Qui vole un œuf
« Je vous le dis en effet : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux. Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu'un commet un meurtre, il en répondra au tribunal. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. Si quelqu'un insulte son frère, il en répondra au grand conseil. Si quelqu'un maudit son frère, il sera passible de la géhenne de feu.
« Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. Accorde-toi vite avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu'on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n'en sortiras pas avant d'avoir payé jusqu'au dernier sou. »
voir aussi : Frères avant tout, Education sentimentale, Frères ennemis, Conversion
Ici, l'enseignement de Jésus rejoint très fortement les spiritualités anciennes traditionnelles, particulièrement celles d'Asie. Ici aussi, mais seulement en ce sens, peut se justifier le "pas un iota" du passage d'hier. En fait, on comprend ici que, si l'option préférentielle pour l'humain — ainsi que l'on pourrait caractériser la spécificité du message de Jésus — permet d'une part de relativiser la Loi, elle n'en comporte pas moins un versant qui lui, en revanche, est infiniment plus exigeant que cette même Loi.
Il ne faut pas, en effet, s'arrêter aux sanctions précises énumérées par Jésus pour différents degrés d'inimitié. Si l'on faisait ainsi, on devrait alors s'effarer de ce qu'encourrait le meurtrier (ce qui n'est d'ailleurs pas précisé) puisque celui qui maudit son frère est déjà dit passible du pire châtiment possible... Il faut donc comprendre l'esprit de l'enseignement. Là où la Loi ne définit que des sanctions en réponse à des actes déterminés, ce qui n'agit qu'au niveau des effets, Jésus demande que l'on prenne le mal à sa racine, que l'on s'attaque aux causes.
Il s'agit alors de traquer toute trace d'inimitié. La moindre aversion, le moindre soupçon de mauvaise humeur, peuvent nous interroger, et le devraient si nous voulons nous simplifier la vie, car il est plus facile d'agir à ce niveau que lorsque le sentiment non désirable a pris de l'ampleur. Et il est même recommandé d'aller encore plus loin : prendre les devants, faire preuve de bonne volonté, envers qui aurait quelque chose à nous reprocher alors que nous avons pour notre part la conscience tranquille à son égard. Si, en effet, nous attendons que cette personne nous manifeste son sentiment, nous risquons alors d'être pris, nous aussi, dans un dangereux jeu d'escalade, dont il est certain que nous ferions, au final, au moins une partie des frais !
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