Partage d'évangile quotidien
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Terreurs enfantines

Sam. 2 Février 2013

Marc 4, 35-41 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Ce jour-là, le soir venu, il dit à ses disciples : « Passons sur l'autre rive. » Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque, comme il était ; et d'autres barques le suivaient. 

Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait d'eau. Lui dormait sur le coussin à l'arrière. Ses compagnons le réveillent et lui crient : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » 

Réveillé, il interpelle le vent avec vivacité et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n'ayez pas la foi ? » 

Saisis d'une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » 

 

 

Silence ! Calme-toi !, par He-Qi

 

 

voir aussi : Tempêtes sous les crânes, Sommeil du juste, De plus en plus fort

Marc fait quand même de louables efforts pour organiser quelque peu son récit. Nous avions presque oublié que ces derniers épisodes se passaient au bord du lac de Galilée – ou de la mer, comme on l'appelle aussi. Ces enseignements, d'ailleurs, Jésus est censé les avoir donnés depuis une barque, près du rivage. On n'y avait sans doute pas pris attention sur le moment, mais nous comprenons maintenant où Marc voulait en venir.

C'est que c'est bien gentil tout ça, ces images du Royaume qui progresse quoi que l'on fasse, cette puissance contenue dans la vie et en chacun de nous. On arriverait presque à en oublier une toute petite chose. Oh ! pas grand chose, mais quand même. C'est juste que ça n'empêchera pas qu'on finira tous un jour, qu'on y arrivera fatalement, plus ou moins tôt, mais c'est inévitable : à la mort. Alors, est-ce que ça a vraiment un sens de se mettre en recherche de ce Dieu en nous, puisque, même si on le trouve, ça n'empêchera pas qu'on aboutisse au shéol, au pays des ombres d'ombres ?

Nous ne le voyons pas, avec notre culture moderne, mais Marc n'a fait que penser à cette question tout au long de ces épisodes, et ses auditeurs le comprenaient aussi parfaitement. C'est que la mer, les eaux, sont synonymes de la mort, dans leur culture. Avant la création du monde, les eaux sont déjà là, et on nous dit que l'Esprit plane sur les eaux, autrement dit que Dieu est face au néant. Ce sont ces mêmes eaux qui engloutissent toute vie lors du déluge, qui engloutissent aussi pharaon et ses armées lors de l'exode. Et lorsque Jean plonge les gens dans l'eau lors de son rite de baptême, c'est pour les faire passer par une mort symbolique à leur ancienne vie.

En faisant donner tous ces enseignements sur la vie du Royaume par un Jésus assis dans une barque, Marc n'oublie donc pas du tout la question de la mort, au contraire ! son cadre est une mise en scène remarquable. Voici un Jésus qui se tient en équilibre, qui flotte, qui se joue même peut-être, de la mort. Mais, à quelques mètres du rivage, ce n'était encore qu'un flirt, et voici maintenant que nous entrons véritablement dans la danse.

Voilà, les éléments s'acharnent, c'est la tempête, l'eau monte à l'assaut du frêle esquif. Mais ce sont les disciples seuls, en fait, qui subissent ces affres, ce sont toutes les questions que nous venons de nous poser nous-même, nos doutes sur la futilité de la recherche du Royaume face à cet ennemi implacable. Ce récit est une très belle mise en scène. Évidemment, lorsque Marc le compose, il est déjà au courant de la résurrection... et c'est juste ce dont il a voulu parler dans sa catéchèse que sont les évangiles. Tout son ouvrage n'est composé que dans ce but, dire, expliquer, convaincre, que Jésus a vaincu la mort, qu'elle n'a pas eu le dernier mot, avec lui. Et l'ensemble de ce chapitre est une très belle introduction, tout en douceur, à ce thème.

Ce n'est pour l'instant qu'une image, une parabole, c'est tout le chapitre qui est une grande parabole. Il est plus qu'improbable que cette tempête arrêtée d'un coup par Jésus ait le moindre fondement historique. Mais devons-nous vraiment nous en désoler ? Les auditeurs de Marc, eux, n'en étaient pas dupes comme nous le sommes devenus par la suite. Leur culture et leur époque admettaient parfaitement que l'on puisse utiliser des récits merveilleux, parce que c'est la meilleure façon de parler de choses encore plus merveilleuses, en réalité. Et nous ferions bien de retrouver leur état d'esprit, si nous ne voulons pas nous tromper d'espérance.

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