Partage d'évangile quotidien
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La faim justifie les moyens...

Mar. 22 Janvier 2013

Marc 2, 23-28 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Un jour de sabbat, Jésus marchait à travers les champs de blé ; et ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis. Les pharisiens lui disaient : « Regarde ce qu'ils font le jour du sabbat ! Cela n'est pas permis. » 

Jésus leur répond : « N'avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu'il fut dans le besoin et qu'il eut faim, lui et ses compagnons ? Au temps du grand prêtre Abiathar, il entra dans la maison de Dieu et mangea les pains de l'offrande que seuls les prêtres peuvent manger, et il en donna aussi à ses compagnons. » 

Il leur disait encore : « Le sabbat a été fait pour l'homme, et non pas l'homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l'homme est maître, même du sabbat. » 

 

 

David et Saül, par He-Qi

 

 

voir aussi : De tout repos, Maître du sabbat, Ni jeûne ni sabbat

C'est la deuxième fois que Marc place l'expression "le fils de l'homme" dans la bouche de Jésus. La première fois, c'était pour dire qu'il "a le pouvoir de pardonner les péchés", et maintenant qu'il "est maître du sabbat". C'est une expression qui, le plus souvent, dans les évangiles, est utilisée au sujet des fins dernières de la vie de Jésus, pour les annonces de sa passion et celles de sa résurrection, voire de son retour à la fin des temps. Mais, au moins pour ces deux premiers usages, le contexte n'est pas le même. Nous ne sommes pas ici dans l'eschatologie chrétienne mais dans la vie terrestre de Jésus.

L'expression "fils de l'homme" est une traduction mot-à-mot d'un hébraïsme, une expression courante chez les juifs, qui signifie simplement un homme, une personne humaine, et qui pouvait même être utilisée à la place du pronom personnel "je", ou encore avec le sens de "quelqu'un", "on". Il n'y a aucune raison de supposer que Jésus ne l'ait pas utilisée, lui aussi, régulièrement, dans ces sens-là. Particulièrement dans ces passages censés se dérouler dans les premiers temps de sa vie publique, il n'y a pas de raison que cette expression signifie plus que cela, qu'elle soit déjà chargée de la dimension qu'elle prendra sur la fin.

Au sujet du "pouvoir de pardonner les péchés", nous avons déjà souligné que Matthieu concluait l'épisode sur les foules se réjouissant d'un tel pouvoir donné "aux hommes". Autrement dit, il est clair chez Matthieu que ce pouvoir n'est pas réservé exclusivement à Jésus mais peut échoir à tout un chacun, à tout "fils d'homme". Il n'y a pas de raison pour qu'il en aille différemment ici pour la maîtrise du sabbat, et c'est encore Matthieu qui nous offre une ouverture à ce sujet. Dans sa version de cet épisode, en effet, Matthieu ne rapporte pas seulement l'exemple de David, qui d'ailleurs n'est pas vraiment une violation du sabbat mais plutôt une violation de règles liturgiques. Matthieu met donc dans la bouche de Jésus un second exemple, celui des prêtres du Temple qui, les jours de sabbat, pour pouvoir exercer leurs fonctions n'en violent pas moins pour autant ces règles du sabbat (Matthieu 12, 5).

Nous voyons donc que cette 'maîtrise' du sabbat ne saurait être l'apanage d'un seul. Jésus ne prétend pas ici qu'il soit le seul à pouvoir juger en son âme et conscience de ce qu'il lui est licite ou non licite d'accomplir le jour du sabbat. Sa première phrase d'ailleurs ne souffre pas d'ambiguïté : "le sabbat a été fait pour l'homme", pour n'importe quel homme, donc. Mais peut-être certains se demandent-ils, maintenant, pourquoi il est si important de déterminer si Jésus ne parlait que de lui en utilisant ici l'expression "fils de l'homme" ou s'il pensait alors à n'importe quel homme ?

C'est qu'il faut bien comprendre que cette remise en cause du sabbat est du même ordre que l'affaire du pardon des péchés : c'est une prise de pouvoir sur un domaine censé être l'apanage de Dieu seul. Toute la question est donc : ceci ne concerne-t-il que ce Jésus, en tant que placé au même rang que Dieu par les premiers chrétiens (auquel cas il semble évident qu'il a ces droits puisqu'il est Dieu lui-même), ou est-ce que, dans l'esprit de ce même Jésus en tant qu'homme, ceci concerne tout homme, tous ceux-là que, pour sa part, il considérait comme ses frères ? C'est ici à chacun de voir : Jésus est-il venu prendre la place de Dieu, ou m'inviter à le découvrir comme lui l'a découvert ?

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