Partage d'évangile quotidien
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Il était inéluctable

Mer. 3 Avril 2024

Alors il leur a dit : « Ô sans intelligence et cœurs lents à croire à tout ce qu'ont dit les prophètes ! N'était-il pas inéluctable que le messie souffrit cela ? » et il leur interpréta dans tous les Écrits ce qui le concernait.

Fallait-il que le Messie souffre, fallait-il que Jésus meure crucifié ? quand on part dans ce genre de suppositions, on en arrive vite au Dieu sadique qui aurait exigé de son fils de se sacrifier, et ce censément parce que l'offense du péché originel aurait été impardonnable. Un Dieu rigide dans sa morale, pire de ce point de vue que le pire des hommes. Non, Dieu n'a jamais rien exigé de tel, une telle lecture de l'histoire de Jésus révèle seulement à quel point les hommes sont enfermés dans leur étroitesse d'esprit.

Pourtant, d'une certaine façon, il fallait effectivement que Jésus passe par là, mais ce "il fallait" ne résultait pas de la volonté explicite de qui que ce soit, c'était juste que ce qu'il disait ne pouvait pas être entendu par ses coreligionnaires contemporains. Ces derniers étaient, notamment, tous dans la certitude que leur Dieu voulait qu'ils aient une terre à eux. Jésus, quant à lui, était persuadé qu'un tel Dieu n'était qu'une idole. Il l'a dit le plus clairement possible devant Pilate : ma royauté n'est pas de ce monde ; mais aussi à ses disciples : le fils de l'homme n'a même pas une pierre pour reposer sa tête.

Pour Jésus, la spiritualité se passe clairement ailleurs que dans le domaine politique : rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Ce qui ne signifie pas pour autant que la spiritualité n'ait rien à dire sur les dimensions politiques et sociales de la vie : la priorité à donner au souci des plus petits, des plus pauvres, des plus faibles, est bien un programme politique à part entière ! Jésus n'a pas ménagé ses critiques aux puissants, à tous ceux qui ne pensent qu'à eux, à accumuler pouvoir et richesses à leur seul profit, et ce faisant il s'inscrivait parfaitement dans la lignée de tous les prophètes qui l'avaient précédé.

Non, la spécificité de Jésus par rapport à ses prédécesseurs, a peut-être été sa rupture avec l'idée d'une terre qu'Israël pourrait réclamer comme un dû, comme étant sienne, de droit divin. Et c'est là qu'il était alors inéluctable que cela finisse mal pour lui, comme d'ailleurs pour tous les prophètes. Il n'y a pas de prophètes de bonheur, que des prophètes de malheur. Parce que les hommes sont par nature d'origine animale, et que tout animal a besoin d'avoir un territoire qui soit à lui, où il s'établira et qu'il défendra contre ses concurrents. Même les animaux qui migrent le font selon des chemins et pour des régions qu'ils connaissent, quitte à s'adapter si les circonstances l'exigent, mais seulement par nécessité alors.

Cela, ni les adversaires de Jésus ne pouvaient l'entendre, ni même ses disciples qui croyaient dur comme fer que leur champion était le Messie politico-militaire, qui finirait par se faire reconnaître comme tel, et eux-mêmes seraient alors les premiers du Royaume, chacun à la tête d'une des tribus d'Israël, du grand Israël enfin reconstitué ! Après cela, que pouvait-il faire ? que lui restait-il comme option ? tout laisser tomber, partir à l'étranger, refaire sa vie ailleurs ? ou aller jusqu'au bout, accepter qu'il lui soit fait ce qu'ils voudraient lui faire, que ses disciples le trahissent (difficile de croire que Judas seul ait trempé dans cette histoire-là), que les autorités se débarrassent de lui, mais au moins ne pas se renier lui-même !

La suite a-t-elle fini par lui donner raison ?

 

 

et voici que deux d'entre eux le même jour
    faisaient route vers un village
    distant de soixante stades de Iérousalem
    du nom d'Emmaüs
et ils se parlaient l'un à l'autre
    de tout ce qui s'était passé
et il arriva que tandis qu'ils parlaient et argumentaient
    Jésus lui-même s'étant approché faisait route avec eux
mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître

    alors il leur a dit
« quelles sont ces paroles
    que vous vous lancez l'un à l'autre tout en marchant ? »
et ils s'arrêtèrent l'air triste
    et répondant l'un d'eux du nom de Cléopas lui a dit
« tu es bien le seul monté à Iérousalem
    et qui n'ait pas su ce qui s'est passé en elle ces jours-ci »
et il leur a dit « quoi ? »
    alors ils lui dirent
« ce qui concerne Jésus le Nazarène
qui fut un homme prophète
puissant en œuvre et en parole
    devant Dieu et tout le peuple
et comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré
    pour une condamnation à mort
et l'ont crucifié
mais nous nous espérions que c'était lui
    qui allait délivrer Israël
et en fait avec tout cela c'est le troisième jour
    depuis que ces choses sont arrivées
pourtant aussi certaines femmes parmi les nôtres
    nous ont stupéfiés
étant allées à l'aube au tombeau
    et n'ayant pas trouvé son corps
elles sont venues disant
    avoir même vu une vision d'anges
qui disent qu'il vit !
et certains de ceux avec nous
    sont allés au tombeau
et ont bien trouvé comme les femmes avaient dit
mais lui ils ne l'ont pas vu »

    alors il leur a dit
« ô sans intelligence et cœurs lents à croire
    à tout ce qu'ont dit les prophètes !
n'était-il pas inéluctable que le messie souffrit cela
    pour entrer dans sa gloire ? »
et ayant commencé depuis Moïse et depuis tous les prophètes
    il leur interpréta dans tous les Écrits
ce qui le concernait

et ils approchèrent du village vers lequel ils faisaient route
    et lui fit comme s'il allait plus loin
    mais ils le pressèrent en disant
« reste avec nous !
    car le crépuscule approche et le jour a déjà décliné »
et il entra pour rester avec eux
et il arriva que s'étant attablé avec eux
    ayant pris le pain il bénit
et l'ayant rompu il le leur donnait
alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent
et lui ne leur devint plus perceptible
    
    et ils se dirent l'un à l'autre
« notre cœur n'était-il pas brûlant en nous
    tandis qu'il nous parlait sur le chemin
    qu'il nous ouvrait les Écrits ? »
et s'étant levés à l'instant même
    ils retournèrent à Iérousalem
et ils trouvèrent réunis les Onze et ceux avec eux
    disant
« c'est vrai le Seigneur a été réveillé
    et il a été vu par Simon ! »
et eux racontèrent
    ce qui était arrivé sur le chemin
et comment il leur fut révélé
    à la fraction du pain

(Luc 24, 13-35)

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