Partage d'évangile quotidien
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On se réveille !

Mer. 4 Septembre 2013

Luc 4, 38-44 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Il se lève de la synagogue. Il entre dans la maison de Simon. La belle-mère de Simon était oppressée par une grande fièvre. Ils le sollicitent pour elle. Il se présente au-dessus d'elle et rabroue la fièvre : elle la laisse. Soudain elle se lève... Et elle les servait ! 

Au coucher du soleil, tous ceux qui avaient des infirmes, de diverses maladies, les amenaient devant lui. Lui, sur chacun d'eux imposait les mains, et les guérissait. De beaucoup sortaient aussi des démons. En criant ils disaient : « Toi, tu es le fils de Dieu ! » Il les rabroue et ne tolère pas qu'ils parlent, car ils savent qu'il est le messie. 

Le jour venu, il sort et va dans un lieu désert. Les foules le cherchent, viennent jusqu'à lui. Elles le retiennent : qu'il n'aille pas loin de chez eux !  Il leur dit : « Aux autres villes aussi je dois annoncer la bonne nouvelle du royaume de Dieu : c'est pour cela que je suis envoyé. » Et il clamait dans les synagogues de la Judée. 

 

 

Élie endormi, par He-Qi

 

 

voir aussi : Nuit de folie, Effet boule de neige, Etat de grâce

"Elle se lève" : le verbe grec utilisé ici est ἀνίστημι (anistémi). Ce verbe est parfois utilisé pour parler de Jésus qui s'est 'relevé' de la mort, ou de nous qui nous relèverons de la mort, bref, de la résurrection. Cependant, la plupart du temps, c'est un autre mot qui sert dans ces cas là, à savoir le verbe ἐγείρω (egeiró), qui est donc considéré comme plus spécifique. Marc et Matthieu, dans leur version de cet épisode de la belle-mère de Pierre, utilisent egeiró. Veulent-ils dire par là que Jésus a ressuscité cette brave femme ? cela semble un peu exagéré, en l'occurrence. On retrouve ainsi encore egeiró dans de nombreux récits de guérison. On peut penser que c'est voulu, que les évangélistes établissent un lien symbolique entre ces guérisons opérées par Jésus de son vivant et sa propre 'guérison' définitive opérée par Dieu. Mais on trouve aussi ἀνίστημι dans d'aussi nombreux récits de guérison. Ces deux mots seraient-ils donc équivalents ? Mais pourquoi dans ce cas est-ce quand même egeiró qui est, et de loin, le plus utilisé quand on parle spécifiquement de résurrection, et anistémi seulement exceptionnellement ?

Il faut donc regarder de plus près ces deux verbes pour comprendre qu'ils ne parlent pas vraiment de la même chose. anistémi est composé de la préposition 'ana' (vers le haut) et 'histémi' (faire tenir), d'où 'relever'. anistémi convient donc très bien pour tous ces malades guéris qui se trouvaient alités à cause de leur maladie, mais aussi pour la femme qu'un démon tenait courbée en deux, et encore, évidemment, pour un mort 'ressuscité'. Ceci dit, anistémi pourrait aussi être utilisé pour ce même mort, resté cadavre, et que des personnes, pour une raison ou une autre, viendraient mettre en position verticale... anistémi ne parle que d'une action strictement physique. Nous comprenons que, concernant la résurrection, sans être faux, anistémi ne nous dit pas l'essentiel.

Alors qu'apporte egeiró ? Son sens premier, c'est-à-dire son sens courant, est effectivement aussi 'relever'. Mais il est assez souvent associé à ce relèvement particulier qu'est la sortie du sommeil, relever du sommeil, donc réveiller. C'est d'ailleurs ce qu'il signifie spécifiquement quand il est intransitif : s'éveiller. Nous progressons, pour ce qui est de la 'résurrection'. Cependant, c'est ambigu, cela laisserait entendre que la 'résurrection' de Jésus n'était qu'une réanimation, il n'est pas vraiment mort, il est passé dans une sorte de coma, d'où il a été tiré, et il va finir par mourir un jour pour de bon ! Et puis, si ça peut convenir pour la guérison de la belle-mère de Pierre dans les récits de Marc et Matthieu (elle était terrassée par la fièvre, dans un état comateux, et Jésus la réveille, la sort de là), ça ne va plus du tout pour le paralytique, ou l'homme à la main 'desséchée', etc..., qui étaient bien réveillés, qui ont donc été seulement relevés, mais anistémi aurait bien suffi pour ça ! Pourquoi donc les évangélistes ont-ils tenus à ce verbe-là, précisément : egeiró ?

Il faut, pour répondre à cette question, aller encore plus loin dans l'origine du mot. egeiró est probablement apparenté à ἀγορά (agora) : lieu de rassemblement. De quel rassemblement s'agit-il, alors, dans le cas d'egeiró, sinon des 'esprits', comme dans notre expression "retrouver son (ou ses) esprit(s)" ? egeiró signifie donc se relever, parce quand on se réveille on se lève, parce que se réveiller c'est retrouver son esprit. Ainsi s'explique que ce mot puisse convenir pour des guérisons, puisque, comme nous l'avons vu hier, la maladie est toujours liée à une possession par un démon, et que la guérison, en chassant le démon, permet à la personne de retrouver son esprit. Il ne conviendrait pas dans ces cas de traduire egeiró par ressusciter, mais il faut reconnaître que le 'relever' que nous avons la plupart du temps ne rend pas compte de toute la signification qui est dans le texte d'origine. Appliqué par contre à la résurrection proprement dite, le traduire par 'ressusciter' (re-susciter), bien que le mot se soit chargé de trop de significations théologiques ultérieures, est beaucoup plus proche du sens, que le 'relever des morts' qu'une vue un peu courte de certains traducteurs aurait tendance à vouloir nous imposer depuis quelque temps. Je n'en voudrais pour preuve qu'un autre cas encore d'utilisation de egeiró. C'est dans la prédication de Jean Baptiste, quand il dit que "Dieu peut, de ces pierres, ἐγεῖραι des enfants à Abraham" (Matthieu 3, 9, Luc 3, 8). Personne ici n'ira traduire que "Dieu peut, de ces pierres, relever des enfants...", alors que "Dieu peut ... susciter des enfants à Abraham" exprime très bien ce que veut dire le texte.

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A
Pour préciser mes propos: C'était les juifs et ensuite les judéo-chrétiens, les chrétiens judaïque, qui pensaient que la maladie était dû au démons ou au &quot;péchés&quot; (Daïmons est d'ailleurs anachronique, à cette époque chez les gréco-romains il n'avait pas le sens péjoratif, bien au contraire), pareil pour les maladies, pour les gréco-romains, et le rédacteur du proto-Jean et de la source Q et dans une moindre mesure en Luc, elles n'étaient pas dû au &quot;démons&quot;.
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A
Merci sincèrement, aletheias !<br /> Tu es aussi quelqu'un de très bien... je me sens honoré de ton amitié
A
... Voulais te féliciter ...
A
Comme je le disais, tu es une personne éclairé, <br /> <br /> Donc on est daccord sur ce point!<br /> <br /> Et je voulais féliciter, car cet article a dû te demander un peu de travail travail!<br /> <br /> Bien à toi<br /> <br /> ;-)
A
Oui, quand je dis que &quot;la maladie est toujours liée à une possession&quot; c'est évidemment selon la mentalité courante des juifs de l'époque de Jésus, c'est-à-dire pour les gens parmi lesquels s'opèrent ces guérisons qui nous sont rapportées (la famille de Pierre, les habitants de Capharnaüm, etc...) C'est dit clairement dans le billet de la veille auquel il est fait référence dans celui-ci.<br /> Je suis bien d'accord que Jésus a voulu faire changer cette mentalité qui lie directement les conditions matérielles d'une personne (santé, richesse) à une bénédiction ou une réprobation de Dieu, et donc au final à de soit-disant péchés (lesquels, c'est là qu'on commence à chercher dans les ancêtres...). C'est un système par lequel les riches et puissants s'auto-justifient sans se penser obligés à la moindre charité envers leurs prochains.
A
anastasis est le transitif de anistêmi, sur ce point tu étais correct.
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A
... puisque tu me demande mon avis...
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A
Bon, puisque tu me demande ton avis.<br /> <br /> Intéressante étude<br /> <br /> Premièrement, il est normal que Luc utilise ἀνίστημι , car la belle-mère était couché et il l'a fait ensuite se lever. <br /> Les mots qui sont utilisés en général pour la « résurrection » sont eigero et anastasis, comme je les expliquais dans mon étude « La résurrection ». On a souvent tendance à être anachronique, beaucoup de mot grec, étaient des mots d'usage courant, qui ont pris par la suite un sens différent avec le christianisme, comme pour Christ, qui était une personne oint d’huile ou autre corps gras et avais un sens générique et qui prendra le sens de « Messie ».<br /> <br /> Et je voulais préciser une erreur, la maladie est toujours liée à une possession par un démon ou mauvais esprit, dans Matthieu et Marc et non en Luc et Jean, dans ce dernier il n'y a d'ailleurs aucun exorcisme.<br /> <br /> Bonne continuation, cher ami
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