Partage d'évangile quotidien
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Ce qui était caché

Sam. 26 Avril 2014

Marc 16, 9-15 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Il s'est levé le matin, le premier de la semaine. Il paraît en premier à Marie la Magdaléenne, de qui il avait jeté dehors sept démons. Celle-là va l'annoncer à ceux qui avaient été avec lui : ils s'affligeaient et pleuraient. Et ceux-là, quand ils entendent qu'il vit, et qu'il a été vu par elle, ils ne croient pas ! 

Après ces choses, à deux d'entre eux qui marchaient, il se manifeste sous une autre forme, alors qu'ils allaient à la campagne. Et ceux-là s'en vont l'annoncer aux autres : eux non plus, ils ne les croient pas ! 

Plus tard aux Onze, tandis qu'ils étaient à table, il se manifeste. Il fulmine contre leur manque de foi et la sclérose de leur cœur : car ceux qui l'avaient vu réveillé, ils ne les ont pas crus.  Il leur dit : « Allez dans le monde entier. Clamez la bonne nouvelle à toute la création. » 

 

 

La venue de l'Esprit saint, par He-Qi

 

 

voir aussi : Le point sur les témoins, Résumé des épisodes précédents, Epilogue posthume, Ceux qui ont vu

Comme le chapitre vingt et un de Jean est un ajout ultérieur à son évangile, de même les versets de Marc qui commencent ici sont venus en remplacement d'une fin précédente du sien, laquelle fin devait plutôt ressembler, à l'origine, à celle de Matthieu. Ce qui nous permet de le comprendre est principalement que, si Marc avait eu cette fin-ci, on ne voit pas pourquoi Matthieu l'aurait supprimée. La version simplifiée de Matthieu (apparition d'un ange aux femmes, les chargeant de dire aux disciples d'aller en Galilée, où ils le rencontrent effectivement) était donc, le plus vraisemblablement, la version originale de Marc aussi, et la version finale, que nous voyons aujourd'hui, a été mise dans un but d'harmonisation avec les autres évangiles. Ce dernier point est très manifeste, avec cette mention de Marie de Magdala qui vient de l'évangile de Jean, et ces deux disciples qui sont clairement ceux de l'épisode d'Emmaüs, empruntés donc à Luc. L'apparition aux Onze, enfin, qui pourrait autant venir de Jean que de Luc, achève la soudure. Nous ne pouvons donc pas nous baser sur Marc pour jauger de l'authenticité de ces trois apparitions. Nous nous attacherons alors plutôt au traitement qu'il a fait de ce matériau qui lui vient des autres évangiles.

Ce qui nous frappe en premier, c'est que Marc souligne l'incrédulité des disciples. Que Marie de Magdala n'ait pas été crue quand elle est venue raconter sa rencontre avec Jésus, c'est Marc qui nous le dit, Jean n'en parle pas ! De même pour le récit des deux disciples revenus d'Emmaüs : Luc non plus ne dit pas qu'on ne les a pas crus ! Il est vrai que, si Jean ne dit pas qu'on n'a pas cru Marie, il ne dit pas non plus qu'on l'a crue, et il est vraisemblable qu'on ne l'a effectivement pas crue, sinon Jean aurait été plus explicite. Et de même, si Luc ne dit pas qu'on n'a pas cru les deux disciples d'Emmaüs, c'est simplement parce que Pierre était censé avoir déjà bénéficié lui aussi d'une apparition... Bref, Marc décrit une réception par les Onze bien difficile et la plus plausible, ce qui lui permet de mettre en scène un Jésus furieux contre eux, ce qui ne manque pas alors de nous poser question. Certes, les apparitions nous sont rarement décrites comme des retrouvailles joyeuses, sans arrière-pensées de part et d'autre, entre de grands amis qui se seraient perdus de vue depuis longtemps : Jésus a des recadrages à faire. Marie de Magdala : ne me touche pas, ne me retiens pas ! Les disciples d'Emmaüs : esprits sans intelligence, lents à croire ! Pierre au bord du lac : m'aimes-tu plus que ça ? Mais rien qui atteigne les proportions du langage de Marc : "il fulmine contre leur manque de foi et la sclérose de leur cœur". La plupart des traductions donnent "il reproche", mais le verbe grec est beaucoup plus agressif que ça. C'est celui qu'on a, par exemple, dans "heureux êtes-vous quand on vous insultera" (Matthieu 5, 11), ou "ceux mis en croix avec lui l'insultaient" (Marc 15, 32)...

D'une manière générale, Marc ne se gêne pas pour nous laisser voir des aspects pas forcément très glorieux des disciples, mais est-ce qu'il ne pousserait pas ici un peu loin le bouchon ? quel besoin éprouve-t-il de rabaisser le caquet de disciples jusque dans ces tout début de la future Église ? Il ne faut donc sans doute pas prendre cette description de Marc au pied de la lettre, surtout si on se rappelle que tout ceci est une construction... Si Marc fait tout ce ramdam autour de ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, c'est surtout parce que c'est le message principal qu'il veut faire passer au sujet de Jésus, désormais ressuscité. On connaît le fameux "secret messianique" qui parcourt tout du long cet évangile : c'en est un thème principal, que Jésus ne pouvait pas être reconnu pour ce qu'il était de son vivant. Eh bien ! maintenant, le texte pousse simplement le ressort dramatique jusqu'à son extrême, pour qu'il puisse ensuite se détendre dans l'autre sens avec aussi le maximum d'intensité, donnant l'impression de disciples enfin et soudainement libérés pour annoncer sans aucune retenue la bonne nouvelle.

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