Partage d'évangile quotidien
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Deus ex machina

Mar. 12 Mars 2024

Il semble bien que Jésus considère qu'aucun domaine ne soit réservé à Dieu seul, la question restant alors : cette liberté d'action, la revendiquait-il pour lui seul ou pour tout un chacun ?

Cette guérison d'un paralytique fait penser à celle rapportée par les trois synoptiques Matthieu (9, 1-8), Marc (2, 3-12) et Luc (5, 17-26) : dans les deux cas l'accent est mis sur son impuissance à se déplacer, et la phrase qui guérit, prononcée par Jésus, est la même : "Lève-toi, prends ton grabat, et va..." Trois ordres. Le premier est le plus important, bien sûr, c'est celui par lequel l'infirme va rompre avec son infirmité, découvrir qu'il n'en est plus prisonnier, libéré. Mais le deuxième n'est pas non plus anodin, emmener son grabat, l'objet qui a été son plus fidèle compagnon pendant toute sa vie jusque là : il ne s'agirait pas non plus qu'il renie cette partie de son passé, faire comme si elle n'avait jamais existé. Et à cette condition-là seulement, alors il peut se tracer un nouveau chemin dans sa vie.

Ceci dit, au-delà de ces similitudes, le contexte global de la guérison est différent. Dans les deux cas elle donne lieu à controverse, mais pour des raisons différentes. Chez les synoptiques, Jésus s'appuie sur la guérison pour affirmer qu'il a le pouvoir de pardonner les péchés, ce qui scandalise les scribes présents à ce moment-là. Matthieu affirme même que ce "pouvoir" n'appartiendrait pas qu'à Jésus, anticipant ainsi sur les développements ultérieurs du christianisme. Ici, chez Jean, c'est le fait qu'il ait dit à l'homme de porter son grabat alors qu'on était un jour de shabbat, ce qui scandalise les Judéens.

Donc, apparemment du moins, des motifs de scandale différents, mais pas tant que ça non plus, puisque toujours ici chez Jean, en réponse aux Judéens qui lui reprochent d'enfreindre le shabbat, Jésus va répondre que "mon Père jusqu'à présent agit et moi aussi j'agis", ce qui est une manière de plus ou moins revendiquer les mêmes prérogatives que Dieu, tout comme pour ce qui est du pardon des péchés... Dans les deux cas, il semble bien qu'il considère qu'aucun domaine ne soit réservé à Dieu seul, la question restant alors : cette liberté d'action, la revendiquait-il pour lui seul ou pour tout un chacun ?

Pour ce qui est du pardon des péchés, le christianisme, ultérieurement, considérera donc effectivement que Jésus n'était pas le seul à pouvoir s'en arroger le pouvoir, mais malheureusement le réservera à ses seuls ministres, c'est-à-dire fera précisément un outil de pouvoir de ce qui devrait au contraire en être un de libération.

D'une manière générale, pour ce qui est de l'action de Dieu, il serait sans doute largement temps de réaliser qu'il n'en a pas les moyens extérieurement, qu'il n'intervient jamais dans les affaires des hommes à la manière d'un deus ex machina, contrairement à ce qu'affirment les récits légendaires. Tel devrait en tout cas être la conclusion évidente de tant d'horreurs perpétrées par eux. Dieu n'agit pas dans l'histoire des hommes sinon intérieurement en eux, et donc tout ne dépend que d'eux, que de nous. Nous seuls pouvons agir. En bien comme en mal.

 

 

Après cela il y avait une fête des Judéens
    et Jésus monta à Jérusalem

or il y a dans Jérusalem près [de la porte] du petit bétail
    une piscine appelée en hébreu Béthesda
    ayant cinq portiques
dans lesquels gisaient une multitude d'infirmes,
    aveugles, boiteux, desséchés
    attendant l'agitation de l'eau
(car un ange de temps en temps descendait dans la piscine
    et agitait l'eau
et alors le premier entré après l'agitation de l'eau
    était guéri
quelque soit le mal dont il était pris)

or il y avait là un homme
    qui était depuis trente-huit ans dans son infirmité
Jésus l'ayant vu étendu
et sachant qu'il y a déjà beaucoup de temps
    lui dit
« veux-tu devenir guéri ? »
    l'infirme lui répondit
« seigneur ! je n'ai pas d'homme pour
    me pousser dans la piscine quand l'eau a été agitée
et le temps que j'y aille un autre descend avant moi »
    Jésus lui dit
« lève-toi ! prends ton grabat et marche ! »
et aussitôt l'homme fut guéri
et il prit son grabat et il marchait
    
or c'était shabbat ce jour-là
    aussi les Judéens disaient à celui qui avait été guéri
« c'est shabbat
et il ne t'est pas permis de porter ton grabat »
    mais il leur répondit
« celui qui m'a fait guéri c'est lui qui m'a dit
"prends ton grabat et marche !" »
    aussi lui demandèrent-ils
« qui est l'homme qui t'a dit
    "prends et marche !" ? »
mais le guéri ne sait pas qui c'est
car Jésus avait disparu
    il y avait foule en ce lieu

    après cela Jésus le trouve dans l'enceinte du temple et lui dit
« vois ! tu es devenu guéri
    ne pêche plus ! qu'il ne t'arrive quelque chose de pire »
l'homme s'en alla et annonça aux Judéens
    que c'est Jésus qui l'avait fait guéri
aussi les Judéens poursuivaient Jésus
    parce que ces choses-là il les faisait le shabbat.

(Jean 5, 1-16)

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