Partage d'évangile quotidien
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L'esprit frappeur

Ven. 21 Décembre 2012

Luc 1, 39-45 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l'Esprit Saint, 

et s'écria d'une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? Car, lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi. Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » 

 

 

La visitation, par He-Qi

 

 

voir aussi : Reconnaissance du ventre !, Grenouille de bénitier ?, L'Esprit, déjà

Pas sûr que l'Esprit avait besoin de Jean pour signaler à Élisabeth l'importance de l'événement. Pas sûr non plus que la supposée parenté entre Marie et Élisabeth soit d'un quelconque intérêt dans l'histoire du salut. On voudrait nous laisser penser que ce serait la raison pour laquelle Jésus aurait pris contact avec Jean ultérieurement ? Ce serait une façon de dévaloriser le rôle du baptême, et de Jean d'une manière générale, dans le ministère de Jésus.

Les premiers chrétiens étaient embêtés avec Jean. Ils ne pouvaient cacher que Jésus avait été baptisé par lui. En fait, il n'a pas seulement été baptisé, mais il a même été son disciple, dans un premier temps. Dans l'esprit de ceux qui cherchent à promouvoir un Fils de Dieu, c'est dévalorisant. Dire que Jésus a été disciple de Jean, c'est reconnaître qu'il ne savait pas tout à l'avance, où il allait, ce qu'il avait à faire. Alors Matthieu, par exemple, décrit un Jean qui ne baptise Jésus que sous la contrainte : "c'est moi qui devrait me faire baptiser par toi !" Jean (l'évangéliste) ne dit même pas que Jésus ait été baptisé : Jean le baptiste a vu l'Esprit descendre sur lui, mais il n'est pas dit que ce soit lié à son baptême éventuel. Luc admet que Jésus a été baptisé, mais il ne décrit pas l'événement, on pourrait croire, en le lisant, qu'il y a eu un baptême collectif dans lequel Jésus s'est trouvé pris comme un parmi tant d'autres : "tout le peuple est baptisé – Jésus aussi a été baptisé – et ils prient, et alors les cieux s'ouvrent..." Luc ne nie donc pas que Jésus ait été baptisé, mais comme Jean il prend soin de disjoindre la théophanie, qui proclame Jésus fils de Dieu, du geste du baptême lui-même.

Si l'évangile de Jean ne parle pas du baptême de Jésus, il est par contre celui qui nous permet de comprendre – bien malgré lui sans doute – que Jésus a été disciple du baptiseur. Pour les autres évangiles, en effet, on a l'impression d'un Jésus venu un jour se faire baptiser, puis aussitôt parti au désert, mais dans l'évangile de Jean on a un Jésus qui est là, dans l'entourage du baptiseur, comme un homme habitué des lieux. Il le mentionne lors de la venue d'une mission d'enquête depuis Jérusalem : "il est là, au milieu de vous". Plus tard, un autre jour, il le désigne à l'attention de ses disciples : "c'est celui-ci, l'élu de Dieu". Mais les disciples de Jean ne semblent pas avoir percuté, alors encore un autre jour il insiste : "c'est lui, là".

Tout ceci ressemble en fait – et c'est la réalité historiquement la plus probable – à la désignation par un maître spirituel de celui qu'il considère comme devant être son successeur, celui auquel il confie la charge de poursuivre son œuvre. Jésus était un discipe de Jean, parmi d'autres. Jean l'avait cependant repéré comme étant le plus proche de l'idéal qu'il enseignait, et l'avait désigné comme tel aux autres. Si Jean venait à être emprisonné, c'est Jésus qui le remplacerait provisoirement ; si Jean disparaissait définitivement, c'est Jésus qui prendrait la suite. Pour Jean, cela s'arrêtait sans doute là. Il n'a pas eu de révélation théophanique "celui-ci est mon fils bien-aimé", il n'a pas pressenti tout ce que Jésus apportait bien au-delà de son propre message à lui, Jean. Et c'est pourquoi lorsqu'il va être effectivement emprisonné, que Jésus aura repris le flambeau, mais sans être accepté par tous les disciples de Jean, ce dernier lui enverra des émissaires pour lui dire son incompréhension de ce qu'il était en train de faire.

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