Partage d'évangile quotidien
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Prier, prier,...

Sam. 18 Novembre 2023

...il en restera toujours quelque chose !

Dans un premier temps après la mort de Jésus, certains de ses disciples acquièrent la certitude qu'il n'est pas resté dans cette mort, qu'il est comme revenu à la vie, la mort n'a pas eu le dernier mot. Ce qui les a aiguillés en premier en ce sens, c'est peut-être le témoignage du "disciple que Jésus aimait" sur ce qu'il a vu dans le tombeau vide : lui a fait attention à la disposition des "linges" qui entouraient le corps, il a remarqué que tout indiquait que le corps s'était comme volatilisé de l'intérieur de ces linges. Personne qui serait venu enlever ce corps, le voler en somme, n'aurait pris la peine de le dégager des linges, déjà pour commencer, et même s'il l'avait fait, il n'aurait pas pris la peine de les disposer ensuite précisément de cette façon... et ce témoignage nous est d'ailleurs confirmé par le linceul de Turin, qui parle lui aussi d'un corps qui s'est comme évaporé.

Après ce témoignage, il y a eu ce qui nous est rapporté dans les évangiles comme ses apparitions. On ne peut pas exclure qu'il se soit agi d'hallucinations collectives, de tels phénomènes, s'ils affectent le plus souvent les seuls sens de la vue et de l'ouïe, peuvent très bien concerner aussi l'odorat ou même le toucher. Quoi qu'il en soit, hallucinations ou pas, elles ont eu le temps de ranimer dans le cœur de ceux qui en ont été les témoins leurs vieilles lunes du messie politico-militaire ! La mort de Jésus les avait obligés à y renoncer ; ce qui semble être son retour, au-delà d'un premier temps marqué surtout par la stupéfaction, les a ramenés inéluctablement dans les mêmes ornières, les mêmes plis, contre lesquels il s'était pourtant insurgé. Et c'est vraisemblablement la raison pour laquelle ces "apparitions" ont fini par cesser.

Mais le christianisme en est toujours là aujourd'hui, à attendre le retour de son "messie". Sans doute ne l'attend-il plus vraiment comme libérateur de la terre d'Israël, restauration de la royauté, etc., il n'empêche, rien que cette idée d'une fin des temps lors de laquelle il reviendrait est bien un héritage de ce concept du messie attendu par le judaïsme, concept qui pouvait avoir un sens dans ce cadre-là, d'un peuple choisi parmi tous les peuples pour jouer à leur égard un rôle particulier, unique, mais qui n'a plus vraiment de sens, en fait, depuis que ledit messie est mort. Là-dessus, le judaïsme ne s'y est pas trompé, un messie qui meurt ne peut pas être le messie qu'il attend.

Ce mashal de la veuve opiniâtre se situe dans ce cadre-là : après la fin des "apparitions", le christianisme conçoit d'abord que ce n'est que provisoire. L'évangile de Jean dit à ce sujet que Jésus n'est parti que pour préparer de la place au ciel... On attend, on attend donc, on pense que cela ne saurait durer bien longtemps, au point que, comme nous le disent les Actes des Apôtres, on met tous les biens en commun : de fait, puisque dans un mois, ou un an, ou guère plus, tout ceci ne servira plus à rien, pourquoi garder pour soi seul ce qui peut servir à d'autres ? On attend, on attend : Paul lui aussi, dans ses premières lettres, est certain qu'il ne connaîtra pas la mort, parce qu'il verra de son vivant ce retour de Jésus qui marquera la fin des temps...

Et puis le temps passe et passe encore... la règle de mise en commun de tous les biens commence à être contestée, certains ne jouent plus le jeu. Et on se rassure comme on peut, on cherche des explications. Ainsi, ici, dans ce mashal de la veuve opiniâtre, comme dans de nombreux autres (l'ami insistant qui vient frapper à la porte de son voisin en pleine nuit, ou les jeunes filles qui attendent le retour du marié, ou l'intendant chargé de veiller sur les serviteurs pendant l'absence du maître, etc.), on est invité à apprendre la patience, dans des mélanges parfois curieux, qui assurent à la fois que ce retour ne peut être qu'imminent, et à la fois qu'il faut envisager que cela peut prendre encore énormément de temps !

Ici, avec notre veuve, ce qui caractérise cette ambiguïté du très bientôt et en même temps très lointain est cette mention de la "longanimité", ou patience, de Dieu lui-même. Il n'est pas clair s'il est dit que Dieu patiente "avec" ses élus, ce qui signifierait que ce délai est motivé pour donner une chance à ceux qui ne sont pas encore convertis de le faire, ou s'il patiente "pour" ses "élus", ce qui signifierait que le problème en réalité vient d'eux, qu'ils sont plutôt des appelés, et non pas encore des élus, ce qui justifierait l'interrogation finale, très pessimiste : y aura-t-il finalement une seule personne sur terre qui sera encore digne d'être sauvée lors de ce retour supposé du messie ?

Que peut alors signifier être chrétien tout en étant certain qu'il n'y aura pas de fin des temps ?

 

 

Et il leur donnait une parabole
sur ce qu'il leur faut toujours prier
    sans perdre cœur,
    disant :

« Il y avait un juge dans une ville
    ne craignant pas le Dieu
    et ne respectant pas d'homme,
et il y avait une veuve dans cette ville
    et elle venait à lui, disant :
"Rends-moi justice contre mon adversaire !",
mais il ne voulait pas pendant un temps,
cependant après ça il se dit en lui-même :
    "Même si je ne crains pas le Dieu
    et ne respecte pas d'homme,
du fait que cette veuve me fatigue
    je lui rendrai justice,
de peur qu'éternellement elle ne vienne me soûler ! »

    Le Seigneur dit alors :
« Entendez ce que dit le juge d'iniquité !
Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus ?
    qui crient vers lui jour et nuit,
    il ne serait pas longanime à leur égard ?
je vous dis qu'il leur fera justice en vitesse ;
cependant, le fils de l'homme, quand il viendra,
    trouvera-t-il bien la foi sur la terre ? »

(Luc 18, 1-8)

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