Partage d'évangile quotidien
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Le point sur les témoins

Sam. 6 Avril 2013

Marc 16, 9-15 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Ressuscité de grand matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d'abord à Marie Madeleine, de laquelle il avait expulsé sept démons. Celle-ci partit annoncer la nouvelle à ceux qui, ayant vécu avec lui, s'affligeaient et pleuraient. Quand ils entendirent qu'il était vivant et qu'elle l'avait vu, ils refusèrent de croire. 

Après cela, il se manifesta sous un aspect inhabituel à deux d'entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne. Ceux-ci revinrent l'annoncer aux autres, qui ne les crurent pas non plus. 

Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu'ils étaient à table : il leur reprocha leur incrédulité et leur endurcissement parce qu'ils n'avaient pas cru ceux qui l'avaient vu ressuscité. Puis il leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. » 

 

 

Le tombeau vide, par He-Qi

 

 

voir aussi : Résumé des épisodes précédents, Épilogue posthume, Ceux qui ont vu

Ce passage de Marc est un ajoût plus récent au récit d'origine. Les évangiles synoptiques rapportent l'histoire de Jésus plutôt du point de vue de ses disciples galiléens, contrairement à Jean qui rapporte plutôt le point de vue des disciples judéens, voire de Jérusalem. Les galiléens, après la mort de Jésus, sont repartis chez eux en Galilée, et c'est là que se sont passés pour eux ces événements, quels qu'ils soient, qui nous sont relatés sous la forme des apparitions de Jésus et de la venue de l'Esprit.

Voilà pour les faits en eux-mêmes : les galiléens rentrent chez eux, puis ils vivent quelque chose, sûrement plus proche de l'épisode que nous avons vu hier que de ce que racontent Matthieu et Marc. Ensuite, il y a le premier récit qu'ils en ont fait, et c'est dans Matthieu qu'on le retrouve le mieux : ce seraient des anges, apparus aux femmes qui ont découvert le tombeau vide, qui leur auraient dit de repartir en Galilée, puis une fois là-bas, chez eux, Jésus leur apparaît effectivement, sur une montagne, et les envoit en mission. Dans une seconde variante, celle que Matthieu a retenue, ce ne sont pas seulement les anges qui sont apparus aux femmes, mais aussi Jésus lui-même, et pour leur dire la même chose, d'aller en Galilée.

Voilà pour la tradition originelle dont dépendent les synoptiques : des anges, et éventuellement Jésus lui-même, apparaissent aux femmes et les chargent de dire aux disciples de repartir chez eux, et une fois en Galilée, Jésus leur apparaît. Et maintenant notre passage d'aujourd'hui de Marc : il s'insère entre l'apparition des anges aux femmes et celle de Jésus sur la montagne aux disciples, et nous voyons bien qu'il parle de tout autre chose. Il est question ici d'une première apparition à Marie de Magdala, seule, sans les autres femmes : cet épisode vient en droite ligne de l'évangile de Jean, qui est le seul à le rapporter. Puis il est question de deux disciples en marche dans la campagne : cet épisode vient de Luc, qui est aussi le seul à le rapporter. Enfin il est question d'une apparition aux onze, lorsqu'ils sont à table, et là c'est un peu une synthèse de Jean et de Luc. Pour les deux, en effet, au moment où leurs premiers témoins privilégiés (Marie de Magdala selon Jean, les deux disciples d'Emmaüs selon Luc) racontent leur histoire aux onze, Jésus survient alors au milieu d'eux, dans la pièce où ils se trouvent.

C'est vrai que tout ceci est très mélangé et difficile à démêler. Nous avons d'une part une tradition galiléenne, dont sont héritiers les synoptiques, pour laquelle Jésus apparaît aux onze en Galilée, sur une montagne, en tout cas à l'extérieur, en plein air, et d'autre part une tradition judéenne, représentée principalement par Jean, pour laquelle cela se passe à Jérusalem, dans une maison, dans un lieu clos, donc. Mais ce qui vient embrouiller les choses, c'est que c'est chez Jean, le judéen, que l'on trouve la version la plus crédible d'une apparition en Galilée, et que Luc, un des synoptiques, a opté pour une version judéenne ! Mais ces deux singularités ont leurs explications. Luc, parce que son auditoire dépasse le cadre des spécificités 'judéo-juives', il s'adresse pour une grande part à des non-juifs pour lesquels la question d'apparitions en Galilée ou à Jérusalem n'a aucune importance, et c'est finalement uniquement parce qu'il voulait que les apparitions se situent tout de suite après la découverte du tombeau vide, qu'il a été amené à les situer dans le cadre de Jérusalem et de ses environs.

Le cas de Jean, enfin, est le plus intéressant, car il témoigne du fait que ces événements, qui nous sont rapportés comme apparitions de Jésus (quelle que soit la réalité, la forme concrète, de ces événements), se sont produits séparément et en parallèle dans les deux groupes, les judéens et les galiléens. Jean, d'une manière générale, n'a pas beaucoup d'estime pour ce groupe des galiléens, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne l'intéressent que très modérément. S'il a donc pris la peine de raconter cet épisode que nous avions hier, d'une apparition de Jésus au bord du lac de Galilée, c'est qu'il tenait pour certain que les galiléens, eux aussi, avaient bénéficié de ce même retournement de situation qui les a tous jetés dans cette nouvelle aventure, après ce qui avait toutes les apparences d'un échec sur toute la ligne.

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