Partage d'évangile quotidien
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De père connu

Mar. 23 Juillet 2013

Matthieu 12, 46-50 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Il parle encore aux foules, voici : sa mère et ses frères se tiennent dehors, ils cherchent à lui parler.  Quelqu'un lui dit : « Voici : ta mère et tes frères se tiennent dehors, ils cherchent à te parler. » 

Il répond et dit à celui qui lui parle : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? »  Il tend sa main vers ses disciples et dit : « Voici ma mère et mes frères : Car celui qui fait la volonté de mon père qui est dans les cieux, lui est pour moi frère, et sœur, et mère ! » 

 

 

Regarde dans le ciel, par He-Qi

 

 

voir aussi : Esprit de famille, Famille adoptive, Famille recomposée

Une petite scène très connue, rapportée par les trois synoptiques. C'est chez Marc qu'on trouve les éléments qui nous donnent sa signification historique. Marc dit en effet, clairement, que la famille de Jésus considérait qu'il avait l'esprit dérangé (Marc 3, 21), et que, s'étant déplacée jusqu'à la maison de Pierre pour se saisir de lui et le ramener chez eux, ils avaient trouvé une telle foule qu'ils ont été obligés de lui faire demander de sortir. Marc seul, donc, nous a conservé les tenants et aboutissants de l'histoire. Matthieu et Luc, qui écrivent plus tard que Marc, qui se sont donnés la peine de composer, chacun de leur côté, un récit de l'enfance de Jésus, arrivent à une époque où on a estimé qu'il n'était pas 'convenable' de se rappeler de cet antagonisme entre Jésus et sa famille. Donc plus de "il a perdu la tête", mais ils conservent quand même l'anecdote pour l'idée de famille spirituelle, plus importante que la famille biologique. Et comme chacun a placé l'épisode à un moment différent dans son récit, il est important de regarder quel est ce moment choisi par chacun.

Pour Matthieu, c'est donc ici, à la fin de son chapitre de discussions entre Jésus et un groupe de pharisiens. Nous avons vu ces derniers jours comme Matthieu a tout fait pour présenter des échanges très ouverts entre eux, respectueux, sans animosité. Et c'est même sans doute conforme à la réalité historique des premiers temps en Galilée. Jésus, ancien élève des pharisiens, sait comment il faut leur parler, et eux, ses anciens maîtres ou condisciples, sont plutôt de son côté dans une entreprise qui a le mérite de porter haut les couleurs de leur province face à la Judée, leur rivale traditionnelle. Ceci dit, nous avons vu aussi que la cible de communication de Matthieu, ce sont les pharisiens de son temps, de Judée comme de Galilée, et qui peuvent avoir suivi son développement avec bonne volonté, mais qui peuvent aussi être encore hésitants. Il y a là pour eux un pas à franchir, c'est donc pour eux qu'il met en valeur cette affirmation de Jésus : se convertir, le suivre, c'est comme d'entrer dans une famille. Ils ne seront pas seuls, ils vont trouver des frères et des sœurs, une chaleur humaine. Ce qui nous intéresse ici, c'est que c'est aux pharisiens que Matthieu a souhaité adresser particulièrement ces mots de Jésus. Cela nous dit, une fois de plus, à quel point il s'intéresse à eux, à quel point ils est plein de sollicitude pour eux, à l'opposé complet de son discours du chapitre 23, vers la fin du ministère public de Jésus.

Il y a de fait un tel contraste entre le Matthieu que nous suivons actuellement, depuis le début de son évangile, et celui d'autres passages comme ce fameux discours de malédictions contre les pharisiens, qu'on est obligé de conclure à plusieurs couches rédactionnelles. Le Matthieu que nous avons en ce moment est celui d'une communauté judéo-chrétienne, dans une période où ils sont encore acceptés comme juifs par leurs coreligionnaires, où les relations existent encore, sans exacerbation, où il est encore possible de discuter et d'argumenter. Le Matthieu du discours d'imprécations et d'autres passages de même facture, est celui de la même communauté judéo-chrétienne, mais à une époque plus tardive, après la destruction de Jérusalem, lorsque la synagogue, devenue la seule structure autour et à partir de laquelle se développera désormais le judaïsme, décide d'exclure les chrétiens de son sein, les décrétant blasphémateurs, impies, voire athées. C'est à ce moment-là que, sur un évangile qui, comme nous l'avons vu ces jours-ci, était tout de finesse et de compréhension pour le pharisaïsme, viendront se greffer ces anathèmes en retour que sont les "malheureux, vous, les pharisiens" scandés à sept reprises, comme un écho inverse aux béatitudes du sermon sur la montagne, et qui, malheureusement, par leur violence, nous frappent plus que l'autre Matthieu.

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