Partage d'évangile quotidien
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Comme dans les fables

Mar. 16 Avril 2024

Il y a une certaine lecture de ce qu'on appelle le péché originel, comme idée que l'humanité est radicalement pervertie et donc incapable de la moindre amélioration de son sort, alors que c'est ainsi que nous avons été faits, par nature.

Toujours la même question : est-ce que Jésus, l'homme, a pu affirmer être le "pain de la vie", soit "le pain venu du ciel", autrement dit la Parole même de Dieu ? On sait que ce thème est particulièrement cher à cet évangéliste, Jean, pour l'avoir développé dans son prologue "en premier était la Parole...(1, 1) et la Parole se fit chair...(1, 14)", faisant ainsi de Jésus une incarnation de cette Parole de Dieu. C'est donc exactement le même thème dont il est question à nouveau ici, sous ce symbole du pain du ciel, du pain de la vie, cette autre nourriture que le pain terrestre. Ce symbole est courant dans la Bible, Jésus lui-même l'aurait rappelé à l'adversaire dans une de ses tentations : l'homme ne vit pas seulement de pain mais aussi de toute Parole qui vient de la bouche de Dieu.

Toujours donc la même question : que signifie cette incarnation de la Parole en Jésus ? est-ce en lui seul qu'elle s'est réalisée, est-elle un phénomène unique dans toute l'histoire de l'univers, ou n'est-elle pas plutôt caractéristique de la condition humaine, étant entendu que certains la manifestent bien mieux que d'autres ? Dans le premier cas, Jésus serait donc une exception, ce qu'on appelle aussi une singularité (exemple de singularité, pour autant qu'on le sache : le big-bang, on n'en connaît qu'un seul ; l'ennui avec les singularités, c'est qu'on ne sait pas quoi en dire, on ne peut pas les comparer à autre chose) ; comment alors comprendre que son humanité serait vraiment la même que la nôtre ? impossible à dire. Dans ce cas, certes, il est possible qu'il puisse utiliser le "je" de Dieu comme étant le sien ; mais de quelle humanité se réclame-t-il alors qui serait autre chose que juste une façade, une apparence ?

Le problème derrière ceci provient sans doute d'une certaine lecture de ce qu'on appelle le péché, particulièrement du péché dit originel. Il est quand même surprenant que personne ne fasse le parallèle entre, d'une part l'identification progressivement pure et simple de Jésus à Dieu, et d'autre part une lecture de ce récit du péché originel comme devenant progressivement aussi l'idée que l'humanité est radicalement pervertie et donc incapable de la moindre amélioration de son sort sans que Dieu ne prenne de lui-même une initiative qui soit à la hauteur de cette perversion irrémissible. Car il faut bien comprendre que cette lecture-là du "péché originel" n'existait pas avant le christianisme ! alors que nous avons été faits ainsi, capables de faire de mauvais choix, capables aussi de nous y obstiner encore et encore, c'est notre nature, et capables aussi de changer de vie. Tout ceci est en nous dès le commencement, l'aptitude au mal comme au bien.

L'incarnation, c'est cela, c'est quand s'exprime notre aptitude au bien. Que Jésus en ait particulièrement et remarquablement témoigné, c'est certain pour moi, et en cela il peut être pour moi un modèle : si lui l'a fait, alors moi aussi cela m'est accessible. Je ne dis pas que je vais certainement y arriver, mais cela reste ouvert. Alors que s'il est la seule incarnation de Dieu de tout temps et en tous lieux, ma motivation devient forcément moindre, à la limite même il devient pour moi un alien : nous n'avons pas la même origine, nous ne sommes pas de la même nature, c'est comme si on demandait à un éléphant de voler comme un oiseau ou à un poisson de vivre hors de l'eau, ça peut exister dans les fables et les dessins animés, mais pas dans la vraie vie...

 

 

    ils lui dirent alors
« quel signe fais-tu donc toi
    afin que nous voyions et que nous te croyions ?
quelle œuvre accomplis-tu ?
nos pères ont mangé la manne dans le désert
    comme il est écrit
"un pain venu du ciel il leur a donné à manger" »
    Jésus alors leur a dit
« amen amen je vous dis
ce n'est pas Moïse
    qui vous a donné le pain venu du ciel
mais c'est mon Père
    qui vous donne le pain venu du ciel, le véritable
car le pain de Dieu
c'est celui qui descend du ciel
    et donne vie au monde »

    alors ils lui dirent
« Seigneur toujours donne-nous ce pain ! »
    Jésus leur a dit
« c'est moi qui suis le pain de la vie
    qui vient à moi non n'aura pas faim
    et qui croit en moi non n'aura pas soif
jamais ! »

(Jean 6, 30-35)

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