Partage d'évangile quotidien
<

Billets avec #jean

Enregistrer le billet en pdf

Sans fin

Sam. 23 Mai 2015

Jean 21, 20-25 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Pierre se tourne et regarde : le disciple que Jésus aimait suit (c'est celui qui s'est allongé pendant le dîner sur sa poitrine et a dit : Seigneur, qui est celui qui te livrera ?).  Pierre donc en le voyant dit à Jésus : « Seigneur, celui-là, quoi ? »  Jésus lui dit : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ma venue, qu'est-ce pour toi ? Toi, suis-moi ! »

Cette parole sort donc parmi les frères : ce disciple ne mourrait pas ! Et Jésus ne lui avait pas dit qu'il ne mourrait pas, mais : Si je veux qu'il demeure jusqu'à ma venue… 

Ce disciple est le témoin de ces choses et c'est lui qui les a écrites, et nous savons que son témoignage est vrai. Il est encore beaucoup d'autres chose qu'a faites Jésus. Si on les écrivait une à une, j'imagine que le monde ne contiendrait pas les livres qui en seraient écrits. 

 

 

La venue de l'Esprit saint, par He-Qi

 

 

voir aussi : Destins convergents, Demeurer dans l'attente, La main sur le cœur, En finale, J'attendrai ton retour

Jésus vient de lui demander de le suivre, mais Pierre : se retourne, il regarde en arrière. Nous ne pouvons que penser ici à la maxime rapportée par Luc (9, 62) : "Qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas apte au Royaume", ou encore à la femme de Lot pétrifiée pour la même raison, avoir voulu jeter un regard derrière elle. Eh oui ! Pierre mériterait bien son nom, ici, littéralement : le voici soudainement incertain, hésitant, ça bloque ; il doit suivre Jésus, il veut bien le faire, mais il aimerait savoir quand même ce qu'il en est de l'autre, là, le Judéen : pourquoi est-ce que Jésus ne lui demande pas, à lui aussi, de le suivre ? ou au contraire : pourquoi est-il en train de suivre Jésus alors qu'il ne le lui a pas demandé ? Nous ne savons pas trop, en fait, quel est le sens exact de la question de Pierre. Ce qui est certain, c'est que la réponse de Jésus est un reproche : en quoi cela te regarde-t-il ? La communauté johannique affirme très clairement par là que l'Église pétrinienne n'a pas à se mêler de ses affaires.

Par contre nous ne savons pas non plus ce que signifie exactement le "demeurer" de cette communauté : vient-il là en opposition au "suivre" auquel Pierre a été invité ? ou s'agit-il qu'elle puisse demeurer dans la suite de Pierre, comme est en train de le faire le disciple que Jésus aimait ? D'autant que le verbe grec qui nous est traduit pas "suivre" peut aussi signifier "accompagner". On pourrait donc comprendre que Pierre est invité à accompagner Jésus, mais que pour lui cela signifie suivre, parce qu'il est encore loin d'avoir réalisé qui Il est réellement, tandis que le disciple que Jésus aimait peut se permettre d'accompagner Jésus simplement en demeurant en sa présence, puisque lui Le connaît, il a reçu l'Esprit et ne peut donc pas être séparé de Jésus. Ceci concorderait bien avec le rappel qui a été choisi pour évoquer ce disciple : celui qui s'était allongé sur la poitrine de Jésus pendant le dîner, contre son cœur... Ce n'est pas pour rien que l'auteur de base de l'évangile de Jean parle de lui-même comme étant le disciple que Jésus "aimait" ! Ainsi l'Église johannique est-elle à la fois proche de l'Église pétrinienne, et à la fois très différente. Elle en est proche dans la mesure où cette dernière reste bien dans le sillage de Jésus ; elle en est différente dans le sens que, elle, accompagne Jésus, demeure dans sa présence, tandis que l'autre court plutôt après Lui.

Cette demeure, cependant, ne signifie évidemment pas que ses membres échapperaient à la mort corporelle ! Nous avons dans cette remarque un écho à peu près assuré d'un événement réel : le disciple que Jésus aimait a certainement vécu très vieux, et avait sans doute cru qu'il ne mourrait pas. Cette croyance était de toutes façons partagée par tous les tout premiers chrétiens : ils pensaient qu'ils étaient dans le Royaume, qu'il avait commencé avec la résurrection. Mais les fondements de cette croyance étaient quand même différents pour les uns et pour les autres : pour les Galiléens, c'était le fait qu'il se produisait des guérisons et exorcismes par leur intermédiaire, qui le leur faisait penser ; pour la communauté johannique, c'était leur expérience mystique de la vie dans l'Esprit. Quand des décès ont quand même commencé de se produire, les premiers ont alors développé le thème du retour prochain de Jésus : on n'y était pas encore, mais ça n'allait certainement pas tarder, et toujours avec l'idée que ceux qui seraient encore là à ce moment ne connaîtraient pas la mort. La communauté johannique, par contre, a dû accepter très vite que la vie dans l'Esprit n'excluait pas le passage par la mort physique (et d'ailleurs, si Jésus lui-même avait dû y passer, comment prétendre y échapper ?). Mais devant la longévité de son fondateur, il était resté un espoir qu'il puisse y avoir une exception pour lui. Espoir qui a donc, finalement, été déçu...

L'évangile de Jean aurait pu en raconter encore beaucoup plus, sur tout ça. Oui, il aurait sûrement pu multiplier les discours, les récits surchargés de symbolisme. Mais il y en a bien assez comme ça ! Nous avons suivi d'assez prêt l'ensemble de cet évangile, nous avons vu la richesse de son enseignement, et nous pouvons y revenir, nous y découvrirons encore de nombreux aspects qui nous avaient échappé jusqu'à présent. Non, les vrais chapitres qu'on pourrait y ajouter, ce sont ceux qui nous attendent, qui attendent que nous les écrivions nous-mêmes, par nos vies à nous, dans l'Esprit : ceux-là, le monde ne pourra pas les contenir, si nous voulons bien les écrire !