Partage d'évangile quotidien
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Réjouissons-nous

Sam. 3 Octobre 2015

Luc 10, 17-24 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Les soixante-dix reviennent avec joie. Il disent : « Seigneur ! même les démons nous sont soumis en ton nom ! »  Il leur dit : « Je regardais le satan comme un éclair, tomber du ciel ! Voici, je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous faire tort. Cependant, ne vous réjouissez pas que les esprits vous soient soumis. Mais réjouissez-vous que vos noms soient inscrits dans les cieux ! » 

À cette heure même il exulte dans l'Esprit saint. Il dit : « Je te célèbre, père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu caches bien des choses à des sages et des sagaces et que tu les révèle à des tout petits. Oui, père : tel est le choix de ton amour. Tout m'a été livré par mon père : nul ne connaît qui est le fils, sinon le père, et qui est le père, sinon le fils, et à qui le fils a dessein de le révéler. » 

Se tournant vers ses disciples, à part, il dit : « Heureux les yeux qui regardent ce que vous regardez ! Car je vous dis : de nombreux prophètes, des rois ont voulu voir ce que vous, vous regardez, et n'ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et n'ont pas entendu ! » 

 

 

Le bon samaritain, par He-Qi

 

 

voir aussi : Pas de fausse joie !, Petits secrets, Trop la chance !, Heureux événements, Réalisations

"Ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis" : Luc nous laisse percevoir ici une sagesse, dont on aimerait qu'elle ait été mieux traduite en actes dans l'ensemble de son évangile, ainsi d'ailleurs que dans les autres. Il serait en effet difficile de ne pas percevoir la fascination qu'exercent les "signes" — les miracles — sur ceux qui les ont rédigés. Tous ces signes nous sont racontés avec complaisance, et le ferme espoir qu'ils exerceront ce même pouvoir de fascination sur les auditeurs ou les lecteurs. Pourtant il est dit ici aux disciples qu'ils ne doivent pas en tirer la moindre vanité, qu'il n'y a pas de quoi, que ce serait même une erreur de leur part. On trouve peu de ces passages dans les évangiles, qui dévalorisent les signes. Matthieu (7, 22-23), vers la fin de son sermon sur la montagne, décrit des personnes qui se vantent d'avoir "prophétisé, exorcisé, fait beaucoup de miracles" et que Jésus rejette, qualifiant leurs œuvres "d'iniques". L'idée semble assez proche : des miracles ne signifient rien par eux-mêmes sur la justesse d'esprit de ceux par qui ils se sont produits.

"Mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux" : il faut savoir lire le vocabulaire biblique, ceci ne dit pas que les noms des disciples figureraient sur quelque liste de recensement tenue par on ne sait trop quel scribouillard "des cieux"... Le nom peut être considéré comme équivalent de l'âme, ou de l'être, et qu'il soit "écrit dans les cieux" est une façon de dire que les disciples sont dans le Royaume, ils sont dans la présence de Dieu, et c'est cela qui est important et dont ils doivent se réjouir. C'est cet état dans lequel ils sont entrés qui a, accessoirement, généré les signes, et ceci est à peu près inévitable, mais Luc attire ici très clairement leur attention sur ce fait — que soulignent toutes les traditions spirituelles authentiques — du danger qu'il y a précisément à accorder de l'importance à ces épi-phénomènes. Car c'est bien de ça qu'il s'agit, les signes seraient même plutôt à classer dans la catégorie des petits ratages, comme les ébarbures d'une pièce usinée dont il va falloir ensuite la débarrasser. Les "signes" sont un signe que l'évolution spirituelle n'est pas pleinement harmonieuse, qu'elle subit des à-coups, et le résultat de ces perturbations ce sont les signes.

Alors Jésus peut bien dire "heureux" ces disciples qui ont pu atteindre ce après quoi ont couru de nombreux "prophètes" — et pourquoi pas des "rois" — avant eux ! et nous aussi serions volontiers jaloux, mais on peut s'interroger quand même sur le fait que Jésus doive leur dire qu'ils y sont pour qu'ils le sachent... Je ne doute pourtant pas qu'ils vivaient réellement dans la présence de Dieu (à condition, quand même, qu'il soit bien clair que tout ceci nous parle de ce qu'ils ont vécu après la mort de Jésus, pas de son vivant), mais il semble aussi qu'ils ne comprenaient pas vraiment ni le pourquoi ni le comment de la chose, que cela leur est tombé dessus sans qu'ils y soient franchement préparés, d'où d'ailleurs tous ces signes qui se sont mis à se produire par leur intermédiaire pendant la toute première période du christianisme naissant, la période de la source Q, comme cela s'était aussi passé pour Jésus dans la première période de son propre ministère. Des signes, des signes, et bien sûr comment ne pas se réjouir des malades guéris, des dérangés rétablis ? sauf que Jésus avait fini par comprendre que là n'était pas l'essentiel, et qu'apparemment Luc aussi.

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