Partage d'évangile quotidien
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Voilà l'ennemi !

Sam. 24 Août 2013

Matthieu 23, 1-12 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Alors Jésus parle aux foules et à ses disciples.  Il dit : « Sur le siège de Moïse sont assis les scribes et les pharisiens. Donc, tout ce qu'ils vous disent, faites-le, et gardez-le ! Seulement ne faites pas selon leurs œuvres, car ils disent et ne font pas. Ils cordent des charges lourdes et les imposent sur les épaules des hommes, mais eux-mêmes, de leur doigt ils ne veulent pas les remuer ! 

« Toutes leurs œuvres, ils les font pour être remarqués par les hommes. Car ils élargissent leurs phylactères et agrandissent leurs tresses. Ils aiment le premier sofa dans les dîners, et les premières stalles dans les synagogues,  et les salutations sur les places publiques, et être appelés par les hommes : ‘Rabbi...’ Pour vous, ne soyez pas appelés : ‘rabbi’, car unique est votre maître, tous vous êtes frères. N'appelez ‘père’ nul d'entre vous sur la terre, car unique est votre père du ciel. Ne soyez pas appelés : ‘chef’, car votre chef est unique : le messie. 

« Le plus grand d'entre vous sera votre servant. Qui se haussera sera humilié, qui s'humiliera sera haussé. » 

 

 

L'appel de saint Paul, par He-Qi

 

 

voir aussi : Dieu seul sait, Pour l'amour des hommes, Faites ce que je dis, Nivellement par le haut, Déshonorés, L'honneur et les honneurs, Yo-yo

Nous attaquons ici un des derniers grands discours de Matthieu. C'est un discours entièrement consacré aux pharisiens. Nous n'avons aujourd'hui qu'une sorte de hors-d'œuvre, qui va être suivi (la semaine prochaine) d'une série de malédictions extrêmement virulentes, les décrivant comme l'antithèse du sermon sur la montagne. Nous avions pourtant vu, tout au long de son évangile, comme Matthieu était le plus souvent très respectueux et conciliant pour les pharisiens. La communauté matthéenne est en effet composée essentiellement d'anciens pharisiens, et pendant longtemps leur objectif a été de convaincre leurs congénères non convertis de venir les rejoindre. Puis il y a eu la destruction du Temple. Les zélotes, qui avaient entraîné le peuple juif dans cette catastrophe, se sont trouvés disqualifiés. Les sadducéens, avec la perte du lieu qui asseyait leur puissance, ont disparu aussi des forces en présence. Ne sont restés que les deux branches du pharisaïsme, celle convertie à la messianité de Jésus, minoritaire, et les autres. Et la majorité, non convertie, a décidé d'exclure la minorité, ceux qu'elle appelait les 'nazoréens', les partisans de Jésus. Ce discours, très hostile aux pharisiens, est donc la réponse de la communauté matthéenne à son éjection de la synagogue.

C'est un schisme, les juifs chrétiens ont été déclarés hérétiques. Il faut se mettre à leur place, eux, ils ne sont pas d'accord du tout, et ils vont montrer ici que, au contraire, ce sont les pharisiens qui sont indignes de leur foi. C'est le premier argument : les pharisiens connaissent très bien la Loi (puisqu'ils sont capables de l'enseigner), ils savent ce qu'ils devraient faire, mais ils ne lui obéissent pas, ils ne font pas. C'est une grave accusation, les pharisiens sont donc pires que les païens qui, eux, ont l'excuse de ne pas connaître la Loi ! Les pharisiens ne sont pas dignes de la mission qui leur a été confiée par Dieu de le faire connaître, d'être son témoin dans le monde. Au travers de ce "ils disent et ne font pas", on voit donc que les chrétiens inversent le jugement qui a été porté contre eux : ce ne sont pas eux qui ont trahi leur foi mais ceux qui les en accusent. Mais il y a pire encore, et c'est le second argument : ils ne font pas, et ils le savent, alors ils font tout pour que ça ne se voit pas, mieux encore, pour qu'on croie le contraire, par tout moyen possible qui ne coûte rien bien sûr. De grands phylactères, de grandes tresses, sont censés être des signes extérieurs de piété, mais "ça ne mange pas de pain" comme dit l'expression !

Il est important de noter que tout ceci est propre à Matthieu. Marc et Luc, dans leur version parallèle de ce passage (Marc 12, 38-40 et Luc 20, 46-47), premièrement parlent des scribes, et non des pharisiens, et deuxièmement commencent seulement avec ce qui suit ce que nous venons de voir jusqu'à présent : la recherche des honneurs d'un point de vue strictement social. C'est bien d'un règlement de comptes, qu'il s'agit chez Matthieu. Lui seul en éprouvait le besoin. C'est le principe de l'amour se transformant en haine, on brûle ce qu'on a adoré. L'amour a été trahi, la vengeance se veut terrible. Encore une fois, on comprend que la communauté matthéenne avait des raisons de réagir de cette façon. Mais, deux millénaires plus tard, ne serait-il pas temps de tourner la page ? Pouvons-nous encore, raisonnablement, lire dans nos offices, comme s'il s'agissait de la parole divine, ce chapitre de Matthieu rempli de fiel et de venin ?

Commenter cet évangile

O
Bravo pour votre blog , vos réflexions et votre mot de bienvenue .<br /> Le seule petite réserve ,à mon sens ,est de suivre l'année liturgique : les extraits y sont parfois amputés du contexte et représentent déjà un tri de la part du catholicisme .<br /> <br /> Je vous cite :<br /> <br /> &quot;Bienvenue !<br /> <br /> Ce blog est le carnet de bord de ma recherche de cet homme insaisissable, et pourtant si présent, deux mille ans après sa mort.<br /> <br /> Le découpage des évangiles utilisé pour cette recherche est à peu près celui de la liturgie catholique, de l'église par laquelle j'ai fait sa connaissance, ce dont je lui sais gré. Mais je ne me sens pas tenu pour autant de m'incliner devant ses dogmes, ni devant ceux d'aucune autre église. C'est à l'homme seul que va ma fidélité.&quot;
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A
Oui, après bientôt quatre cycles réitérés, je suis autant réservé que vous sur le découpage liturgique catholique :<br /> - la question du filtrage : on ne voit pas tous les évangiles en une année, il y a des passages qui ne sont jamais lus, il suffit de regarder mes tables par évangéliste pour s'en rendre compte<br /> - de l'ordre : à côté de trois grands parcours dans l'ordre (et les quelques trous mentionnés) pour Marc, Matthieu et Luc, le parcours de Jean se fait en deux passages, séparés dans le temps, et même pas se suivant<br /> <br /> D'un autre côté, cela permet à de nombreux catholiques francophones, qui sont plus nombreux qu'on croit à lire chaque jour les textes de la messe, et aussi à utiliser internet pour approfondir leur méditation, à tomber parfois sur mon blog et trouver une parole qui, je l'espère, peut leur ouvrir des horizons<br /> <br /> Je serais cependant prêt à suivre un découpage qui permette de parcourir les quatre évangiles systématiquement, chacun du début à la fin. Mais avant que je me lance dans mon propre découpage, ma préférence irait vers un découpage déjà utilisé et éprouvé par une assemblée, ou une communauté, ou un groupe, ou une église... En connaîtriez-vous un ?
O
Nous assistons ici à une &quot;guerre &quot; entre trois courants du judaïsmes : les pharisiens ,les sadducéens et les judéo-chrétiens . Dans ces circonstances ,toutes les armes sont bonnes et l'hérétique ,c'est toujours l'autre , un peu à la façon de nos partis politiques et des religions au cours de l'histoire .<br /> C'est un point de vue de l’auteur de l'évangile selon Mathieu .<br /> Qu'aurait dit ou pensé Jésus près de 40 ans avant la rédaction de ce texte rédigé par quelqu'un qui parle au sujet de Jésus ?<br /> On dit que Jésus a reçu une &quot;éducation&quot; de pharisien mais le propre d'un réformateur n'est -il pas de prendre des distances par rapport à ses acquis culturels ?<br /> Sa proximité la plus certaine semble être celle de Jean Baptiste ,dont il était le disciple ,le complice .<br /> Jean-Baptiste devait être très éloigné tant des pharisiens que des sadducéens et probablement Jésus également .<br /> D'où vient Jésus ? De quel mouvement du judaïsme ? On pourrait dire &quot; d'aucun&quot; mais on vient toujours un peu de quelque part .<br /> De par sa présence aux côtés de Jean Baptiste, on pourrait penser que son héritage ,son empreinte viendrait de l' Essénisme .<br /> Jésus n'a rien dit contre les esséniens ,ni les rédacteurs évangiles pour qui leur christianisme des débuts était de toute évidence un essénisme évolué .<br /> C'est ce que je &quot;crois&quot; !
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A
Hum ! j'avais regardé un peu vite, mais ce lien chez les unitariens ne me semble pas trop passionnant...<br /> J'aime bien moi aussi les unitariens, quand mon blog était encore dans la version précédente d'over-blog, je faisais partie de leur communauté de blogs.<br /> Mais les révélations des 'voyants' sur la vie cachée de Jésus ne me branchent plus trop depuis assez longtemps.<br /> Dans cet ordre d'idées, j'avais lu à une époque tout le livre d'Urantia (si vous ne connaissez pas encore et que la chose vous intéresse, on le trouve en ligne sur internet : http://www.urantia.org/fr/le-livre-durantia/lire ; pour Jésus seul, voir le tome 4 = à partir du fascicule 120)<br /> Mais comment discerner dans ce genre de matériaux ?
A
Merci pour ce lien aussi. Je vais pouvoir m'occuper ce soir !
O
Il m'arrive régulièrement de consulter &quot; Actualités unitarienne &quot; chez qui je trouve des affinités .<br /> Ce lien est intéressant quant à la description du contexte social de l'époque et à la démythification de certains récits ...<br /> <br /> Voici ce que j'y trouve au sujet du christianisme et de l'essénisme :<br /> <br /> <br /> http://cristalain.over-blog.fr/article-e-maitre-jesus-le-nazareen-les-esseniens-et-la-descendance-119681452.html
A
Merci pour ce lien. J'y note, ce qui ne me surprend pas et que j'avais déjà lu autre part, la parenté forte entre la gnose de l'évangile de Jean et les conceptions esséniennes. J'y note aussi les signes possibles de liens avec Paul, ce dont cette fois je n'avais jamais entendu parler. Je vais creuser donc un peu de ce côté.<br /> Une question plus perso, à laquelle vous pouvez me répondre par le formulaire de Contact du blog, ou ne pas me répondre du tout : êtes-vous Olivier C ? (j'ai honte, c'est presque de la curiosité pure)<br /> Merci en tout cas, Olivier
O
Il m'est arrivé souvent d'essayer d'établir un parallélisme entre esséniens et début du christianisme : des influences existent mais aussi des divergences .<br /> J'ai revisité quelques liens et ma petite bibliothèque &quot;mes documents &quot; .<br /> Je crois comprendre aussi que le christianisme des premiers siècles a préféré se référer à une origine judaïque du côté des pharisiens , plus prestigieuse qu'une secte minoritaire .<br /> <br /> Parmi d'autres, en voici un ainsi qu'une citation :<br /> <br /> http://isabelle.ohmann.over-blog.com/article-les-manuscrits-de-la-mer-morte-et-l-hypothese-des-esseniens-40166702.html<br /> <br /> <br /> &quot;Le christianisme primitif et les Esséniens<br /> Les contacts sont historiquement et géographiquement possibles entre l’essénisme et le christianisme primitif. A cette époque les Esséniens existent en Syrie (Damas), Egypte (Alexandrie), peut-être en Asie Mineure. On sait par ailleurs que Jean-Baptiste baptisait dans le Jourdain, à côté de Qumrân et l’acte du baptême rejoint la purification par l’eau des membres de la communauté de Qumrân. De plus Jean-Baptiste vit dans le Désert, lieu désignant Qumrân dans les manuscrits. Il prépare la voie de Dieu et la fin des temps, comme à Qumrân. On sait qu’il combat les Pharisiens et Sadducéens et curieusement ne parle jamais des Esséniens. Mais à la différence de la communauté de Qumrân, il s’adresse à tous, baptise publiquement et annonce l’arrivée du Messie. &quot;
A
Merci, merci, merci, Olivier !<br /> <br /> Jusqu'à présent j'avais l'impression que vous avanciez quelque peu 'masqué' sur ce blog, jetant quelques bouées par ci par là, pour voir le résultat. J'ai maintenant le sentiment d'avoir quelqu'un en face de moi !<br /> J'approuve ce que vous dites à quelques nuances, et je ne vais parler que d'elles. Ce n'est pas pour polémiquer, mais parce que c'est la seule chose qui puisse nous faire avancer dans la connaissance mutuelle...<br /> <br /> <br /> &quot;Jean Baptiste très éloigné tant des pharisiens que des sadducéens&quot; ?<br /> <br /> Pour les sadducéens, très certainement. Jean était de famille sacerdotale, si on en croit les évangiles et on ne voit pas pourquoi en douter sur ce point, et son mode de vie ressemble bien à un reniement de ces origines. Mais surtout, son baptême de conversion pour le pardon des péchés est une guerre déclarée au système sacrificiel du Temple.<br /> Pour les pharisiens, je ne sais pas...<br /> <br /> <br /> Les esséniens<br /> <br /> Que Jean ait pu être influencé par eux ne me semble pas impossible. Son mode de vie ascétique y fait penser, ainsi que le geste du 'baptême', mais les esséniens n'en avaient pas le monopole non plus.<br /> Que Jésus ait pu recevoir quelque chose de cette influence pendant qu'il était disciple de Jean, pourquoi pas aussi ? Par contre, l'enseignement de Jésus, après qu'il ait pris son indépendance vis-à-vis de Jean, est incompatible avec l'essénisme. Qu'il n'y ait pas trace d'antagonisme entre Jésus et les esséniens dans les évangiles ne me semble pas suffisant pour dire que Jésus les ait épargnés. Premièrement parce que les évangiles ne nous rapportent que ce qui compte pour ceux qui les ont rédigés, au moment où ils les ont rédigés. Ils ne nous parlent pas non plus des zélotes.<br /> <br /> Ils nous parlent, et combien, des pharisiens, parce qu'ils sont les seuls concurrents qui leur restent. Ils nous parlent des sadducéens parce qu'ils ont quand même tenu une trop grande place dans toute l'histoire d'Israël des derniers siècles (ou décades, peut-être ? peu importe). Le Temple était encore dans leur esprit bien trop présent, et avec lui ceux qui y étaient chevillés, les sadducéens, qui étaient de plus l'ancienne autorité religieuse suprême et omnipotente. On est même surpris, en fait, à quel point les récits ont voulu minimiser leur importance, vu leur responsabilité réelle dans la mort de Jésus.<br /> Les esséniens, ma foi, dans tout ça ? Eux aussi ne tenaient qu'au Temple, et sa destruction va signer leur disparition, comme pour les sadducéens (les esséniens se considéraient comme les seuls 'vrais' prêtres, et leur unique objectif était de reprendre le Temple en en chassant les usurpateurs sadducéens...). De plus, ils n'étaient quand même qu'une très petite minorité, par rapport aux grands clans qu'étaient les pharisiens et les sadducéens, vivant retranchés du monde, et n'ayant que peu d'influence sur le reste de la société juive.<br /> <br /> Alors dire que le mode de vie des premiers chrétiens était inspiré de l'essénisme ? Je ne sais pas. Si cette idée se base uniquement sur le mode communautaire décrit par Luc dans les Actes (ils mettaient tout en commun), cela me semble un peu juste. D'abord parce que c'est Luc seul qui donne ce témoignage. Ensuite parce qu'il n'y avait pas qu'un seul genre de christianisme dans les premiers temps, mais au moins trois ou quatre (dix, cent ?). <br /> <br /> <br /> Avez-vous d'autres informations que moi sur toutes ces question, Olivier ? j'en serai vivement intéressé !<br /> <br /> Très fraternellement