Partage d'évangile quotidien
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L'affaire des péchés

Jeu. 3 Juillet 2014

Matthieu 9, 1-8 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Il monte en barque, fait la traversée et vient dans sa propre ville. 

Et voici : ils lui présentaient un paralytique gisant sur un lit. Jésus voit leur foi et dit au paralytique : « Confiance, enfant : tes péchés sont remis. »  Et voici, certains des scribes disent en eux-mêmes : « Celui-ci blasphème ! » 

Jésus sait leur propos. Il dit : « Pourquoi ces mauvais propos en vos cœurs ? Au fait, quel est le plus facile ? Dire : “Tes péchés sont remis” ? Ou dire : “Lève-toi et marche” ? Eh bien, pour que vous sachiez que le fils de l'homme a pouvoir sur la terre de remettre les péchés... » Alors, il dit au paralytique : « Lève-toi ! Prends ton lit et va dans ton logis. » 

Il se lève et s'en va dans son logis. Les foules voient, et craignent. Elles glorifient le Dieu qui donne un tel pouvoir aux hommes. 

 

 

Le fils prodigue, par He-Qi

 

 

voir aussi : Pouvoirs controversés, Hommes de pouvoir, Chacun chez soi, Trop facile

Si nous suivions Marc, ou Luc, nous aurions ici, après le retour du pays des Gadaréniens, la double guérison d'une femme âgée et d'une jeune fille. Matthieu va nous rapporter aussi cet épisode, mais il a voulu d'abord insérer du matériau qui, chez Marc et Luc, vient bien plus tôt, comprenant cette guérison d'un paralytique que nous avons aujourd'hui, l'appel d'un percepteur (que nous aurons demain), et quelques sentences sur la nouveauté qu'apporte Jésus (après-demain). L'ensemble de ce matériau, inséré ici par Matthieu, porte en fait sur le même thème : il s'agit des aspects par lesquels Jésus est perçu comme transgressant la Loi ou les traditions. Ceci explique que Matthieu rompe quelque peu, demain et après-demain, la série des dix miracles, pour conserver l'ensemble du matériau lié à la guérison du paralytique. Maintenant, on peut se demander pourquoi c'est précisément ici qu'il a voulu aborder cette question qui devait être difficile pour son public. Est-ce parce qu'il a estimé que ce serait plus facile dans la foulée d'un Jésus qui avait apaisé une tempête déclenchée par un tremblement de terre ? C'est possible.

Car, pour la communauté matthéenne, de chrétiens issus du judaïsme, le concept que le pardon des péchés ne soit pas une prérogative de Dieu était certainement un gros morceau à avaler. Il ne faut pas se tromper sur ce miracle-ci : la guérison du paralytique n'est pas le centre de la question, elle n'est que le moyen de justifier les prétentions de Jésus quand il lui a dit "tes péchés sont remis". Il n'est pas sûr, d'ailleurs, que l'argument ait eu autant de portée que nous nous l'imaginons sans doute, nous, de nos jours. Que des guérisons se produisent par Jésus signifie qu'il est un homme de Dieu, que Dieu est avec lui. Mais les péchés sont des torts commis envers Dieu, et lui seul, par conséquent, devrait être habilité à les remettre. C'est un peu comme avec le sacrement de réconciliation, mais à l'inverse : l'absolution ne nous dispense d'aucune manière de réparer les torts que nous pouvons avoir commis contre nos prochains ! Dieu ne nous pardonne pas à la place de ceux que nous avons lésés. Et pourtant, Jésus affirme ici qu'il peut pardonner les péchés. J'entends ceux qui vont dire : forcément, puisque Jésus est Dieu... Sauf que, pour Marc et Matthieu, Jésus n'est pas Dieu, mais tout au plus le Messie.

Il faudrait alors envisager, ce qui n'a rien d'évident, que la figure du Messie, dans les attentes de l'époque, pouvait recevoir cette délégation-là, précise, de pouvoirs de la part de Dieu. Je dis "rien d'évident", je crois qu'en fait il n'y a aucune référence scripturaire qui en attesterait... Et puis, quand bien même on trouverait ici ou là une telle allusion ou possibilité d'allusion, il reste cette finale du texte du jour, propre à Matthieu, qui, elle, ne nous permet plus du tout d'envisager une telle interprétation : les foules "glorifient le Dieu qui donne un tel pouvoir aux hommes". Il y a bien le mot 'hommes', et il est bien mis au pluriel ! Alors, dans une dernière tentative pour sauver les prérogatives de Dieu, on pourrait dire que le pouvoir en question, ce n'est pas celui de pardonner les péchés, mais de guérir les paralytiques ? De fait, les premiers chrétiens produisaient aussi des guérisons, mais les premiers chrétiens considéraient aussi qu'il étaient aptes à pardonner les péchés... et il nous est difficile d'imaginer qu'ils l'aient inventé, tout seuls. Nous pouvons donc être à peu près certains que c'est de Jésus lui-même que vient, et l'affirmation qu'il avait le pouvoir de pardonner les péchés, et l'affirmation que c'est en tant qu'homme qu'il l'avait.

Je viens de parler des premiers chrétiens, qui pardonnaient les péchés, et par lesquels se produisaient des guérisons miraculeuses. Le pardon que nous pouvons obtenir par le sacrement de réconciliation n'est pas du même ordre, puisque ce n'est certes pas le prêtre qui nous pardonne, mais bien Dieu, par le sacrement, dans lequel le prêtre n'est qu'un intermédiaire. Nous pouvons remarquer aussi que nous n'avons plus guère de ministres capables de guérir des infirmités physiques... Je ne veux pas compter ce qui se passe dans certaines mouvances charismatiques ou évangéliques, dont je ne crois pas, personnellement, que leur inspirateur soit vraiment l'Esprit. J'aimerais me tromper, à ce sujet, mais l'Esprit que je connais n'a rien de commun avec de telles manifestations dont la caractéristique essentielle est d'assurer un spectacle. Ce qui ne veut pas dire que lorsque nous sommes dans l'Esprit, nous ne soyons plus capables de pardonner au nom de Dieu, ni même sans doute de guérir. Mais ceci reste alors dans le secret des cœurs, qui sont les seuls à avoir besoin de le savoir, si tant est que ce soit même nécessaire, autrement que sous le nom de conversion.

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