Partage d'évangile quotidien
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Le premier jour

Mer. 27 Décembre 2023

Croire que la mort d'une personne est synonyme de sa disparition complète et définitive semble avoir été une spécificité assez curieuse du judaïsme originel, proche de ce que nous appellerions de nos jours le matérialisme : il n'y a que la matière, quand notre corps meurt c'est fini n. i. ni.

Croire que la mort d'une personne est synonyme de sa disparition complète et définitive semble avoir été une spécificité assez curieuse du judaïsme originel. Spécificité curieuse, parce que si on parcourt l'ensemble des croyances aussi anciennes les plus répandues, de l'animisme ou chamanisme aux métaphysiques extrême-orientales, les unes comme les autres envisagent une notion d'âme qui survit à la mort, que ce soit pour se fondre dans l'âme globale qui anime toutes choses ou pour revenir dans des vies successives. De ce point de vue, le judaïsme originel est le plus proche de ce que nous appellerions de nos jours le matérialisme : il n'y a que la matière, quand notre corps meurt c'est fini n. i. ni.

À l'époque de Jésus, les pharisiens cependant semblent avoir développé le concept de résurrection, dans le sens qu'à la fin des temps tous ceux qui l'auront mérité retrouveront la vie, et ce définitivement ; au contraire, les sadducéens, eux, seraient restés sur l'idée d'une vie unique et d'une mort comme fin définitive de toute la personne. C'est dans ce contexte que les disciples d'un certain Jésus se sont mis à affirmer que leur champion avait bénéficié de cette résurrection, et ce dès aujourd'hui, juste après sa mort. On peut déjà noter qu'une telle résurrection n'est pas la même que celle en laquelle croyaient les pharisiens : ces deux types de résurrection ont-t-elles seulement un rapport entre elles ? rien de moins sûr, et qu'est-il déjà dit exactement à propos de celle de Jésus ?

Le témoignage de l'évangile de Jean est peut-être celui qui nous en dit le plus à ce sujet, confirmé depuis par ce que révèle le linceul de Turin, mais commençons par ce texte. Jean procède en trois étapes progressives, chacune apportant des compléments à la précédente, suivons donc pas à pas ces trois étapes : en premier, c'est Marie-Madeleine qui a découvert que la pierre qui fermait le tombeau avait été enlevée, le tombeau était ouvert. Il n'y a aucune raison qu'elle n'y soit pas entrée, elle a alors constaté que le corps ne s'y trouvait plus, et elle est revenue en hâte prévenir les hommes que le corps avait disparu — que le tombeau était vide — et aucune idée où il avait pu être emmené.

Deuxième étape, Pierre ainsi que l'évangéliste lui-même, Jean, courent au tombeau, Jean arrive premier, il n'entre pas (parce qu'il est prêtre et que, si le corps s'y trouvait quand même, cela le rendrait impur pour l'exercice de ses fonctions) mais il regarde de l'extérieur l'emplacement où le corps avait été déposé, et il remarque ceci, auquel Marie-Madeleine n'avait pas fait attention : le linceul — cette grande pièce de tissu de plus de quatre mètres de long sur plus d'un mètre de large — est resté là "étendu, à plat, à sa place". Ce simple fait contredit l'idée qu'avait eue Marie-Madeleine, que la disparition du corps signifiait que quelqu'un était venu l'enlever, car dans ce cas ce quelqu'un n'aurait pas pris la peine de le sortir du linceul...

Troisième étape, enfin, après que Pierre (qui n'est pas prêtre et n'est donc pas concerné par la question de l'impureté) soit entré et ait confirmé à Jean qu'il n'y avait pas de corps, ce dernier peut entrer lui aussi et il remarque un autre détail : le "suaire" — qui est en fait un tissu de la taille d'une grande serviette, qui avait été enroulé sur lui-même, passé sous le menton et noué au-dessus de la tête (comme pour un œuf de Pâques !), pour maintenir la bouche fermée — se trouve toujours enroulé, et lui aussi à sa place... et là, en un clin d'œil, Jean comprend, comme en une vision : personne n'est venu prendre le corps, personne n'est même venu le "déballer", mais le corps s'est comme volatilisé de l'intérieur du linceul, et ce dernier comme le "suaire" se sont juste affaissés sur place

Il se trouve qu'une caractéristique importante du linceul dit de Turin confirme un tel scénario, à savoir le fait qu'aux emplacements des nombreuses traces de sang qui le parsèment, on devrait découvrir de micro-arrachements de fibres du tissu, inévitables du fait que le sang avait séché, or ce n'est pas le cas : le cadavre qui se trouvait là s'y est donc bien comme volatilisé. Mais maintenant, surtout, que conclure de ces caractéristiques de la "résurrection" de Jésus ? Pour ma part, il me semble qu'elle s'est produite de cette manière-là, spécifique, essentiellement pour produire un choc : c'est un événement exceptionnel, hors du commun, dont on ne peut donc pas conclure grand chose sur nos fins dernières à nous tous dans l'ensemble, si ce n'est au moins qu'il y a donc bien plus dans le monde que juste de la matière, mécanique, inerte.

Sans exclure qu'un tel événement ait pu se produire dans le passé, ou puisse se produire à l'avenir, en quelque autre occasion, il est clair qu'il ne dit donc rien sur les modalités de nos destins post-mortem à nous tous. Conclure de cet événement exceptionnel quoi que ce soit de plus précis à notre sujet à nous me semble très difficilement pouvoir se défendre. De ce point de vue, le christianisme est héritier du pharisaïsme, et partage encore aujourd'hui avec le judaïsme, ainsi même qu'avec l'islam, des conceptions assez proches : il y aura une fin des temps et nous entrerons alors dans un paradis que nous nous représentons peu ou prou comme assez semblable à ce que nous vivons actuellement, et c'est juste que nous ne mourrons plus... mais d'où provient une telle conception ??? certainement pas de ce qui est arrivé à Jésus !

 

 

alors, le premier jour de la semaine,
Marie la Magdaléenne vient tôt
    encore dans la nuit
    au tombeau
et elle voit
    la pierre qui a été enlevée du tombeau
aussi court-elle
et elle vient auprès de Simon-Pierre
et auprès de l'autre disciple, celui que Jésus aimait,
    et elle leur dit
« ils ont enlevé le Seigneur du tombeau
    et nous ne savons pas où ils l'ont mis »

alors il sont sortis, Pierre et l'autre disciple,
    et ils venaient au tombeau,
ils couraient tous les deux ensemble,
mais l'autre disciple a couru devant,
    plus vite que Pierre,
et il est arrivé le premier au tombeau
et, s'étant penché pour regarder, il a vu
    le linceul à plat,
mais il n'est pas entré

Simon-Pierre arrive alors aussi à sa suite
    et il est entré dans le tombeau
et il regarde le linceul à plat
et le suaire qui était à la tête
    non pas à plat comme le linceul
    mais quant à lui enroulé en place
et alors il est donc entré l'autre disciple,
    celui qui était arrivé le premier au tombeau,
et il a vu et il a cru,
car ils n'avaient pas encore compris l'écrit
    qu'il allait se relever d'entre les morts

alors les disciples s'en sont allés, retournant chez eux

(Jean 20, 1-10)

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