Partage d'évangile quotidien
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Chacun son métier ?

Mer. 22 Mai 2013

Marc 9, 38-40 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Jean lui dit : « Maître, nous en avons vu un qui, en ton nom, jette dehors les démons ! Et nous l'empêchions, parce qu'il ne nous suivait pas. » 

Jésus dit : « Ne l'empêchez pas ! Car il n'est personne qui fasse un miracle en mon nom et puisse vite mal parler de moi. Qui n'est pas contre nous est pour nous. » 

 

 

Ruth et Noémie, par He-Qi

 

 

voir aussi : Emulation spontanée

Nous continuons dans la veine des 'trouvailles' des disciples. Ici, Jean dans ses œuvres, toujours prêt à dégainer. C'est ce même Jean qui, avec son frère Jacques, lorsqu'un village de Samaritans refusera de les héberger pour la nuit, demandera l'autorisation à Jésus de faire tomber sur eux la foudre, pour leur apprendre... Aujourd'hui, il n'a même pas cru bon de lui demander son avis avant de sévir. C'est au cours d'une discussion sans rapport que l'histoire lui revient et qu'il s'empresse de la rapporter à Jésus, pour lui montrer à quel point il est zélé. Cela s'était passé sans doute quand Jésus les avait envoyés en mission deux par deux. Ils étaient donc ses représentants officiels, et voilà qu'ils sont tombés sur un concurrent sans aucune légitimité. Ils n'ont alors fait ni une, ni deux : "Dis donc, toi ! qui t'a permis ? T'as intérêt à arrêter ça tout de suite, sinon tu vas voir tes fesses ! On va le dire à Jésus..." Et puis, vous savez la suite, à peine rentrés de mission, ils ont été pris dans ce pique-nique géant avec plus de cinq mille hommes, ils avaient d'autres chats à fouetter. Puis Jésus qui s'est mis à faire la gueule : non, non ! pas question qu'on le porte au pouvoir. Et c'est maintenant que l'histoire lui revient.

Ce qui me frappe dans cette histoire, c'est que l'attitude de Jean nous décrit très exactement le processus qui mènera aux églises. Les églises se réclament d'une autorité qu'elles tireraient de Jésus lui-même, directement ou indirectement, et au nom de cette autorité estiment qu'elles sont habilitées à définir ce qu'on a le droit de faire et de dire à son sujet. Elles considèrent que, même si elles ne détiennent pas toute la vérité, elles sont quand même au moins dépositaires d'un certain socle minimal, et leur relation au monde qui les entoure est fondamentalement basé sur l'idée qu'elles ont quelque chose à lui apporter, et non l'inverse ! Et pourtant, ce n'est pas du tout ainsi que Jésus réagit dans l'épisode d'aujourd'hui.

Il s'est passé une autre histoire dans le même genre, mais cette fois après la résurrection, dans les débuts des communautés chrétiennes. C'est un païen (c'est-à-dire un non juif), qui a eu une vision qui lui suggérait de faire venir Pierre dans sa ville, chez lui. Pierre est réticent : les juifs ne doivent pas se mêler aux non juifs, notamment ils ne doivent pas entrer dans leurs maisons ! Pierre y va à reculons... Puis ce païen demande à recevoir le baptême ! Nouveaux affres pour Pierre : il faudrait qu'ils deviennent juifs pour commencer, c'est un processus qui peut durer très longtemps, voire ne jamais aboutir... Mais à ce moment-là, c'est l'Esprit saint lui-même qui décide de s'emparer du païen et de toute sa famille réunie : Pierre est bien obligé de s'incliner. Puisqu'ils ont déjà reçu l'Esprit, il vaut mieux même les baptiser... Eh bien ! l'histoire de notre guérisseur franc-tireur d'aujourd'hui est tout-à-fait similaire. Il fallait être notre Jean, obnubilé par le pouvoir que Jésus lui avait confié le temps de la mission, pour ne pas comprendre que, si cet homme pouvait lui aussi effectuer des exorcismes, et qui plus est en les plaçant sous le patronage de Jésus, c'est que c'était Dieu lui-même qui était à l'œuvre par son intermédiaire.

Cet épisode est un peu une exception dans les évangiles. Luc le reprend, mais pas Matthieu, et c'est bien le seul cas où est rapportée de Jésus une parole aussi ouverte : "qui n'est pas contre nous est pour nous". Matthieu et Luc ont, ailleurs, exactement l'inverse : "qui n'est pas avec moi est contre moi" ! Nous pouvons soupçonner que c'est la première formule qui reflète le mieux la pensée de Jésus. Jésus lui-même, en plusieurs occasions, semble bien avoir été bousculé, poussé dans les retranchements de sa vision un peu fermée de ce qu'il pensait être sa vocation. Sa mère à Cana, peut-être, mais plus sûrement, et à plusieurs reprises, des étrangers, justement, qui ont forcé son admiration par leur foi. Comment pourrions-nous alors prétendre pouvoir nous passer de ce dont il a eu besoin, lui ?

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