Partage d'évangile quotidien
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Le faire roi

Ven. 12 Avril 2024

Les gens, ayant vu le signe qu'il avait fait, disaient : « Celui-ci est vraiment le prophète ! », alors ayant su qu'ils allaient s'emparer de lui afin de le faire roi, il se retira de nouveau dans la montagne, lui seul.

"Ils allaient s'emparer de lui afin de le faire roi". S'emparer de lui : pour les excuser on peut dire que c'était l'enthousiasme qui les motivait, mais il n'empêche qu'ils ne lui auraient pas demandé son avis. S'emparer de lui, l'enlever de force, le ravir (et pas de ravissement...) : le sens du verbe grec est sans ambiguïté, on n'allait pas lui laisser le choix, la violence était au rendez-vous s'il n'anticipait pas. Et ce, pour le faire roi : dans le contexte politico-militaro-religieux où se passe cette histoire, il n'y a pas d'ambiguïté non plus, cette foule estime qu'il est le messie que tous attendent, que tous espèrent, pour chasser les romains hors de chez eux, pour retrouver leur souveraineté sur leur terre donnée à eux par leur dieu, et ceci devant être définitif pour l'éternité, car tel est le rôle qu'ils attendent de leur messie.

Et lui, sachant tout cela, se retire, s'enfuit discrètement, fait en sorte que ce projet qu'ils ont ne puisse pas se réaliser, car il ne croit pas à une royauté divine de cette sorte-là, il ne croit pas à ce mélange des genres entre le politico-militaire et le religieux ; César, ou toute autre autorité terrestre, c'est César, et Dieu c'est Dieu. Et comme tous ces gens qui s'enthousiasment pour lui n'arrivent pas à le comprendre, il n'aura finalement d'autre choix que de se laisser clouer sur la croix, pour qu'ils abandonnent tout projet de ce type à son sujet. On se demande alors comment certains chrétiens de nos jours (certains évangéliques) sont allés inventer cette fiction que le retour de Jésus à la fin des temps exigerait qu'Israël retrouve d'abord sa souveraineté de droit divin sur "sa" terre !:(

Jésus s'échappe donc, s'enfuit, se retire : seul. Absolument seul. Aucun disciple, même aucun membre des Douze. Ceci signifie implicitement qu'ils faisaient partie des "ils" qui voulaient l'enlever de force, ils font partie de ceux qui attendent un messie terrestre, comme tous leurs coreligionnaires, et on ne voit pas pourquoi ils auraient changé de perspective par la suite, pas avant la mort de leur héros, qui les obligera, du moins certains d'entre eux, à une déchirante conversion, métanoïa, retournement ; déchirante, mais éclairante aussi, libératoire. C'est ici qu'on doit alors revoir le rôle que les évangélistes ont fait porter à Judas seul : mettre Jésus entre les pattes du sanhédrin, c'était dans l'intention de le forcer à manifester ses pouvoirs sous leurs yeux, se faire reconnaître par eux comme étant bien ce messie attendu, sinon... couic !

Eh bien, sinon... c'est donc ce qu'il s'est passé, Jésus n'a pas cané, il n'a pas trahi, lui, ses convictions, la vérité de ce qu'il vivait, si tant est qu'il l'aurait pu, car il ne semble pas évident du tout que, les signes qui se produisaient par son intermédiaire, ç'ait été lui qui décidât desquels pouvaient se produire et desquels pas. Solidaire de son peuple, acceptant de mourir pour lui, pour qu'il sorte de cette conception infantile du divin, d'un Dieu qui les aurait préférés à tous les peuples de l'univers, d'un Dieu père et mère qui leur permettrait de rester jusqu'à la fin des temps des enfants immatures, sous couveuse et perfusion, n'ayant qu'à ouvrir la bouche pour qu'y coule le lait et le miel, des enfants rois, de sales gosses s'imaginant avoir quelque mérite que ce soit simplement de par leur naissance.

 

 

après cela Jésus s'en alla
    de l'autre côté de la mer de Galilée – de Tibériade
et une foule nombreuse le suivait
    parce qu'ils voyaient les signes
    qu'il faisait sur les malades
et Jésus monta sur la montagne
    et là il était assis avec ses disciples
et elle était proche Pessah la fête des Judéens    

alors Jésus ayant levé les yeux
et ayant vu qu'une foule nombreuse venait vers lui
    dit à Philippe
« où achèterons-nous des pains pour qu'ils mangent ? »
mais il disait cela pour le mettre à l'épreuve
    car lui savait ce qu'il allait faire
    Philippe lui répondit
« deux cents deniers de pain ne suffiraient pas
    pour que chacun d'eux en reçoive un petit peu ! »
un de ses disciples
    André le frère de Simon-Pierre
    lui dit
« il y a ici un gamin
    qui a cinq pains d'orge et deux alevins
mais qu'est-ce pour tant de monde ? »

    Jésus a dit
« faites s'allonger les gens »
il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu
les hommes s'allongèrent donc
    au nombre d'environ cinq mille
alors Jésus prit les pains
et ayant rendu grâce
    les distribua aux convives
— et de même pour les alevins —
    autant qu'ils en voulaient
    puis quand ils furent rassasiés il dit à ses disciples
« rassemblez les parts en surplus
    afin que rien ne soit perdu »
ils rassemblèrent donc
et remplirent douze corbeilles
    de parts en surplus
des cinq pains d'orge qui avaient été mangés
    
    aussi les gens ayant vu le signe qu'il avait fait disaient
« celui-ci est vraiment le prophète
    qui vient dans le monde ! »
alors Jésus ayant su qu'ils allaient venir
    et s'emparer de lui afin de le faire roi
se retira de nouveau dans la montagne
    lui seul

(Jean 6, 1-15)

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