Partage d'évangile quotidien
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Décomposition et recomposition

Ven. 14 Avril 2023

Ni ange, ni démon : plus proche de la plupart d'entre nous, en somme.


Ce dernier chapitre de Jean est comme une postface, il a été ajouté vraisemblablement lorsque une partie de la communauté johannique a décidé de se rallier aux communautés pagano-chrétiennes issues principalement de l'activité missionnaire de Paul. Cet ajout est très net quand on lit à la fin du chapitre précédent que "Jésus a fait encore beaucoup d'autres signes ...ils ne sont pas écrits dans ce livre". Ils ne sont pas écrits, mais voici qu'on en rajoute quand même quelques uns...

C'est une partie seulement de la communauté johannique qui fait ce choix, de rejoindre ce qui va devenir l'Église. Il y avait effectivement des dissensions au sein de cette communauté, particulièrement sur la question du statut exact de Jésus. Certains n'avaient pas hésité à aller jusqu'à l'identifier à Dieu lui-même, comme en témoigne le "et le Verbe était Dieu", qui est un ajout, lui aussi, à un texte qui préalablement affirmait seulement que "le Verbe était vers Dieu", donc distinct de Lui. D'autres ne l'acceptaient pas, comme en témoigne particulièrement le verset 17, 3 : "Telle est la vie éternelle : c'est qu'ils Te connaissent, Toi, le seul Dieu véritable, et celui que Tu as envoyé, Jésus messie".

En guise de patte blanche, peut-être, alors que dans le chapitre précédent toutes les apparitions du ressuscité s'étaient produites à Jérusalem, la ville de l'évangéliste — comme d'ailleurs la plus grande partie de tout son évangile —, ce dernier chapitre se déroule en Galilée, la région dont sont originaires, et Jésus, et la plupart de ses disciples. On notera, par exemple, que c'est ici la première et dernière fois que Jean mentionne les fils de Zébédée, Jacques et Jean ! pourtant tellement présents dans les synoptiques comme faisant partie du trio de tête "Pierre, Jacques et Jean"...

L'évangéliste recycle donc d'abord cet épisode d'une pêche miraculeuse, trouvé chez son confrère Luc. Curieusement, quand les pêcheurs arrivent sur le rivage, avec leur filet plein de "cent cinquante-trois grands poissons", ils trouvent le ressuscité, campé à côté d'un feu, sur lequel cuisent déjà d'autres poissons, ainsi que du pain... on n'a pas besoin de leur poisson, contrairement à ce qui s'était passé à la multiplication des pains, où Jésus était parti des "cinq pains d'orge et deux alevins" qu'avait "un gamin". La raison pour laquelle Jean a repris cet épisode de Luc est peut-être implicitement ce qui se passe alors chez ce dernier (Luc 5, 8) : "Ce que voyant, Simon-Pierre tombe aux genoux de Jésus et dit : « Sors d'auprès de moi : Je suis un homme pécheur, Seigneur ! »" ; en effet, la suite, ici, sera le triple questionnement de Jésus "Pierre, m'aimes-tu" qui lui rappellera son triple reniement...

Le moins qu'on puisse dire de l'évangile de Jean, au sujet de Pierre, est qu'il le présente comme une sorte de gros balourd, par rapport à lui, le disciple bien-aimé. Mais il faut relativiser ce jugement sévère, car la véritable antithèse du disciple bien-aimé est plutôt Judas, Pierre apparaissant alors comme celui qui se tient entre les deux, ni ange, ni démon, plus proche de la plupart d'entre nous, en somme.

 

 

Après ces choses, Jésus de nouveau se manifeste
    aux disciples sur la mer de Tibériade.
Il se manifeste ainsi :

Ils étaient ensemble,
    Simon-Pierre, Thomas, dit Jumeau (Didyme),
    Nathanaël, de Cana en Galilée,
    ceux de Zébédée et deux autres de ses disciples.
    Simon-Pierre leur dit :
« Je vais pêcher. »
    Ils lui disent :
« Nous venons nous aussi avec toi. »
Ils sortent, montent dans la barque,
    et cette nuit-là ils ne prennent rien.

Le matin déjà venu,
    Jésus se tient sur le rivage.
Cependant les disciples ne savent pas que c'est Jésus.
    Jésus leur dit donc :
« Petits enfants, vous n'avez pas quelque chose à manger avec le pain ? »
    Ils lui répondent :
« Non ! »
    Il leur dit :
« Jetez le filet du côté droit de la barque,
    et vous trouverez. »
Ils jettent donc et n'ont plus la force de le tirer
à cause de la masse de poissons.

    Le disciple que Jésus aimait dit donc à Pierre :
« C'est le Seigneur ! »
Simon-Pierre donc, quand il entend que c'est le Seigneur,
    ceint sa blouse – car il était nu –
et se jette à la mer.
Les autres disciples viennent en bateau,
car ils ne sont pas à grande distance de la terre
    mais à peu près à deux cents coudées.
Ils halent le filet des poissons.

Quand donc ils débarquent à terre,
ils regardent : un feu de braise posé là
    et du fretin dessus, et du pain.
    Jésus leur dit :
« Apportez du fretin que vous avez pris tout à l'heure. »
Simon-Pierre monte donc
et tire à terre le filet plein de grands poissons :
    cent cinquante-trois !
Et, bien qu'il y en ait tant, le filet ne se déchire pas.

    Jésus leur dit :
« Venez, déjeunez ! »
    Pas un des disciples n'ose s'informer :
« Toi, qui es-tu ? »
    Ils savent que c'est le Seigneur.
Jésus vient, prend le pain, leur donne,
    et le fretin de même.

C'est alors la troisième fois
que Jésus se manifeste à ses disciples,
    réveillé d'entre les morts.

(Jean 21, 1-14)

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