Surprenants voyageurs
Le soir venu, les disciples de Jésus descendirent au bord du lac. Ils s'embarquèrent pour gagner Capharnaüm, sur l'autre rive. Déjà il faisait nuit, et Jésus ne les avait pas encore rejoints. Un grand vent se mit à souffler, et le lac devint houleux.
Les disciples avaient ramé pendant cinq mille mètres environ, lorsqu'ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de crainte. Mais il leur dit : « C'est moi. Soyez sans crainte. »
Les disciples voulaient le prendre dans la barque, mais aussitôt, la barque atteignit le rivage à l'endroit où ils se rendaient.
voir aussi : Revenant déjà, Téléportations
Une fois encore, la version de Jean d'un épisode commun avec les synoptiques, diverge d'une façon non négligeable, pour peu qu'on y prête attention. Ainsi, s'il est bien question de vent sur le lac, Jean ne parle quand même pas de tempête, et surtout ne prétend pas que ce vent soit opposé aux efforts des disciples. Au contraire, la dernière phrase, où les disciples découvrent qu'ils ont déjà achevé la traversée, suggère qu'elle s'est déroulée plus vite que d'habitude.
Jean ne souhaite donc pas décrire des disciples harassés par leur effort, au moment où Jésus les rejoint. Jean veut des témoins clairs, lucides, dont on ne puisse imaginer que leurs sens sont altérés, au moment où se produit l'événement qui sort de l'ordinaire. Pour lui, c'est un fait indubitable, ce n'est pas le fruit de l'inconscient des disciples souhaitant être tirés d'affaire au milieu d'une dangereuse tempête par une intervention 'miraculeuse'. Ils ont bien vu Jésus venu les rejoindre au travers du lac en marchant, simplement (?), au-dessus des eaux. Leur crainte n'est pas celle, superstitieuse, d'être en présence d'un fantôme, ce qui signifierait en outre que leur rabbi serait décédé. Non, leur peur n'est suscitée que par l'extraordinaire capacité dont il fait montre ainsi.
Les phénomènes de lévitation sont suffisamment attestés dans les différentes traditions spirituelles pour qu'on puisse en accorder le crédit à Jésus aussi. On pourrait aussi être tentés de s'interroger sur la surprise toujours renouvelée des disciples à chaque nouvelle manifestation 'magique' de Jésus. Vu de loin, on se dit qu'il vient juste de donner à manger à plusieurs milliers de personnes, était-ce donc moins surprenant que de marcher sur les eaux ? Mais ce n'est que notre position confortable, intellectuelle, qui nous égarerait ici. Essayons juste un instant de nous imaginer que ça nous arrive à nous. Serions-nous si vite blasés, nous habituerions-nous vraiment à ces événements qui violent, en apparence, les lois de la nature qui font notre vie quotidienne ?
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