Partage d'évangile quotidien
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À bon entendeur, salut !

Jeu. 25 Avril 2013

Jean 13, 16-20 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« Amen, amen, je vous le dis : le serviteur n'est pas plus grand que son maître, le messager n'est pas plus grand que celui qui l'envoie. Si vous savez cela, heureux êtes-vous, pourvu que vous le mettiez en pratique. 

« Je ne parle pas pour vous tous. Moi, je sais quels sont ceux que j'ai choisis, mais il faut que s'accomplisse la parole de l'Écriture : Celui qui partageait mon pain a voulu me faire tomber. Je vous dis ces choses dès maintenant, avant qu'elles n'arrivent ; ainsi, lorsqu'elles arriveront, vous croirez que moi, JE SUIS. 

« Amen, amen, je vous le dis : recevoir celui que j'envoie, c'est me recevoir moi-même ; et me recevoir, c'est recevoir celui qui m'envoie. » 

 

 

Abraham et les trois anges, par He-Qi

 

 

voir aussi : Poupées gigognes, Envois en chaîne, Envoyés par l'envoyé

Le premier paragraphe de ce passage est la conclusion de l'épisode précédent : Jésus vient de laver les pieds de ses disciples. Si lui l'a fait, quelle raison pourraient-ils alors invoquer pour ne pas en faire autant ? Ce n'est pas tellement au niveau moral, qu'il faut prendre cette invitation. Jésus n'a pas passé sa vie à effectuer des tâches subalternes au service de ses disciples ou de qui que ce soit d'autre. C'est un geste ponctuel qu'il a posé, c'est plutôt un symbole de ce qu'il est, à un autre niveau. Les disciples le considèrent comme leur maître, et pour eux cela signifie que Jésus est au-dessus d'eux, que c'est lui qui décide, qui prend les initiatives, qui choisit les orientations. Mais par cet acte Jésus voudrait leur faire comprendre qu'il n'en est rien, et que c'est même l'inverse, que c'est eux qui lui dictent son comportement, que ce qu'il fait, c'est pour eux qu'il le fait, et non pour lui. Jésus n'a pas vraiment le choix, sauf à se renier lui-même. C'est en ce sens, qu'il est serviteur. et par là-même un maître de sagesse.

Puis nous avons un deuxième paragraphe, mais qui n'a pas de rapport évident avec le premier. C'est de plus un passage très elliptique. "Je ne parle pas pour vous tous" : c'est une allusion à la traîtrise à venir de Judas. Cela semble signifier que Judas n'est pas invité à entrer dans l'attitude du service, ou que Jésus sait qu'il ne répondra pas à son invitation. "Il sait quels sont ceux qu'il a choisis" : ceci peut aller dans le même sens, que Jésus connaît depuis toujours les pensées de Judas, mais aussi que celui-là il ne l'a pas choisi contrairement aux autres, mais qu'il a été obligé de l'accepter pour "que s'accomplisse la parole de l'Écriture". Ces paroles sont très ambigües et ne permettent pas de trancher si Jésus assume le choix de Judas alors qu'il savait ce qu'il finirait par faire, ou s'il s'en lave les mains en se défaussant sur le scénario qui lui était imposé. Et si on ne peut pas trancher, c'est surtout parce que la question n'existait pas dans la réalité. C'est la théologie de Jean, c'est sa volonté de prétendre à une omniscience de Jésus, à une conscience universelle et divine qu'il aurait eue tout au long de sa vie, qui crée le faux débat. "Je vous dis ces choses dès maintenant" : les disciples sont censés ignorer les intentions de Judas. "Ainsi, lorsqu'elles arriveront, vous croirez" : oui, bien sûr, en découvrant que Jésus savait tout à l'avance, les disciples ne pourraient en être qu'ébahis, mais le procédé est un peu facile, si ce n'est éhonté.

Le troisième paragraphe rejoindrait pas mal le premier, mais sous un autre angle de vue, et surtout avec une nouvelle dimension. Recevoir Jésus, c'est recevoir le Père, celui qui l'a envoyé : nous avons déjà longuement discuté de ce sujet hier. Si Jésus s'efface effectivement devant le Père (et c'est pour cette raison aussi qu'il s'est fait le serviteur des disciples), alors c'est bien le Père qui parle et agit à travers lui, et recevoir Jésus c'est bien recevoir le Père. Et la conclusion : si les disciples s'effacent devant Jésus, en devenant comme il leur demande des serviteurs à leur tour de leurs frères, alors ce sera bien Jésus qui parlera et agira à travers eux, et puisque Jésus lui-même etc..., finalement ce sera donc le Père qui parlera et agira à travers les disciples. Ouf ! tout ça pour en arriver là. On pourrait résumer par : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? pourquoi ne pas s'adresser au Père quand on peut s'adresser à Jésus. Ce mécanisme va faire fureur dans les églises par la suite, on va continuer sur la même lancée : pour s'adresser à Jésus, le mieux est de s'adresser à sa mère, puis pour atteindre l'une comme l'autre on aura tout intérêt à prendre plutôt contact avec les saints, et coetera ad libitum.

Nous avons fait le tour. Jésus n'avait qu'un message très simple : Dieu est en nous. C'est simple, c'est direct, mais cela renvoie chacun à lui-même, et ça, en général, ça nous met mal à l'aise. C'est trop de liberté, quand on a été habitué à laisser les structures extérieures nous définir. On se sent tout nu et perdu : mais alors, il n'y a personne qui peut me dire la vérité à ma place ? C'est ainsi que très vite la simplicité du message de Jésus, qui aurait dû dynamiter tous les systèmes religieux, a donné naissance à son antithèse, un système plus bétonné que ça tu meurs. Oh ! il peut s'enorgueillir d'avoir défié tant de siècles, alors que c'est justement là sa nudité dont il devrait au contraire avoir tant de honte... Il est vrai que sous les coups de butoir de ce qu'on appelle la modernité, mais qui apparaît de plus en plus clairement comme n'étant que le triomphe toujours plus éclatant des vieilles idoles du pouvoir et de l'argent, les églises périclitent, perdent leurs ouailles captives par troupeaux entiers, ce qui finit bien par démontrer la vanité de leurs prétentions. C'est là que le message originel et original de Jésus atteint donc toute sa pertinence, et trouve enfin sa chance d'être vraiment entendu.

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