En exclusivité
De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :
« Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple.
« Quel est celui d'entre vous qui veut bâtir une tour, et qui ne commence pas par s'asseoir pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Car, s'il pose les fondations et ne peut pas achever, tous ceux qui le verront se moqueront de lui : 'Voilà un homme qui commence à bâtir et qui ne peut pas achever !'
« Et quel est le roi qui part en guerre contre un autre roi, et qui ne commence pas par s'asseoir pour voir s'il peut, avec dix mille hommes, affronter l'autre qui vient l'attaquer avec vingt mille ? S'il ne le peut pas, il envoie, pendant que l'autre est encore loin, une délégation pour demander la paix.
« De même, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
voir aussi : Forces spéciales, Le juste prix, Disciple
Il s'agit ici d'une condition proclamée nécessaire pour suivre Jésus. Au milieu de cela, se glissent deux images qui ne parlent pas de la condition elle-même, mais qui veulent avertir que, si on n'est pas prêt à satisfaire à la condition, il ne sert à rien d'aller plus loin. Cette condition n'est pas négociable, elle fait partie intrinsèque des pré-requis. Ces deux images parlent d'elles-mêmes. Effectivement, si on veut se lancer dans une construction et qu'on n'a pas les moyens financiers pour la mener à son terme, il vaut mieux garder son argent pour autre chose... De même, on ne déclare pas une guerre en étant certain de la perdre... Voilà qui dit bien que cette condition n'est pas facultative.
Maintenant, quelle est cette condition précisément ? Elle nous est donnée sous trois formes. D'abord il s'agirait de préférer Jésus à toute autre personne, de sa famille ou même soi-même. C'est la formulation la plus contestable des trois. La troisième formulation est sans doute la moins ambiguë pour nos mentalités modernes, renoncer à tout sentiment de propriété. Cela englobe le sentiment d'avoir' une famille, des amis, d'être propriétaire de soi-même, mais cela concerne aussi les propriétés matérielles, et encore nos capacités dont nous pouvons être fiers, nos dons, et aussi nos défauts, dont nous sommes généralement moins fiers. C'est ce qu'illustre la deuxième formulation, l'image de la croix à porter, mais il faut la comprendre comme il faut, comme la comprenaient les contemporains de Jésus, et non pas comme nous la comprenons automatiquement après deux millénaires de christianisme.
Cette image de la croix n'est pas une allusion à la mort de Jésus. En langage de notre temps, nous l'aurions dit ainsi : celui qui ne marche pas derrière moi comme s'il montait à l'échafaud. Il n'est pas dit que nous devions désirer le martyr, mais seulement que nous devons être aussi détachés de nos vies, de ce que nous croyons être nous et nos possessions, que peut l'être le condamné à mort qui marche à son supplice. C'est un chemin pour apprendre à découvrir ce qui est essentiel en nous, qui nous est proposé, pas une promotion du dolorisme masochiste qui a exercé ses ravages tout au long de l'histoire du christianisme. Faites l'essai, représentez-vous ce qui resterait dans vos pensées, dans vos sentiments, si vous saviez que cette fois c'était vraiment la fin pour vous...
Il faut enfin dire un mot sur l'objectif, la raison qui nous est donnée, de cette condition. C'est la première formulation, comme je l'ai déjà dit, qui est ici ambiguë. Elle nous parle de placer Jésus au-dessus de toute personne, y compris soi. Jésus n'a évidemment jamais dit une chose de ce genre. Nous savons que Jésus ne roulait pas pour lui-même, ne cherchait pas à se mettre sur un piédestal, au-dessus des autres. S'il s'agit donc de renoncer à tout dans sa vie, ce n'est pas pour Jésus, mais pour le royaume, pour le Père. C'est toujours pour le Père que Jésus travaille, et c'est effectivement le seul moyen de le trouver en nous, nous débarrasser de tout ce qu'il n'est pas. C'est alors seulement que nous pouvons l'entendre et entrer en relation avec lui, lorsque nous avons éliminé tout ce qui n'est pas notre véritable moi, lequel est justement lui, le Père, et non Jésus !
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