Partage d'évangile quotidien
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Et on y va !

Jeu. 10 Juillet 2014

Matthieu 10, 7-15 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« En allant, clamez, dites : “Proche est le royaume des cieux !” Les infirmes, guérissez-les ! Les morts, réveillez-les ! Les lépreux, purifiez-les ! En pur don, vous avez reçu : en pur don, donnez ! Ne possédez or ni argent, ni billon pour vos ceintures,  ni besace pour le chemin, ni deux tuniques, ni chaussures, ni bâton. Car l'ouvrier est digne de sa nourriture. 

« En quelque ville ou village que vous entriez, informez-vous : qui y est digne. Et là, restez jusqu'à ce que vous sortiez. En entrant dans la maison, saluez-la : “Paix !” Et si la maison en est digne, que votre paix vienne sur elle ! Mais si elle n'est pas digne, que votre paix revienne vers vous ! Si quelqu'un ne vous accueille pas, et n'entend pas vos paroles, en sortant hors de cette maison ou de cette ville, secouez la poussière de vos pieds.  Amen, je vous dis : le jour du jugement sera plus supportable pour la terre de Sodome et Gomorrhe que pour cette ville ! » 

 

 

Le prince de la paix, par He-Qi

 

 

voir aussi : Feuille de route, Chez l'habitant, Protocole, Vade-mecum

Concernant les 'pouvoirs' qu'ont pu avoir les disciples, nous avons vu hier qu'il est peu probable qu'ils aient guéri ni exorcisé du vivant de Jésus. Il semble par contre à peu près certain que les tout premiers chrétiens le faisaient effectivement, avec succès. L'intérêt de tels 'signes' est, à mon sens, très discutable, et personnellement je ne regrette pas qu'ils aient par la suite disparu au cours du premier siècle. Ceci dit, Matthieu exagère en parlant de "réveiller les morts" ! Marc et Luc n'en parlent pas dans leur passage parallèle à celui-ci, et même les quelques rares épisodes de réanimations attribuées à Jésus dans les évangiles sont douteux. Il y en a en fait deux cas rapportés dans les synoptiques, le fils de la veuve de Naïn et la fille de Jaïre, dont on peut supposer qu'il s'agissait de morts apparentes, d'états cataleptiques ayant fait croire à la mort. Et il y a Lazare, chez Jean, dont le récit est tellement théâtralisé, que le plus vraisemblable est qu'il partait initialement d'une guérison à l'article de la mort, qui a été ensuite progressivement enjolivée, jusqu'à sa forme actuelle, trop clairement adaptée au discours théologique de l'évangéliste.

Beaucoup ont du mal à croire que Jésus, et par la suite les premiers chrétiens, aient effectivement guéri. Pourtant, on peut difficilement expliquer, d'une part le succès initial de Jésus dans son ministère galiléen, d'autre part la première expansion du christianisme, s'ils n'ont pas eu au moins une telle réputation. Ce sera l'explication à laquelle s'arrêteront souvent ceux qui ont du mal avec le merveilleux : ce n'était qu'une réputation, rien ne prouve qu'elle correspondait à une réalité. C'est effectivement une possibilité. Mais on peut aussi reconnaître que de tels faits inexplicables se produisent, de nos jours encore, à Lourdes par exemple, et en d'autres lieux et contextes, et dans ce cas il devient plus admissible qu'il ait pu s'en produire un nombre non négligeable par l'intermédiaire de Jésus, puis des premiers chrétiens. Concernant plus particulièrement Jésus, un élément milite fortement pour la réalité de ces signes, c'est la gêne, voire l'obstacle insurmontable, qu'ils ont représenté pour qu'il puisse transmettre l'essentiel de son message. On voit très bien cet obstacle à l'occasion de la multiplication des pains, à la suite de laquelle les foules veulent faire de lui leur roi. On peut dire, littéralement, que ce sont les signes qui ont provoqué l'échec de la mission de Jésus de son vivant. Personne n'a reçu son message d'un Dieu Père, avant la résurrection et la venue de l'Esprit...

On trouve dans les évangiles plusieurs passages où Jésus refuse que se produisent encore des signes. Ils nous sont relatés en réponse à des demandes des 'pharisiens' ou autres supposés adversaires de Jésus, mais il semblerait plus logique que ç'ait été une décision qu'il ait prise quand il s'est rendu compte qu'ils le menaient dans une impasse. Par contre, les premiers chrétiens, donc, n'ont pas su résister à la même tentation. Eux aussi se sont trouvés à guérir et exorciser, et eux aussi ont mis du temps à comprendre que là n'était pas le plus important. Telle est la raison pour laquelle ces signes nous sont présentés plutôt favorablement dans les évangiles, et que les réticences à leur sujet que n'a pu manquer de manifester Jésus nous sont plus ou moins masquées. Il n'y a pas eu, de la part des premières générations de chrétiens, de réflexion élaborée sur l'ambiguïté des signes, et les choses sont restées en l'état jusqu'à nos jours. Nous avons des évangiles qui nous transmettent, pêle-mêle, du bon et du moins bon. Le bon, c'est que nous y retrouvons, quand même, l'essentiel, le Dieu Père et aimant, proche et accessible, directement, à chacun. Le moins bon, ce sont les signes et toute la théologie qui glorifie une certaine conception de la puissance, réelle, de cet amour, mais qui, si on s'y arrête, en masquent en fait la source. Il est difficile, effectivement, de ne pas se focaliser sur les signes, alors que ce qui est premier, c'est le Royaume, c'est-à-dire la présence du Père, le reste n'en étant qu'une conséquence éventuelle et non nécessairement souhaitable en soi.

À côté de cette erreur d'appréciation sur l'intérêt des signes, on peut par contre admirer le dévouement à leur cause qui animait ces premiers chrétiens, tel qu'il se déduit des conditions dans lesquelles ils exerçaient leur ministère et qui nous sont rapportées à la suite. Bénévolat complet, confiance absolue dans la providence pour être nourris, logés, et d'une manière générale recevoir tout ce dont ils auront besoin dans leur mission : qui, de nos jours, se sentirait dans un tel état d'esprit, prêt à partir à l'aventure pour témoigner de sa foi ? bien peu d'entre nous, je crains. On peut invoquer les traditions d'hospitalité orientales, mais je ne crois pas que la question soit seulement là, mais bien plutôt celle de notre foi. Nous ne sommes plus dans ces premiers temps, où on pensait en termes de fin d'un ancien monde et inauguration du nouveau, éternel. Nous avons depuis intériorisé le concept du Royaume, ce qui est une bonne chose par rapport, par exemple, à la fascination des signes, mais nous l'avons aussi relativisé, il est devenu plus abstrait et théorique, jusqu'à devenir une réalité quasiment virtuelle, que nous ne pourrions connaître qu'après notre mort, ce qui est complètement erroné. La vie dans l'Esprit, c'est pour ici et maintenant, et même si ses fruits ne se manifestent plus guère de manière spectaculaire et toute extérieure, ils n'en restent pas moins réels et en quelque sorte tangibles au point que, oui, c'est elle qui devrait commander tout notre être et notre agir.

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