleurerez et sangloterez, et le monde se réjouira. Vous serez attristés, mais votre tristesse deviendra joie. » 

 

 

Le tombeau vide, par He-Qi

 

 

voir aussi : Juste un mauvais moment, Naître, en fin, Après la pluie, Accouchement, Renaissance

"Un peu, et vous ne me voyez plus ; encore un peu, et vous me verrez" : cette phrase nous est répétée à trois reprises en si peu de temps, qu'elle doit bien avoir une signification importante ! Toutes les traductions françaises la rendent à peu près de cette même façon. Pourtant les deux "voir", qu'elle contient à chaque fois, ne sont pas le même verbe en grec ! Dans "vous ne me voyez plus", c'est theóreó (θεωρέω), et dans "vous me verrez", c'est horaó (ὁράω). Les deux verbes parlent effectivement de vision. Mais le premier, outre qu'il est au temps présent, est de plus à la forme verbale qu'on appelle "active" : ce sont les disciples qui sont les seuls acteurs de cette vision, il s'agit d'une vision extérieure, qui scrute et détaille, qui examine et analyse, éventuellement, mais qui échoue à comprendre le mystère de Jésus. Le second verbe, par contre, outre qu'il est au futur, est de plus à la forme verbale qu'on appelle "moyenne" (la troisième forme verbale existant en grec étant le "passif") : ce sont autant les disciples qui seront acteurs de cette vision que l'objet de leur vision qui agira sur eux, il s'agit d'une vision intérieure, qui agit par intuition, d'une contemplation, si on se réfère à l'étymologie de ce mot "con-templer", faire temple avec.

Il est certainement difficile de rendre parfaitement toutes ces nuances en français ! mais on aurait attendu au moins que les deux "voir" ne soient pas traduits par le même verbe, ne serait-ce qu'ainsi par exemple : "Un peu, et vous ne me regardez plus ; encore un peu, et vous me contemplerez". Deux traductions seulement ont respecté le fait qu'il y a deux verbes différents en grec. La moins mauvaise, la TOB, rate cependant complètement la signification particulière du second "voir" : "Encore un peu et vous ne m'aurez plus sous les yeux, et puis encore un peu et vous me verrez". Mais la pire est encore — une fois n'est pas coutume — Chouraqui : "Un peu, et vous ne me contemplerez plus ; de nouveau un peu, et vous me verrez"...  là, il aurait carrément mieux fait de s'abstenir ! Une telle unanimité dans l'indigence est donc assez incompréhensible. Si on met de côté Chouraqui, complètement hors-sujet, on a l'impression que tous sont aveuglés par une conception littérale de la résurrection, qu'ils ont besoin que la "vision" de Jésus après sa mort soit exactement de même nature qu'avant.

Il est cependant vrai que cette distinction entre les sens des deux verbes n'est pas toujours respectée dans l'ensemble de l'évangile de Jean. Ici, ce sont surtout les formes verbales, active pour l'un et moyenne pour l'autre, qui obligent à comprendre ainsi. Mais on retrouve aussi, comme par hasard, exactement le même jeu entre les deux verbes, dans les descriptions de la résurrection chez Jean. Là où Pierre "regarde" (theóreó) les linges dans le tombeau (20, 6), le disciple que Jésus aimait, lui, "contemple" (horaó) et croit (20, 8) ! C'est là toute la différence de signification qu'a pris le tombeau vide pour les uns et pour l'autre, qui est ainsi bien soulignée. Mais encore, alors que d'abord Marie-Madeleine "regarde" (theóreó) les deux anges (20, 12), puis "regarde" (theóreó) Jésus qu'elle prend pour le gardien (20, 14), cela change ensuite, après l'avoir reconnu lorsqu'il l'a appellée par son nom, elle peut ensuite annoncer aux disciples qu'elle a "contemplé" (horaó) le Seigneur (20, 18)... Là encore, il ne peut s'agir de coïncidences, entre un voir qui ne sait pas ce qu'il voit, et celui qui a reconnu le ressuscité, Jean a tenu à nous signaler que ce dernier "voir" n'est pas du même ordre que l'autre.

La différence entre les deux façons de voir, ce sera évidemment la venue de l'Esprit. Ceci n'est pas encore compréhensible avec le texte que nous avons aujourd'hui, où la "tristesse qui devient joie" est bien sûr à lier à cette future "vision" de Jésus, mais nous verrons demain qu'elle est aussi indissociable, justement, de cette effusion de l'Esprit. Il est ainsi très difficile chez Jean de séparer les deux événements. La résurrection donne l'Esprit, mais c'est aussi l'Esprit qui donne de "voir" la résurrection.

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