Partage d'évangile quotidien
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Dépasser l'âge du biberon

Ven. 19 Avril 2024

L'évangile de Jean paraît construit comme une catéchèse initiatique, centrée d'abord sur Jésus en tant que révélation de l'immanence de Dieu, mais débouchant au final sur le Père en tant que transcendance de ce même Dieu

Consommer, manger, boire, il n'y a pas vraiment lieu de faire une différence ici entre nourriture et boisson, entre pain et vin, lesquels symbolisent la chair et le sang, autrement dit, selon l'anthropologie biblique, le corps et l'âme, lesquels ne sont donc pas vraiment séparables ; l'être humain est une âme vivante, indiscernablement corps animé ou âme "animante". Un corps non animé s'appelle en réalité un cadavre, cela se décompose, cela n'a plus d'unité, ce n'est plus à strictement parler un corps. Une âme qui n'anime pas un corps n'a pas de sens non plus, une âme est faite pour animer, sinon elle ne sert à rien.

Il ne s'agit cependant et évidemment pas de consommer, littéralement, Jésus ! On n'est pas ici dans l'institution de l'eucharistie (même si cela doit pouvoir l'éclairer), on est dans un discours censé se situer à la suite d'une multiplication de pains, la foule veut faire roi Jésus de manière à pouvoir être nourrie ad vitam æeternam sans avoir rien d'autre à faire que d'ouvrir le bec, et il s'agit de la faire sortir de cette attente infantile et malsaine : la vraie nourriture (et boisson...) c'est de l'assimiler, lui, mais bien sûr pas littéralement. L'assimiler : moralement, le prendre comme exemple, suivre son modèle, animé par l'Esprit tourné vers le Père.

Il y a alors cependant ce concept, qu'on retrouve tout du long de l'évangile de Jean, selon lequel nous aurions à nous situer vis-à-vis de Jésus de la même façon que lui-même se situe vis-à-vis du Père, ce qui n'est pas du tout la même chose. S'agit-il de me tourner vers le Père de la même manière que lui l'est, ou s'agit-il de me tourner vers Jésus de la même façon que lui l'est vers le Père ? Nous avons certainement là un des fondements de la divinisation de Jésus qui aboutit à ce que grosso modo le chrétien qui veut se tourner vers Dieu se tournera en priorité vers Jésus, et secondairement seulement vers le Père.

Mais dans ce même évangile de Jean, pourtant, Jésus en arrivera, dans le discours d'adieu, à dire que désormais (après sa mort, c'est-à-dire une fois qu'ils auront reçu l'esprit), ils pourront eux aussi se tourner directement vers le Père, ils n'auront plus besoin de passer par lui comme intermédiaire indispensable entre eux et le Père, ils seront eux aussi dans le face-à-face direct. Ceci n'empêche pas que, dans sa nouvelle position auprès du Père, Jésus continuera de leur apporter son concours. Mais cela rétablit quand même une certaine hiérarchie dans l'essentiel : on ne peut pas assimiler purement et simplement Jésus à Dieu !

L'évangile de Jean apparaît alors construit comme une sorte de catéchèse initiatique, centrée d'abord sur Jésus, en tant que révélation de l'immanence de Dieu, mais débouchant au final sur le Père, en tant que transcendance de ce même Dieu. Car, s'agissant de Dieu, c'est sa transcendance qui est première, son immanence ne pouvant venir qu'en second, avec la manifestation de l'univers.

Peut-on envisager les choses dans l'autre sens ? l'immanence première, intrinsèque à l'univers, et la transcendance en tant que propriété émergente de ce dernier ?

 

 

    alors les Judéens discutaient les uns avec les autres en disant
« comment peut-il celui-ci nous donner sa chair
    à manger ? »
    et Jésus leur a dit :

« amen amen je vous dis
si vous ne mangez pas la chair du fils de l'homme
ni ne buvez son sang
    vous n'avez pas la vie en vous-même
qui consomme ma chair
et boit mon sang
a vie éternelle
et moi je le relèverai au dernier jour
car ma chair est vraie nourriture
    et mon sang est vraie boisson

qui consomme ma chair
    et boit mon sang
demeure en moi et moi en lui
comme le Père le vivant m'a envoyé
    et que moi je vis du Père
ainsi qui me consomme vivra aussi de moi
tel est le pain descendu du ciel
    non pas comme ont mangé les pères puis ils ont péri
mais qui consomme ce pain vivra pour l'éternité »

il a dit ces choses dans une synagogue
    en enseignant à Capharnaüm

(Jean 6, 52-59)

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