Partage d'évangile quotidien
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Têtus

Sam. 10 Août 2013

Matthieu 17, 14-20 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Ils viennent vers la foule. Un homme s'approche de lui,  tombe à genoux devant lui en disant : « Seigneur, aie pitié de mon fils, parce qu'il est lunatique, et il va mal. Car souvent il tombe dans le feu et souvent dans l'eau. Je l'ai présenté à tes disciples, et ils n'ont pu le guérir. » 

Jésus répond et dit : « Ô âge sans foi et perverti ! Jusqu'à quand serai-je avec vous ? Jusqu'à quand vous supporter ? Amenez-le moi ici. » Jésus le rabroue et le démon sort de lui : le garçon est guéri dès cette heure-là. 

Alors les disciples s'approchent de Jésus. À part, ils lui disent : « Pour quelle raison est-ce que nous, nous n'avons pas pu le jeter dehors ? »  Il leur dit : « À cause de votre manque de foi. Amen, certes je vous dis : si vous avez de la foi comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : “Éloigne-toi d'ici, là-bas”, et elle s'éloignera. Et rien d'impossible pour vous. » 

 

 

Les dix commandements, par He-Qi

 

 

voir aussi : Mini-croyants, La clé, Echelle de la foi

La liturgie nous a fait sauter le passage de la transfiguration, qu'elle réserve plutôt pour le jour de cette fête (6 août). Jésus, toujours dans sa recherche de ce qu'il doit faire après avoir constaté l'échec de son ministère galiléen, s'est isolé, une fois de plus, pour prier. Il est parti dans la montagne, et cette fois-ci sa prière a été pleinement fructueuse. Même Pierre, Jacques et Jean, qui l'avaient suivi, s'en sont rendus compte. Jésus est donc entré dans une relation très profonde avec son Père, qui lui a permis de comprendre que c'était en allant jusqu'au bout, en portant sa parole jusqu'aux oreilles des autorités religieuses, qu'il donnerait le plus de force à son message. Il lui a été confirmé aussi, de la manière la plus tangible possible, qu'il était bien dans la lignée des grandes figures de son peuple, Moïse et Élie, qu'il était donc légitime dans sa démarche. La profondeur de cette prière s'est manifestée jusque dans son corps : Pierre, Jacques et Jean l'ont vu devenir lumineux, sans doute lévitait-il aussi. Puis les disciples sont comme tombés dans les pommes ou en extase eux aussi : leur champ de vision a été envahi par la lumière, ils ont entendu comme un grand bruit ...et Jésus les a réveillés.

Jésus sait maintenant ce qu'il a à faire. Il lui reste à décider des modalités concrètes, il va prendre encore quelques temps, planifier la scène avec les marchands du Temple, attendre la Pâque, quand la foule sera la plus nombreuse dans la capitale, mais une chose est sûre : désormais il va se concentrer sur le message lui-même. Il est fini le temps où il prenait les guérisons et les exorcismes comme des signes concrets de la progression du Royaume : l'histoire de la multiplication des pains l'a suffisamment échaudé. C'est donc dans cet état d'esprit qu'il redescend de la montagne, la tête et le cœur encore pleins de son expérience avec le Père, et qu'il tombe sur cet homme qui lui parle de son fils. On peut comprendre son mouvement d'impatience : "jusqu'à quand devrai-je vous supporter ?" Ce qui l'énerve le plus, d'ailleurs, c'est le ridicule des disciples qui n'étaient pas venus sur la montagne et qui ont profité de son absence pour se faire mousser. Mais oui ! brave homme, apportez-le nous ce gamin, on va vous régler ça en deux coups de cuiller à pot ! De la pure présomption : même si les disciples ont pu avoir des pouvoirs lors de leur mission (ce dont on peut déjà douter), les évangiles ne disent en aucun cas que ça ait continué par la suite.

Le dialogue final sur les raisons pour lesquelles ils ont échoué, tel que nous le rapporte Matthieu, est donc fort improbable. Jésus se méfie maintenant des miracles comme de la peste, il ne va pas encourager les disciples sur cette voie. Luc a d'ailleurs préféré complètement supprimer ce dialogue. Quant à Marc, sans doute la version originale, il est déjà beaucoup plus sobre que Matthieu : Jésus ne parle pas de la foi des disciples qui serait insuffisante, mais cherche à les aiguiller sur la prière : "cette sorte de démons ne peut sortir que par la prière". Rectifions encore un peu pour avoir ce que Jésus a pu éventuellement réellement dire (comme s'il pouvait exister des "sortes" de démons qui se chassent sans prier du tout !) : les p'tits gars, occupez-vous plutôt d'appendre à prier que de ces histoires de guérisons et d'exorcisme. Entrez dans une vie de relation au Père, c'est là tout ce qui importe. Il est possible qu'ensuite de telles manifestations se produisent, mais ce n'est pas un objectif en soi.

C'est une constante des traditions spirituelles, que de mettre en garde contre les signes. On peut s'interroger à ce sujet sur le destin de Jésus. Il semble qu'il lui soit tombé dessus qu'il s'en produise un grand nombre par son intermédiaire. Telle était en tout cas sa réputation à son époque, et telle est aussi la conclusion qu'on peut tirer du fait qu'on s'en souvienne encore deux millénaires plus tard et de la fascination qu'ils exercent toujours. Certains pourraient être tentés alors de le dénigrer pour n'avoir pas plus tôt compris le danger : il n'aurait été somme toute qu'un relativement petit maître spirituel pour n'avoir pas vu où tout cela l'emmenait. C'est un jugement qu'on peut effectivement facilement porter de l'extérieur, quand on n'est même pas encore entré soi-même dans la Voie ! La réalité est que les choses ne se passent pas comme ça. Un tel jugement est le pendant symétrique de la déification absolue de Jésus. Dans les deux cas on fait comme si Jésus était arrivé dans sa vie avec déjà écrit tout ce qu'il pourrait accomplir et devenir. C'est faux. Jésus était comme nous tous, il a construit sa vie et son parcours au fur et à mesure, et si on tient à porter un jugement sur ce qu'il a accompli, il faut alors prendre en compte l'ensemble de son histoire, et non isoler telle ou telle période, indépendamment de ce qui a précédé et de ce qui a suivi.

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O
Jésus ,comme tout homme ,a subi l'empreinte de la culture de son temps ,de son pays .<br /> Chasser les démons, au lieu de guérir ou de se guérir, devait être une pratique courante . Les auteurs des évangiles les ont souvent décrites. Jésus ne devait probablement pas trop y croire puisqu'il oriente vers la foi et la prière . On peut s'étonner ,qu'à notre époque, l'exorcisme se pratique toujours et est parfois recommandé par des représentants du catholicisme ou plus largement du christianisme .<br /> Par extension ,je m'étonne aussi que le concept démon ou diable soit si facilement utilisé tant par les papes ( même le pape François au début de son pontificat mais aussi très explicitement par Benoît XVI ) et autres officiels . A mon sens les démons ne seraient que la partie sombre de notre personne non ouverte sur la voie de l'Eveil : l'éveil du &quot;divin&quot; présent en chacun .
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A
Méfions-nous des mots ! On peut employer les mots 'démons' et le 'Démon' par commodité de langage sans pour autant croire vraiment à leur existence. C'est dommage à mon sens, mais je me garderais de faire des procès d'intention sur ce sujet à quiconque, sur la base de propos qui ne porteraient pas explicitement sur le sujet. Il me semble qu'il faudrait particulièrement éviter de parler de &quot;croire ou ne pas croire au démon&quot; : si nous sommes en recherche spirituelle, l'objet (et le sujet) de notre quête est Dieu, pas le Démon.<br /> Un adage traditionnel dit que &quot;Une des plus grandes ruses du Démon est de faire croire qu'il n'existe pas&quot;, personnellement je pense au contraire que le 'Démon' n'existe qu'à la mesure de ce que nous voulons bien lui attribuer. Les 'démons' sont un mot commode pour se donner l'impression de savoir ce que sont des phénomènes qu'on ne comprend pas, ou parfois pour se défausser de nos responsabilités. Jésus disait qu'il n'y a rien qui vienne de l'extérieur de l'homme qui puisse le rendre impur, que toute impureté ne peut provenir que de son cœur. La psychanalyse ne dit pas autre chose, avec le concept de l'inconscient.<br /> Le mal nous restera peut-être toujours un mystère, mais attribuer son origine à un être conscient et concurent de Dieu me semble la pire des solutions.