Partage d'évangile quotidien
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Deux hommes meurent

Jeu. 9 Mars 2023

Deux hommes meurent. Du premier, on nous dit qu'il est emmené par les anges "dans le sein d'Abraham" ; du second, ...qu'il est enterré. Est-ce à dire que le premier n'ait pas été enterré lui aussi ? bien sûr que si, il est mort et bien mort, il a laissé un cadavre, ce n'est pas comme Élie qui a été enlevé tout vivant au ciel. Lazare a certainement reçu une sépulture, lui aussi, comme le riche, mais si on ne nous en parle pas, c'est parce que ce que nous laissons, quand nous mourons, notre cadavre, ce n'est plus nous ! Nous, en cette vie, nous sommes un corps vivant ; un corps mort, c'est juste de la matière, organique, mais qui n'est plus que décomposition et pourriture. Ce n'est plus rien.

Deux hommes meurent. Du premier, nous connaissons le nom : Lazare. Du second, nous savons seulement qu'il a été riche : riches habits, riche nourriture. S'il meurt, forcément, puisque nous ne connaissons pas son nom, comment nous souvenir de lui ? Il a passé sa vie à festoyer, mais on ne nous dit même pas qu'il ait festoyé avec des amis, qui, eux, pourraient encore penser à lui après sa mort. On l'enterre, seulement ; peut-être exactement comme on a enterré Lazare, qui n'avait peut-être pas d'amis lui non plus, à part les chiens qui venaient panser ses plaies ! Mais Lazare, quelqu'un le garde dans sa mémoire : Abraham, le père de tous les juifs, que nous pouvons prendre ici comme une figure de Dieu Père. Et c'est ainsi que Lazare se retrouve, à sa mort, directement, dans son sein.

Deux hommes meurent... Le second — celui que nous ne connaissons que par ces seules caractéristiques : il était riche et jouissait de ses richesses sans se soucier du sort des autres — se retrouve donc, logiquement, seul aussi dans la mort. Cet abîme qui s'étend entre, lui, et Lazare dans le sein d'Abraham, c'est juste cet abîme qu'il a construit de son vivant. Et ce feu qui le dévore, c'est le manque de tous ces biens, dans lesquels il se complaisait, s'aveuglant de la misère de son "frère". Car maintenant, il se rappelle, mais un peu tard, que lui aussi était fils d'Abraham, et il implore sa pitié : "Père Abraham !". Mais Abraham ne le reconnaît pas comme son fils, il ne lui répond pas "Mon fils !", mais seulement "Enfant !", ce qu'il était dans sa vie, un enfant, qui reçoit tout comme un dû.

L'histoire s'arrête là pour ce qui est de ce riche. La réponse d'Abraham, "Enfant !", n'exclut pas qu'il puisse finir par le reconnaître comme "Mon fils !". On peut remarquer que, le fait que le riche se fasse du souci pour ses frères, est un début, timide mais réel, de sortie de son égocentrisme. L'abîme qui le sépare de Lazare et du sein d'Abraham, n'étant que la matérialisation de la disposition intérieure de son esprit, rien ne dit qu'il soit définitivement infranchissable. Mais lui seul peut en décider, tout est entre ses mains, comme, pour nous, entre les nôtres. Qu'un de chez les morts se soit levé y change-t-il quelque chose ?

 

 

 

 

Il était un homme riche.
    Il se revêtait de pourpre et de lin fin,
il festoyait chaque jour, splendidement.

Un pauvre du nom de Lazare
    gisait près de son portail, couvert d'ulcères.
Il désirait se rassasier
    de ce qui tombait de la table du riche...
Et même les chiens venaient lécher ses ulcères !

Or le pauvre meurt.
    Il est transféré par les anges
    dans le sein d'Abraham.
Le riche meurt aussi et il est enterré.

Dans l'Hadès, il lève les yeux,
    se trouvant dans les tourments :
il voit Abraham à distance
    et Lazare en son sein.
    Et lui, il crie et dit :
"Père Abraham, aie pitié de moi !
Envoie Lazare
    tremper le bout de son doigt dans l'eau
    et rafraîchir ma langue,
parce que je suis supplicié dans cette flamme !"

    Abraham dit :
"Enfant, souviens-toi :
tu as reçu tes biens pendant ta vie,
    et Lazare pareillement les maux.
Maintenant, ici, il est consolé,
    et toi, supplicié.
Et en tout cela, entre nous et vous,
    il y a un grand gouffre, immuable.
Ainsi ceux qui veulent franchir d'ici vers vous
    ne peuvent,
ni de là-bas vers nous faire la traversée !"

    Il dit :
"Je te sollicite donc, père,
de l'envoyer vers le logis de mon père,
    – car j'ai cinq frères –
qu'il témoigne auprès d'eux,
    pour qu'eux aussi ne viennent pas
dans ce lieu de tourment !"

    Abraham dit :
"Ils ont Moïse et les prophètes :
qu'ils les entendent !"
    Il dit :
"Non, père Abraham !
    Mais si un de chez les morts allait vers eux,
ils se convertiront !"
    Il lui dit :
"S'ils n'entendent pas Moïse et les prophètes,
    même si un de chez les morts se levait,
ils ne seront pas convaincus !" »

(Luc 16, 19-31)

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