Partage d'évangile quotidien
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Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps

Jeu. 18 Mai 2023

Les quatre évangiles sont d'accord pour dire que, le lendemain matin du shabbat, le tombeau dans lequel Jésus avait été placé l'avant-veille au soir, était vide. Chez Marc, l'évangile se terminait même là, dans sa version primitive ; ce que nous lisons dans sa version actuelle, qui suit cette découverte du tombeau vide, est une sorte de pot-pourri des versions des autres évangélistes, particulièrement de Luc et de Jean.

Le déroulement « tombeau vide, apparitions, ascension, venue de l'Esprit », qui est comme l'historiographie officielle consacrée, ne se trouve en fait que chez Luc. C'est lui qui a notamment tenu à matérialiser, en somme, la fin des apparitions, par son récit de l'ascension : désormais ce sera fini, plus personne ne pourra voir, toucher, entendre, sentir, le ressuscité ; il faut passer à autre chose. Si Luc a tenu à "matérialiser" ainsi cette fin des apparitions, c'est d'abord parce que de fait celles-ci ne se produisaient effectivement plus. Mais il s'agissait aussi de faire sortir les premiers chrétiens de leur attente du retour imminent de Jésus. On sait que, dans ces premiers temps, cette attente était telle que beaucoup ne se donnaient même plus la peine de travailler pour subvenir à leurs besoins, se contentant de profiter de la caisse commune... En créant donc ces deux évènements successifs mais bien distincts, le départ de Jésus (Ascension) et la venue de l'Esprit (Pentecôte), Luc marquait ainsi que les chrétiens étaient désormais entrés dans une nouvelle ère, avec toute une histoire à écrire devant eux.

Chez Jean, il y a bien une sorte de venue de l'Esprit — ce serait bien le comble après toutes les annonces de sa venue ! —, mais elle se produit dès le dimanche soir, dès la première apparition à l'ensemble des disciples, et cela n'empêche absolument pas Jésus d'apparaître encore à plusieurs reprises ; rien ne dit que Jésus ne reparte à un moment ou un autre. Bien au contraire, à la fin de l'évangile il invite Pierre à le suivre — car lui a encore un long chemin à parcourir pour arriver dans le Royaume —, tandis que l'évangéliste, lui, peut rester là où il est — car il y est déjà entré...

Chez Matthieu, enfin, même pas de venue de l'Esprit ! Il y a d'abord une brève apparition aux deux femmes qui avaient constaté que le tombeau était vide. Mais d'une part Jésus ne fait alors que leur redire exactement ce que venait juste de leur dire l'ange qui avait ouvert le tombeau, et d'autre part, cette scène montre de nettes ressemblances avec l'apparition à Marie-Madeleine chez Jean ; on est donc incité à penser là aussi à un ajout ultérieur. La seule apparition qui faisait alors vraisemblablement partie originellement de l'évangile est la scène finale, où Jésus n'apparaît qu'aux Onze, où il leur dit expressément qu'il reste avec eux jusqu'à la fin des temps, et leur donne pour mission de convertir le monde entier.

Cette apparition aux seuls Onze, cette présence qui n'est assurée qu'à eux seuls, cette mission qui n'est aussi donnée qu'à eux seuls, est typique de Matthieu : tout son évangile trahit sa préoccupation de doter l'Église naissante d'une hiérarchie qui la structure, avec au sommet de la pyramide Pierre. Et donc, pas besoin d'une venue de l'Esprit sur tous (on se demande alors pourquoi baptiser, et pourquoi "au nom du saint Esprit"...), puisque Jésus est là aux côtés, ou du côté, de ceux qui commandent :) Pour tous les autres, il suffit d'obéir et de suivre les pasteurs !

 

 

Les onze disciples vont dans la Galilée,
    sur la montagne que leur a fixée Jésus.
Ils le voient, se prosternent,
    — mais quelques uns hésitent...
    Jésus s'approche et leur parle. Il dit :

«Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.

Allez donc :
faites disciples toutes les nations,
baptisez-les
    dans le nom du Père,
    et du fils,
    et du saint Esprit.
Enseignez-leur à garder
    tout ce que je vous ai commandé.

Et voici : moi, avec vous, je suis,
    tous les jours,
jusqu'à l'achèvement de l'ère. »

(Matthieu 28, 16-20)

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