Dieu tout-impuissant
C'est un modèle que je vous ai donné afin que, comme moi je vous ai fait, vous aussi fassiez. Qui reçoit celui que j'ai envoyé, c'est moi qu'il reçoit, et qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé.
Dieu tout-puissant ! comment se débarrasser de ce poncif, comment le dépasser, comment surtout une religion qui se réclamait de l'homme Jésus, de celui qui a lavé les pieds de ses disciples (tâche réservée aux esclaves...), a-t-elle pu l'oublier à ce point ? Quand j'entends ceux qui se désolent de ce que le christianisme ait perdu de son influence, qu'il ne "marche" plus, ne "parle" plus, je me dis quant à moi au contraire : enfin ! enfin va-t-on peut-être pouvoir atteindre à l'essentiel, à la réalité dont celui sur lequel il est censé se fonder a voulu, lui, témoigner.
Je vous ai lavé les pieds, comprenez-vous ce que cela veut dire ? si on tient à identifier Jésus à Dieu, comment fait-on alors pour ne pas en tirer la conséquence qui s'impose à l'évidence : Dieu est celui qui se met à notre service, et non à l'inverse celui qui voudrait que nous nous mettions à son service comme des esclaves à leur maître ! Dieu est celui qui meurt parce qu'il n'a pas le pouvoir de nous obliger à quoi que ce soit, Dieu est le tout-impuissant, et non le tout-puissant. Et voilà réellement ce que regrettent ceux qui se désolent de la perte d'influence du christianisme : c'est la puissance, le pouvoir, de l'institution, de la religion ; pour eux, c'est là tout ce qu'ils attendent de Dieu, qu'il soit source de pouvoir.
Là-dessus, le christianisme authentique est aux antipodes tant du judaïsme que de l'islam. Pour ces derniers, Dieu est effectivement tout-puissant, et doit en conséquence logiquement permettre d'asseoir sur lui les pouvoirs de ce monde, grand Israël comme états islamiques. Le temps des royaumes ou des états chrétiens est, quant à lui, fini et bien fini, Dieu merci ! La nostalgie d'une telle époque doit savoir se reconnaître comme n'étant que cela. La laïcité est une valeur intrinsèquement chrétienne.
Mais derrière le service concret, nécessaire évidemment selon les circonstances, il s'agit aussi et surtout d'un autre service, celui précisément de permettre de découvrir cette autre image de Dieu, car ce n'est pas parce qu'il est impuissant qu'il n'existe pas. À quoi ça peut servir un Dieu impuissant ? mais autant demander à quoi ça peut servir l'amour...
quand donc il eut lavé leurs pieds et remis ses vêtements
et qu'il se fut allongé de nouveau il leur dit
« comprenez-vous ce que je vous ai fait ?
vous, vous m'appelez le maître et le seigneur
et vous dites bien
car je le suis
aussi si moi le seigneur et le maître
je vous ai lavé les pieds
vous aussi vous devez les uns les autres
vous laver les pieds
car c'est un modèle que je vous ai donné
afin que comme moi je vous ai fait
vous aussi fassiez ;
amen amen je vous dis
un serviteur n'est pas plus grand que son seigneur
ni un envoyé plus grand que celui qui l'a envoyé
si vous avez compris cela
heureux êtes-vous si vous le faites !
ce n'est pas au sujet de vous tous que je parle
moi je sais ceux que j'ai choisis
mais c'est afin que l'Écrit ait été accompli
"celui qui mange mon pain
a levé contre moi son talon" ;
dès à présent je vous le dis avant que cela n'arrive
afin que lorsque cela arrivera vous sachiez
que c'est moi
amen amen je vous dis
qui reçoit celui que j'ai envoyé
c'est moi qu'il reçoit
et qui me reçoit
reçoit celui qui m'a envoyé
(Jean 13, 12-20)