Partage d'évangile quotidien
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L'arbre qui cache la forêt

Sam. 15 Avril 2023

La diversité est source de richesses


Tous les exégètes sont d'accord, cette finale de l'évangile de Marc n'est pas du même auteur que le reste de l'évangile : tant le vocabulaire que le style en sont trop différents. Si on enlève cette finale, le récit s'achevait simplement sur la découverte du tombeau vide par les femmes, leur vision d'un ange qui leur affirme que Jésus a été "relevé" et que les disciples le reverront en Galilée ; mais elles sont tellement perturbées qu'elles ne disent rien : il est certain qu'avec un récit se terminant ainsi, on aurait du mal à comprendre le développement ultérieur du christianisme...

On peut donc supposer qu'un rédacteur "anonyme" ait pioché, ici chez Jean, là chez Luc, voire chez les deux ensemble quand ils s'accordent, pour fournir cette sorte de résumé simplifié de la suite des événements que nous avons maintenant sous les yeux : l'apparition à Marie Madeleine le dimanche matin (chez Jean), l'apparition aux deux disciples en route vers Emmaüs l'après-midi (chez Luc), plus tard une apparition aux Onze (chez Luc ou Jean), puis l'envoi en mission et l'ascension ; il manque la venue de l'Esprit, à moins de considérer que "Le Seigneur confirme la parole par les signes qui l'accompagnent" en soit l'équivalent.

On peut sans doute tenir cette explication comme globalement valable. Il reste quand même à expliquer l'insistance, ici, sur l'incrédulité des Onze : non seulement "ils ne croient pas" au témoignage de Marie Madeleine (c'est un peu normal, dans leur culture : c'est une femme), mais "ils ne croient pas" non plus au témoignage des deux disciples revenant d'Emmaüs (ce sont de simples disciples, pas des membres des "Onze"). Alors Jésus "fulmine" ("injurie, insulte" serait plus conforme au mot hébreu initial supposé derrière le grec) contre les dits Onze... ni Jean, ni Luc, encore moins Matthieu, ne sont aussi sévères !

Mais comme, d'un autre côté, l'évangile de Marc — prenant en cela le contrepied de celui de Matthieu —, a une tendance générale à dévaloriser, tant les Douze, que particulièrement Pierre (c'est-à-dire : le début d'organisation hiérarchique, qui est déjà en train de se mettre en place dans les communautés de l'époque où il écrit), on est alors quand même obligé de considérer que cette finale, même si elle n'est pas de la même main que le reste de l'évangile, reste en partie dans le même esprit. C'est quelqu'un de la même "écurie", de la même "école", qui l'a rédigée.

Oui, les débuts du christianisme ne sont absolument pas conformes à la pieuse image qu'on a voulu en donner pendant des siècles, celle d'un arbre unique, lequel se serait malheureusement séparé en plusieurs branches par la suite (séparation orthodoxes-catholiques, puis séparations protestants-catholiques, sans parler des séparations encore antérieures : églises copte, arménienne, ...). Il y a toujours eu, dès le début, des compréhensions différentes de qui avait été Jésus de son vivant et du rôle à lui attribuer après sa mort, et c'est tant mieux : la diversité est source de richesses.

 

 

Il s'est levé le matin,
    le premier de la semaine.

Il paraît en premier à Marie la Magdaléenne,
    de qui il avait jeté dehors sept démons.
Celle-là va l'annoncer à ceux qui avaient été avec lui :
    ils s'affligeaient et pleuraient.
Et ceux-là, quand ils entendent qu'il vit,
    et qu'il a été vu par elle,
ils ne croient pas !

Après ces choses, à deux d'entre eux qui marchaient,
il se manifeste sous une autre forme,
    alors qu'ils allaient à la campagne.
Et ceux-là s'en vont l'annoncer aux autres :
    eux non plus,
ils ne les croient pas !
    
Plus tard aux Onze, tandis qu'ils étaient à table,
    il se manifeste.
Il fulmine contre leur manque de foi
    et la sclérose de leur cœur :
    car ceux qui l'avaient vu réveillé,
ils ne les ont pas crus.

    Il leur dit :
« Allez dans le monde entier.
Clamez la bonne nouvelle
    à toute la création.
Celui qui croit, baptisé,
    sera sauvé.
Celui qui ne croit pas
    sera condamné.
Ces signes escorteront ceux qui croient :
    au nom de moi,
ils jetteront dehors les démons,
ils parleront des langues nouvelles,
ils prendront des serpents ;
s'ils boivent quelque chose de mortel,
    cela ne leur nuira pas ;
sur les invalides, ils imposeront les mains,
    et ils iront bien. »
    
Donc, le Seigneur Jésus,
    après leur avoir parlé, est enlevé au ciel :
    il s'assoit à la droite de Dieu.
Ceux-là sortent et clament en tout lieu.
Le Seigneur coopère :
il confirme la parole
    par les signes qui l'accompagnent.

(Marc 16, 9-20)

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