Partage d'évangile quotidien
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Petit deviendra grand

Mar. 24 Décembre 2013

Luc 1, 67-80 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Zacharie, son père, est rempli d'Esprit saint. il prophétise en disant : 

« Béni le Seigneur, Dieu d'Israël ! Il a visité et fait délivrance pour son peuple, et dressé pour nous une corne de salut dans la maison de David son enfant. Comme il a parlé par la bouche des saints, dès l'éternité, ses prophètes, pour nous sauver de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent, faire miséricorde à nos pères et se souvenir de son alliance sainte… Serment juré à Abraham notre père de nous donner, sans crainte, libérés de la main d'ennemis, de l'adorer dans la piété et la justice, en sa présence, pour tous nos jours… 

« Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut. Car tu marcheras devant, en face du Seigneur, pour préparer ses chemins, donner la connaissance du salut à son peuple en rémission de leurs péchés, dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu. Grâce à elle il va nous visiter, Orient venu d'en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans la ténèbre et ombre de mort, pour mener nos pieds sur un chemin de paix. » 

Le petit enfant croissait et se fortifiait en Esprit. Il était dans les déserts jusqu'au jour où il surgit en Israël. 

 

 

Élie endormi, par He-Qi

 

 

voir aussi : Plans sur la comète, Parole libérée, Le protecteur, Précurseur de la promesse

Ce qui peut sembler curieux, dans ce 'benedictus' de Zacharie, prononcé à l'occasion de la naissance de son fils, c'est qu'il ne parle presque que de Jésus. Bien sûr, c'est le point de vue des chrétiens, qui veut que Jean n'avait pas d'autre mission que de préparer le chemin pour "celui qui venait après lui". On se doute que ce n'est pas le point de vue de ses disciples qui lui sont restés fidèles jusque dans le courant du deuxième siècle, et on peut douter aussi qu'un père, qui avait attendu son enfant toute sa vie, ait eu une telle abnégation, presque digne de celle d'Abraham offrant Isaac en sacrifice. Ceci nous confirmerait encore, s'il en était besoin, que ces récits de Luc des origines de Jésus sont de son invention.

D'un autre côté, si on examine de plus près le contenu théologique de cette 'prière' de Zacharie, on doit reconnaître qu'on est loin d'une christologie très élaborée. Jésus est présenté comme celui qui va délivrer son peuple de la main de ses ennemis, pour lui permettre de se consacrer à l'adoration de Dieu l'esprit tranquille : c'est une figure très traditionnelle du Messie, qui rend à Israël sa souveraineté nationale, qui nous est donnée là. Nous n'avons pas le Dieu de Jésus, le Père, et le passage d'une religion rituelle à une aventure spirituelle intérieure. Peut-être Luc ne veut-il pas brûler ses cartouches trop tôt, et a-t-il su mettre dans la bouche de Zacharie un discours plausible quant aux attentes messianiques courantes de son temps ? Il n'aurait effectivement pas été crédible que Zacharie ait pu deviner ce qui va devenir l'histoire même de Jésus, sa propre évolution, dont il n'avait pas idée lorsqu'il a commencé son propre ministère. En même temps, il faut reconnaître que Luc n'appuie pas non plus sur l'aspect Israël au-dessus des autres nations. Il ne nous parle que d'un peuple aspirant à se retrouver chez lui pour pouvoir s'occuper de ses oignons. Un bon compromis, sans doute.

Ce qui me pose plus question, alors, c'est que l'Église catholique nous fasse prier tous les matins sur ce texte, dans le fond si peu chrétien ! Autant le 'magnificat', qui lui fait pendant à la prière du soir, mérite sa place par son contenu profondément subversif, autant le 'benedictus', au-delà de la grandiloquence de ses formules, ou justement à cause d'elles, se révèle en réalité bien pauvre et bien creux. Bon ! c'est comme ça, on trouve toujours du meilleur et du moins bon, dans nos rites comme dans nos communautés, et ceci n'est quand même pas à classer dans la catégorie du pire, juste dans celle du médiocre. Mais laissons-là ce discours attribué à Zacharie, et revenons une dernière fois à celui qui en a été le prétexte, Jean.

Nous avons déjà évoqué hier cette notation finale : "Il était dans les déserts", mais nous ne nous sommes pas encore arrêtés sur ce qui suit : "jusqu'au jour où il surgit en Israël." Que la conception de Jean ait effectivement donné lieu à tout ce grand cirque dont nous a parlé Luc, ou que, selon toute vraisemblance, il n'en ait rien été, ce qui est nettement plus assuré, c'est ce 'surgissement' qu'a été sa prédication. Jean a surpris, Jean a marqué, ses compatriotes et coreligionnaires, au moins autant que Jésus, sinon même plus. C'est sur le long terme, que Jésus a fini par faire la différence, plusieurs décennies après sa mort. De son vivant, il a pu, à un moment, et principalement en Galilée, égaler, voire dépasser, la renommée de Jean. Mais, d'une part, cela n'a donc concerné pratiquement que sa province natale, contrairement à Jean qui était réputé partout en Israël. Et d'autre part, le choix de Jésus, de refuser la messianité telle qu'on voulait la lui faire endosser, a eu vite fait de dégonfler les effectifs de ses clubs de fans. C'est le travail de prosélytisme des premiers chrétiens, et le travail de l'Esprit, qui ont fini par porter leurs fruits, au point que la présentation qu'ils nous ont donnée des rapports entre Jean et Jésus puisse nous sembler à l'inverse de ce qu'elle a été en réalité de leur temps. Que ceci ne nous empêche pas d'accueillir pleinement celui qui est né complètement ignoré de tous et mort complètement délaissé de tous aussi.

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