Partage d'évangile quotidien
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De nulle part

Ven. 20 Mars 2015

Jean 7, 2-30 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Or la fête des Juifs était proche, celle des Tentes.  Ses frères lui disent donc : « Pars d'ici et va dans la Judée pour que tes disciples aussi voient les œuvres que tu fais. Car nul n'agit en secret s'il cherche à être connu en public. Si tu fais ces choses, manifeste-toi au monde. » Car même ses frères ne croyaient pas en lui.  Jésus donc leur dit : « Mon temps à moi n'est pas encore là. Votre temps à vous est toujours prêt. Le monde ne peut vous haïr, mais moi il me hait, parce que je témoigne sur lui que ses œuvres sont mauvaises. Vous, montez à la fête. Moi, je ne monte pas à cette fête : mon temps n'est pas encore accompli. » Ayant dit ces choses, il demeure dans la Galilée. 

Mais quand ses frères sont montés à la fête alors, lui aussi, il monte, non au grand jour, mais comme en secret.  Les Juifs donc le cherchaient à la fête et disaient : « Où est-il, celui-là ? » Et il y avait force murmures sur lui dans les foules. Les uns disaient : « Il est bon. » D'autres disaient : « Non, mais il égare la foule. » Cependant nul ne parlait de lui en public, par crainte des Juifs. 

Déjà le milieu de la fête ; Jésus monte au temple. Il enseignait.  Les Juifs donc s'étonnaient, ils disaient : « Comment celui-là sait-il les lettres sans avoir appris ? »  Jésus répond donc et leur dit : « Mon enseignement n'est pas de moi, mais de celui qui m'a donné mission. Si quelqu'un veut faire sa volonté, il connaîtra si l'enseignement est de Dieu, ou si moi, c'est de moi-même que je parle. Qui parle de lui-même cherche sa propre gloire. Qui cherche la gloire de celui qui lui a donné mission, celui-là est vrai, et il n'y a pas en lui d'injustice. 

« N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la loi ? et nul parmi vous ne fait selon la loi ! Pourquoi cherchez-vous à me tuer ? »  La foule répond : « Tu as un démon ! Qui cherche à te tuer ? »  Jésus répond et leur dit : « Une seule œuvre que j'ai faite, et tous vous en êtes étonnés ! Moïse vous a donné la circoncision, – non qu'elle soit de Moïse, mais des pères – et le sabbat vous circoncisez un homme. Si un homme reçoit la circoncision un sabbat, pour que la loi de Moïse ne soit pas enfreinte, comment êtes-vous fielleux contre moi parce que je fais sain un homme tout entier un sabbat ? Ne jugez pas sur la face, mais jugez d'un juste jugement. » 

Certains donc de Jérusalem disaient : « N'est-ce pas lui qu'ils cherchent à tuer ? Et voici qu'il parle en public, et ils ne lui disent rien ! – Si pourtant les chefs avaient connu pour de vrai que c'est lui le Messie ? – Mais celui-ci nous savons d'où il est, tandis que le Messie, quand il viendra, personne ne connaîtra d'où il est. »  Jésus donc qui enseigne dans le temple crie en disant : « Vous savez qui je suis et vous savez d'où je suis ? Or je ne suis pas venu de moi-même, mais celui qui m'a donné mission est véritable, et vous ne savez pas qui il est. Moi, je sais qui il est, parce que je suis d'auprès de lui, et c'est lui qui m'a envoyé. » Ils cherchaient donc à l'arrêter, mais personne ne jette la main sur lui : son heure n'est pas encore venue. 

 

 

Élie est emporté au ciel, par He-Qi

 

 

voir aussi : Tous contre un, Seul contre tous, D'origine inconnue, Connaissances, D'où je suis

Entre le texte que nous avions ces trois derniers jours — celui au sujet de l'infirme de la piscine de Béthesda —, et ce texte-ci, sont censés s'être déroulés : la multiplication des pains, la marche sur les eaux, et le discours sur le pain de vie, soit le plus gros morceau de bravoure qui se soit passé en Galilée selon l'évangile de Jean. Puis nous voici de retour à Jérusalem, mais c'est comme si l'épisode galiléen n'avait été qu'une parenthèse, puisque "l'œuvre qu'a faite Jésus, l'homme qu'il a fait sain un jour de sabbat", c'est notre paralytique de la piscine. Nous reprenons le cours des événements à Jérusalem, comme si de rien n'était, alors que la multiplication des pains est censée s'être produite à l'époque de la Pâque — au printemps —, que nous sonnes censés être à la fête des Tentes — à l'automne —, et que la guérison de l'infirme était censée s'être déroulée à une autre fête importante avant la Pâque, donc il y a maintenant entre six mois et un an... Sacrée rancune des autorités pour un grabat porté un jour de sabbat ! En réalité, c'est tout l'évangile de Jean qui est ainsi : on ne peut pas ajouter foi aux dates, elles sont purement symboliques ; on ne peut pas ajouter foi aux événements, ils ne sont là que pour justifier les raisonnements et les discours. L'évangile de Jean est ainsi fait, tout y est symbole et construction théologique, il faut le prendre comme ça, comme il est.

L'objectif de ce nouveau chapitre est donc de repartir de la guérison de l'infirme, à propos de laquelle il avait théoriquement été reproché à Jésus d'avoir enfreint le sabbat, mais surtout, paraît-il, de s'être fait l'égal de Dieu, et, à partir de là, faisant progressivement monter la mayonnaise, de montrer un sanhédrin de plus en plus déterminé à arrêter Jésus. Lors de la guérison, nous avions déjà été avertis que "les juifs cherchaient à le tuer" ; nous voyons ici que la foule est au courant, et qu'on cherche toujours à mettre la main sur lui ; à la fin du chapitre, nous aurons droit à une séance du sanhédrin, furieux que les gardes n'aient pas osé s'emparer de lui, et où Nicodème, essayant de prendre sa défense, se fera mettre sur la touche. Jean fait preuve d'un grand art de la mise en scène, allant d'un groupe de protagonistes à l'autre, construisant une sorte de progression des tensions qui ne vont cesser de croître jusqu'au dénouement final, l'élévation sur la croix qui est pour lui, en même temps, l'élévation à la droite du Père. L'évangile de Jean est tout entier contenu dans cette guerre entre Jésus et le sanhédrin, inaugurée dès son premier séjour à Jérusalem avec la scène des marchands du Temple, juste après les noces de Cana ! Jean est bien le seul à situer cet épisode si tôt dans le ministère ...mais justement, pour Jean tout, ou presque, se passe à Jérusalem, et il est certain que l'histoire de Jésus à Jérusalem n'a pu être que très conflictuelle.

Au passage, quand même, Jean ne loupe pas de nous décrire la famille de Jésus sous un jour vraiment peu reluisant ! Profitant de l'enchaînement sur la multiplication des pains, donc de ce que Jésus serait en Galilée, il nous montre des frères de Jésus désireux de se débarrasser de lui, quasiment des criminels, puisqu'ils savent que Jésus est recherché en Judée par les autorités religieuses, et qu'ils ne trouvent rien de mieux que d'essayer de lui embrouiller la tête, en lui parlant de son devoir d'aller prêcher là-bas son message. On s'attendrait presque à un : vas-y, "si tu es un homme" ! Mais il y a ici de la méchanceté de la part de Jean. Selon les synoptiques, nous savons que la famille de Jésus "ne croyait pas en lui", mais de là à chercher à le faire tuer, non, sur ce point ce sont les synoptiques qui sont les plus crédibles, qui nous ont décrit la scène où cette famille avait l'intention de s'emparer de lui pour l'enfermer à Nazareth. Leur optique a plutôt été d'essayer de le protéger de lui-même, pas de se débarrasser de lui. Mais à ce genre de détails, nous pouvons mesurer le degré d'inimitié qu'il pouvait y avoir entre le clan galiléen des disciples de Jésus — dont sont héritiers dans leur ensemble les synoptiques — et le clan judéen autour de Jean. Des siècles de présentation lénifiante des origines du christianisme n'empêchent pas que nous puissions retrouver une réalité nettement moins bisounours...

À part ça, nous retrouvons surtout ici une nouvelle réaffirmation à deux reprises que Jésus n'agit pas par pure fantaisie et selon son bon vouloir, mais qu'à travers lui c'est en réalité Dieu, ou le Père, qui s'exprime. Nous avons cette affirmation une première fois à propos de son enseignement, au sujet duquel certains s'étonneraient, du fait que Jésus serait censé être illettré. Une telle opinion est en réalité une expression de plus du mépris des Judéens pour les Galiléens, considérés comme des provinciaux mal dégrossis. Mais ce n'est certainement pas l'opinion de Jean lui-même, qui savait très bien que Jésus avait au contraire une culture et une connaissance des Écritures au-dessus de la moyenne des gens de son époque. La seconde occasion où il est question des rapports de Jésus à son Père est plus sérieuse, c'est à propos des origines du Messie, dont il se disait effectivement que "personne ne saurait d'où il vient", ce qui correspondait par exemple à l'hypothèse d'un Messie comme étant Élie redescendu du ciel. En un tel cas, cela signifie un Messie qui apparaît sur terre tout adulte (et certains gnostiques considèrent de fait que Jésus est apparu ainsi un jour, sortant de nulle part). La réponse que donne Jean à cette question est donc différente. Elle évoque l'enseignement qui a été donné par Jésus à Nicodème, de la seconde naissance. Jésus peut être dit venir de nulle part sur terre. Son baptême a fait de lui un homme nouveau. Re-né dans l'Esprit, il est bien maintenant l'envoyé du Père pour le révéler aux hommes, appelés eux aussi à re-naître, comme lui. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

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