Partage d'évangile quotidien
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Unicité : mais laquelle ?

Mer. 10 Avril 2024

Le fils unique : voilà une formule qui deviendra ô combien centrale dans le christianisme. Ici, elle désigne Jésus, l'homme, l'être humain. C'est évidemment encore l'évangéliste qui fait son commentaire, toujours sur la question de la seconde naissance, de la naissance d'en-haut, ce qui n'est pas très habile, parce qu'on a ainsi l'impression que cette naissance à l'esprit qui nous habite tous n'aurait pas la même signification pour nous que pour Jésus : lui serait fils de Dieu d'une manière unique, quand nous le serions d'une manière radicalement différente de la sienne. On a ainsi toutes les bases de la filiation "naturelle" chez Jésus, en comparaison de notre filiation à nous, seulement "adoptive".

Jésus lui-même ne nous est cependant dit nulle part avoir affirmé quoi que ce soit de cet ordre-là ! S'il s'est sans doute affirmé fils de Dieu, c'était dans le même sens que ce qui était dit de David et d'un certain nombre d'autres rois et de prophètes. Précisément, la naissance à l'esprit est inévitablement une naissance à la paternité divine, entrer dans cette seconde naissance c'est entrer dans cette filiation, c'est y accéder, un peu comme une reconnaissance de paternité à l'envers, car Dieu lui sait bien de tout temps qu'il est notre père, c'est nous qui, de notre seule naissance terrestre, ne le savons généralement pas mais pouvons le découvrir.

Tresmontant, dont nul ne conteste qu'il ait été une référence hors pair en matière d'hébreu biblique, fait remarquer que, quand on trouve dans la bible dite des Septante l'expression fils ou fille "unique", c'est le mot hébreu "iahid" qui se trouvait dans le texte original hébreu. Or, iahid ne signifie pas nécessairement une unicité absolue, physique, mais peut dénoter une simple préférence, une unicité à nos yeux, parfois une préférence, mais même pas nécessairement. Si nous avons la chance d'avoir pu donner naissance à plusieurs enfants, chacun d'eux n'a-t-il pas une place unique dans nos cœurs de parents ? Tresmontant en conclut alors que la prudence voudrait qu'on traduise plutôt ce "unique" par "unième", autrement dit "premier".

Et ceci rejoint alors une autre tradition ancienne, qui parle de Jésus comme du "premier-né" parmi les morts, ou du "frère aîné" dans la foi. De nos jours, l'image du "premier de cordée" a pu aussi avoir eu une certaine vogue. Celui qui a ouvert un chemin qui n'existait pas encore a certainement un mérite que nul ne pourra lui ravir, par là il facilite le travail pour ceux qui le suivent, mais sans pour autant pouvoir le faire à leur place, c'est à chacun.e de parcourir ce même chemin pour soi-même jusqu'au bout. Et puis, il faut aussi remarquer, si on reste dans la parabole du premier de cordée, que s'il a ouvert une voie vers un sommet donné, ce sommet peut généralement être aussi atteint par d'autres voies, et que d'autres aussi que lui peuvent avoir été dans le passé, ou être à l'avenir, des premiers de cordée menant au même but.

On peut noter enfin ce qui est dit ici du jugement, noter particulièrement qu'il n'est pas question d'un juge qui prononcerait ce jugement, c'est seulement chacun.e qui, de par son comportement, se juge soi-même en quelque sorte. Pour simplifier, il y a ceux qui ne se mettent pas en chemin, et qui en conséquence ne pourront tout simplement pas arriver nulle part, et les autres, qui forcément finiront par y arriver. Mais quelqu'un qui ne veuille pas se mettre en route, qui n'aspire à rien, cela existe-t-il ?

 

 

car Dieu a ainsi aimé le monde
    qu'il a donné le fils l'unique
afin que quiconque croit en lui ne périsse pas
    mais ait vie éternelle
car Dieu n'a pas envoyé le fils dans le monde
    pour qu'il juge le monde
mais pour que le monde soit sauvé par lui
qui croit en lui n'est pas jugé
qui ne croit pas a déjà été jugé
    parce qu'il n'a pas cru
    dans le nom du fils unique de Dieu

et ceci est le jugement
que la lumière est venue dans le monde
et les hommes ont plus aimé les ténèbres que la lumière
    car leurs œuvres étaient mauvaises
car quiconque fait du mauvais
    hait la lumière
et ne vient pas à la lumière
    afin que ses œuvres ne soient pas blâmées
mais qui fait la vérité
    vient à la lumière
afin que soit rendu clair
    que ses œuvres ont été œuvrées en Dieu

(Jean 3, 16-21)

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