Partage d'évangile quotidien
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Descendre aux enfers

Jeu. 29 Février 2024

De quel ordre est cette aide qui ne passe pas par des actes ou des gestes explicites, mais seulement par un genre de regard, de sourire peut-être, pas de pitié, ni même de compassion, seulement de confiance, de foi en l'autre ?

Ceux qui veulent passer d'ici vers vous ne le peuvent pas. Faisons abstraction de cette représentation imagée de l'au-delà, avec le paradis représenté par le sein d'Abraham et l'enfer par un séjour des morts où il est question de feu. Ce qui est dit ici est que, parmi ceux qui sont au paradis, certains au moins voudraient secourir ceux qui sont en enfer, mais que cela n'est pas possible. De quel genre de béatitude est-on en train de parler alors, si elle peut se satisfaire de ce que d'autres souffrent ? Pourtant, il est certain qu'il n'est pas possible de faire le chemin de l'autre à sa place. Sans doute est-ce ainsi qu'il faut comprendre cet abîme infranchissable.

Il n'est d'ailleurs pas besoin d'attendre d'être morts pour en faire l'expérience. On le constate couramment, par exemple, quand un de nos proches se laisse happer par une addiction, dans quelque domaine que ce soit. On peut alors faire tout son possible, faire appel aussi à tous les professionnels qu'on voudra, si la personne ne décide pas par elle-même de passer à autre chose, rien ne changera, sinon le sentiment de tomber toujours plus profond dans une situation qu'on qualifiera justement et à raison d'infernale. Enfer pour la personne, enfer aussi, quoique peut-être dans une un peu moindre mesure (?), pour ses proches.

Il n'est cependant pas interdit alors de se forcer si besoin à garder quand même espoir. On pourrait dire aussi de prier, mais peu importe alors le moyen ; conserver un état d'esprit malgré tout ouvert à toute possibilité, voilà qui reste essentiel, parce que c'est, d'une certaine façon, faire encore confiance à la personne, et que c'est ce dont elle a finalement besoin, que quelqu'un croie en elle, croie qu'au fond d'elle il y a autre chose que cette dépendance dans laquelle elle s'est laissée enfermer.

De quel ordre, alors, est cette aide qui ne passe pas nécessairement par des actes ou des gestes explicites, mais seulement par un genre de regard, de sourire peut-être, pas de pitié, ni même de compassion, seulement de confiance, de foi en l'autre, ce qu'on pourrait encore appeler simplement d'amour.

On remarquera donc que si l'abîme interdit à Lazare d'aller porter ne serait-ce qu'une goutte d'eau à l'ex-riche tourmenté par le manque de ses richesses, ce même abîme n'empêche pas par contre la vue. Peut-être le con-damné pourra-t-il lire dans les yeux de Lazare que ce dernier n'a rien contre lui, et même qu'il compte bien sur lui pour qu'ils puissent un jour se retrouver ensemble en frères, même si cet abîme est censé être infranchissable dans les deux sens ?

 

 

or il y avait un homme riche
    et il se revêtait de pourpre et de lin fin
festoyant chaque jour splendidement
et un pauvre du nom de Lazare
    gisait près de son portail, plein d'ulcères
et désirant être rassasié
    de ce qui tombait de la table du riche
mais ce sont les chiens qui venaient et léchaient ses ulcères

puis il arriva que le pauvre mourut
    et il fut transporté par les anges
    dans le sein d'Abraham
et le riche mourut aussi et fut mis au tombeau
et au séjour des morts, ayant levé les yeux
    en se trouvant dans les tourments
il voit Abraham de loin
    et Lazare en son sein

    et lui il crie et dit
"père Abraham, aie pitié de moi !
et envoie Lazare !
    qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau
    et rafraîchisse ma langue
parce que je suis au supplice dans cette flamme"
    mais Abraham dit
"enfant, souviens-toi
que tu as reçu tes biens pendant ta vie !
    et Lazare pareillement les maux
et maintenant ici il est consolé
    et toi supplicié
et en tout ceci, entre nous et vous
    un grand abîme s'est instauré
en sorte que ceux qui veulent passer d'ici vers vous
    ne le peuvent pas
ni de là-bas vers nous ils ne peuvent passer"

    alors il dit
"je te supplie donc, père,
de l'envoyer dans la maison de mon père
    – car j'ai cinq frères –
afin qu'il témoigne auprès d'eux
    pour qu'ils ne viennent pas eux aussi
dans ce lieu de tourment"
    mais Abraham dit
"ils ont Moïse et les prophètes
qu'ils les écoutent !"
    or il dit
"non, père Abraham
    mais si quelqu'un de chez les morts allait à eux
ils se convertiront"
    mais il lui dit
"s'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes
    même si quelqu'un se relevait de chez les morts
ils ne seront pas convaincus"

(Luc 16, 19-31)