Partage d'évangile quotidien
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Au petit matin

Sam. 4 Avril 2015

Marc 16, 1-8 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Le sabbat passé, Marie la Magdaléenne, Marie, celle de Jacques, et Salomé achètent des aromates pour venir l'oindre. De grand matin, le premier de la semaine, elles viennent à la sépulture, au lever du soleil.  Elles se disent entre elles : « Qui nous roulera la pierre de la porte du sépulcre ? » 

Elles lèvent le regard et voient que la pierre a été roulée de côté. C'est qu'elle était fort grande ! Elles entrent au sépulcre : elles voient un jeune homme assis à droite, vêtu d'une robe blanche. Elles sont fort effrayées.  Il leur dit : « Ne vous effrayez pas ! Vous cherchez Jésus le Nazarène, le crucifié ? Il s'est réveillé ! Il n'est pas ici. Voyez : le lieu où ils l'avaient mis !  Mais allez, dites à ses disciples et à Pierre : Il vous précède dans la Galilée. Là, vous le verrez comme il vous a dit. » 

Elles sortent, s'enfuient hors du sépulcre. Car elles sont saisies de tremblement et de stupeur. Et à personne elles ne disent rien. Car elles craignaient… 

 

 

Il est ressuscité, par He-Qi

 

 

voir aussi : Surprises

En principe, le samedi "saint", l'église catholique ne célèbre pas de messe, il n'y a donc pas d'évangile prévu pour ce jour-là. Après la mort et la mise au tombeau de Jésus, le vendredi en fin de journée, en raison du sabbat, la découverte du tombeau vide ne s'est produite que le dimanche matin. Je pense personnellement que la disparition du corps, son relèvement en corps spirituel, s'est pourtant effectué dans les heures qui ont suivi l'ensevelissement, donc, le vendredi soir, au commencement du sabbat, selon la façon juive de compter les jours, de soir à soir, et non comme nous de matin à matin. Il ne me semble donc pas illégitime de méditer dès aujourd'hui sur la résurrection.

Le récit de Marc est sans doute alors le plus approprié. Ce début du chapitre 16 est en effet la finale originelle de l'évangile. Les versets qui suivent dans la version canonique finalement retenue — lesquels comprennent successivement l'apparition à Marie-Madeleine empruntée à Jean, l'apparition aux disciples d'Emmaüs empruntée à Luc, et pour finir une scène visiblement inspirée de la finale de Matthieu —, sont reconnus par tous les exégètes comme ayant été ajoutés bien après, sorte de pot-pourri des trois autres évangélistes. L'évangile de Marc se finit donc sur la découverte du tombeau vide, et cette annonce de la résurrection, aux femmes venues achever les soins mortuaires interrompus par le sabbat, annonce effectuée par un "jeune homme vêtu d'une robe blanche". Apparemment, donc, Marc n'a pas décrit d'apparitions du ressuscité, seulement la promesse que les disciples le "verraient" en se rendant en Galilée.

Étant donné que le texte grec des évangiles ne comprend pas de ponctuation, le "comme il vous l'a dit" ne se réfère peut-être pas qu'à la seule promesse que les disciples le verraient, mais aussi au fait que Jésus les précéderait en Galilée : "Il vous précède dans la Galilée, là, vous le verrez, comme il vous a dit." On peut douter que Jésus avait prévu quoi que ce soit à ce sujet, et donné rencard par avance aux disciples galiléens dans leur province natale. C'est ici la version des faits selon ces disciples galiléens, ce qu'ils ont vécu et qu'ils nous prophétisent après coup. Il est vraisemblable qu'en réalité, après la mort de Jésus, ils sont simplement rentrés chez eux, la mort dans l'âme, révoltés peut-être, en tout cas avec ce sentiment que cette fois c'en était bien fini de tous leurs espoirs de restauration du royaume de David, comme l'a bien noté Luc dans le récit des disciples d'Emmaüs. C'est plus tard, lorsqu'ils ont eu fini de faire leur deuil de ces rêves terre-à-terre, qu'ils en sont enfin arrivés à s'ouvrir au véritable message que Jésus avait essayé de leur transmettre. Comprenant alors l'abîme entre leur obscurcissement jusque là et cette révélation, recevant cette dernière au point que, de nouveau, se sont mis à se produire guérisons et exorcismes, ils pouvaient bien affirmer, en toute vérité, que c'était désormais que Jésus était le plus vivant pour eux, oui, qu'il les avait précédés en Galilée, et que, là, ils l'ont re-vu.

On pourrait alors, à la rigueur, considérer que le "jeune homme vêtu d'une robe blanche" soit, non un ange, mais Jésus lui-même. Un Jésus non reconnaissable, comme il en est dit de lui, particulièrement dans ces deux récits qui ont été ajoutés ensuite à l'évangile de Marc (ce qui indiquerait par ailleurs que l'auteur de l'ajout avait compris l'esprit de Marc) : l'apparition à Marie-Madeleine, et celle aux disciples d'Emmaüs. Cette finale originelle de l'évangile de Marc comprendrait bien alors, malgré les apparences, une apparition du ressuscité, mais une apparition non identifiée comme telle, et c'est là vraisemblablement le sens le plus profond du message que Marc a voulu transmettre. Pour lui, Jésus est bien ressuscité, cela ne lui fait aucun doute, mais, à son époque, cette conviction partagée par les premiers chrétiens, et avec des preuves fortes comme les guérisons et exorcismes qui se produisent par leur intermédiaire, n'a pas encore donné lieu à des récits où ce ressuscité soit reconnu, en quelque sorte, en chair et en os. Marc nous témoigne sans doute d'une époque où la résurrection n'était qu'affaire de conviction intérieure, de certitude même inébranlable, une réalité purement spirituelle.

Il faut cependant noter que cette démarche nous parle seulement de comment a été vécue la résurrection par le pôle galiléen des disciples de Jésus. Du côté judéen, avec particulièrement le disciple que Jésus aimait et ce que lui seul a compris à la découverte du tombeau vide, la démarche, et la compréhension de ce qu'est la résurrection, vont être tout autres, ce qui donnera cette théologie si particulière de Jean par rapport à celle des synoptiques. Si on ajoute encore la théologie de Paul, elle aussi différente, elle aussi parce que née d'encore une autre expérience initiale très particulière, on peut considérer que le christianisme, tel que nous le connaissons, est né de la fusion de ces trois théologies, pas toujours forcément bien compatibles, dans une sorte de numéro d'équilibriste qui peut parfois ressembler à un miracle. Oui, qu'un tel christianisme ait pu se perpétuer jusqu'à nos jours, et nous transmettre, au-delà de toutes ses imperfections, quelque chose de la réalité initiale vécue, voilà sans doute ce qui, en soi, témoigne aussi de cette résurrection qu'il proclame, quelle qu'elle soit.

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