Partage d'évangile quotidien
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Serments trompeurs

Sam. 13 Juin 2015

Matthieu 5, 33-37 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« Encore ! Vous avez entendu qu'il a été dit aux ancêtres : “À nul serment ne manqueras, mais tiendras au Seigneur tes serments !” Or moi je vous dis de ne pas jurer du tout ! Ni par le ciel : il est trône de Dieu. Ni par la terre : elle est podium sous ses pieds. Ni par Jérusalem : elle est ville du grand roi. Ni par ta tête non plus ne jure pas : tu n'en peux faire un seul cheveu blanc ou noir. 

« Que votre parole soit : ‘Oui ? Oui !’ ‘Non ? Non !’ Le surplus est du Mauvais. » 

 

 

Les dix commandements, par He-Qi

 

 

voir aussi : État d'exception, Au pays de Oui-Oui, Parler vrai, Simples paroles

Un serment, ça se fait sur ce qu'on a de plus sacré, ce qu'on respecte, ou craint, le plus. On jure sur la tête de sa mère dans les cultures méditerranéennes, sur la Bible aux États-Unis d'Amérique. Notre texte du jour évoque quatre "objets" sur lesquels il devait être coutumier de jurer dans le judaïsme de l'époque de Jésus : le ciel, la terre, Jérusalem, sa propre tête. Et, évidemment, si on jure, c'est pour donner plus de poids à ses paroles, pour assurer qu'elles sont véridiques, sincères, qu'on ne ment pas ; notamment, si on s'engage à quelque chose par serment, on sera doublement tenu de respecter ce qu'on a promis.

Tout ceci, évidemment aussi, sous-entend qu'on est obligé de procéder ainsi, étant donné que nous sommes capables d'une manière générale de dire des choses sans trop y penser. C'est vrai. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous saurons reconnaître que souvent les mots sortent de notre bouche sans que nous y ayons réfléchi, ce qui parfois peut nous surprendre, d'ailleurs : mais pourquoi est-ce que j'ai dit ça, moi ? Dans la vie ordinaire, cela ne prête pas forcément à conséquences, et, dans certains cadres, cela peut même être une bonne hygiène... Mais si, sans que nous y ayons pris attention, nous nous apercevons après coup que ces paroles nous ont engagé plus loin que nous ne l'aurions souhaité, nous sommes alors tentés de faire comme si : comme si nous ne les avions pas dites, comme si ça ne comptait pas. Que votre oui soit oui, que votre non soit non : tout ce que nous disons est dit, et il faut faire avec...

On comprend que la vie en société ait besoin, en certaines circonstances, de s'assurer du sérieux des paroles prononcées ; c'est l'objectif qu'est censé viser le serment. On peut douter, cependant, que le remède soit très efficace contre la maladie. Le seul fait que la Torah ait éprouvé le besoin d'affirmer qu'il ne fallait pas manquer à ses serments ("Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu", Exode 20, 7) ne signifie-t-il pas déjà que cela n'a rien d'une panacée ? C'est certain, celui qui ne veut vraiment pas être honnête dans ses paroles, sera capable de jurer sur tout ce qu'on voudra. Ce n'est pas le principe du serment qui pourra y changer quelque chose, mais seulement la solennité, le sérieux, la profondeur, de ceux qui lui demandent de s'engager, qui pourra éventuellement le toucher.

Il est probable que c'est ainsi que se sont prêtés les premiers serments, une demande jaillie spontanément. Mais quand ça devient un procédé banalisé, il perd bien sûr toute portée, d'une part, et surtout, d'autre part — et c'est là la raison essentielle pour laquelle Jésus dit d'abandonner toute pratique des serments —, il dévalorise encore plus la parole ordinaire, celle de tous les jours, où nous ne sommes pas sous serment ! Le mieux se révèle l'ennemi du bien : "le surplus vient du Mauvais" ! Nous sommes donc bien, ici, une fois de plus, dans la même logique que nous avions avec la violence et le désir. Ces enseignements ne sont pas là pour répondre directement à des problèmes de société. Jésus n'a pas de programme institutionnel, mais il nous invite, chacun, à nous développer spirituellement, ce qui comprend de discipliner, outre notre violence et nos désirs, aussi notre parole. Y'a du boulot, là encore !

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