Partage d'évangile quotidien
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Hommes de petite vertu

Mer. 17 Octobre 2012

Luc 11, 42-46 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous laissez de côté la justice et l'amour de Dieu. Voilà ce qu'il fallait pratiquer, sans abandonner le reste. 

« Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous aimez les premiers rangs dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques. 

« Malheureux êtes-vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. » 

Alors un docteur de la Loi prit la parole : « Maître, en parlant ainsi, c'est nous aussi que tu insultes. » 

Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul doigt. » 

 

 

Marie de Magdala, par He-Qi

 

 

voir aussi : Tous pourris, Faux-semblants, Loin du paradis

Luc reprend ici, et dans la suite que nous aurons demain, une partie des malédictions que l'on peut trouver aussi dans Matthieu (chapitre 23). Il ne les reprend pas toutes, et pour la plupart il les simplifie. On peut dire que Luc est moins remonté que Matthieu contre les scribes et pharisiens. Ceci correspond à ce que nous savons : Matthieu est un juif vivant sur le territoire d'Israël, à une époque où l'opposition entre la synagogue, tenue par les pharisiens, et les premiers chrétiens est à son paroxysme. Matthieu n'a aucune tendresse envers ses anciens coreligionnaires qui l'ont déshérité de sa judéité.

Autre est la situation de Luc. Païen d'origine converti par Paul, vivant hors d'Israël, dans une communauté mêlant païens et juifs, et d'avantage tournée vers l'avenir, l'ouverture et l'annonce de la bonne nouvelle parmi toutes les nations, que vers le passé de l'héritage juif, il ne se sent pas vraiment concerné par l'expulsion des chrétiens hors des synagogues ! Cela ne le gêne pas, il n'a pas le sentiment d'être renié dans ses origines. S'il éprouve le besoin de reprendre ces diatribes, c'est plus pour dénoncer d'une manière générale un état d'esprit qui guette tout croyant, quelle que soit sa religion, que pour cibler spécifiquement les 'scribes et pharisiens' de l'histoire.

"vous payez la dîme et vous laissez de côté la justice et l'amour" : ceci résume sans doute l'écueil essentiel de toute démarche instituée, même pas seulement dans le domaine religieux. Toute institution humaine a besoin de règles, de pratiques, d'organisation, elle doit se doter d'un minimum de hiérarchie, définir les sources et l'usage de ses finances, etc... Et régulièrement, l'adhésion à une institution entraîne un attachement à ces formes, au risque d'en oublier le but. Jésus parle ici de la dîme, une des contributions financières au fonctionnement de l'institution du Temple, que nous pourrions traduire pour les catholiques en 'denier de l'église'. Mais il pourrait aussi bien parler de la participation hebdomadaire au culte ! On le voit assez souvent s'élever contre une certaine sacralisation du sabbat.

"vous aimez les premiers rangs et les salutations" : on pourrait croire que pour nous, de nos jours, en occident, ce n'est plus trop d'actualité. On ne rentre plus tellement dans les églises pour y faire carrière, on ne trouve plus dans les lieux de culte de 'bancs réservés'. Pourtant, malgré la pénurie, que de prêtres qui rechignent à déléguer aux laïcs, ou qui le font en véritables despotes, gardant la main sur tout. Et que de laïcs qui s'accrochent à leur participation comme à un brin de pouvoir. Et ceci, à nouveau, n'est pas spécifique au domaine religieux. Toute responsabilité dans une institution humaine se place sous ce même couperet, oublier le service, qui est l'objet de la responsabilité, et faire en sorte que l'on devienne indispensable.

En tout ceci, nous devenons des coquilles vides, des morts, "ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir".

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