Partage d'évangile quotidien
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La bouchée de trop

Mar. 3 Avril 2012

Jean 13, 21-38 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Après avoir ainsi parlé, Jésus fut bouleversé au plus profond de lui-même, et il attesta : « Amen, amen, je vous le dis : l'un de vous me livrera. » 

Les disciples se regardaient les uns les autres, sans parvenir à comprendre de qui Jésus parlait. Comme il y avait à table, tout contre Jésus, l'un de ses disciples, celui que Jésus aimait, Simon-Pierre lui fait signe de demander à Jésus de qui il veut parler. Le disciple se penche donc sur la poitrine de Jésus et lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » Jésus lui répond : « C'est celui à qui j'offrirai la bouchée que je vais tremper dans le plat. » Il trempe la bouchée, et la donne à Judas, fils de Simon l'Iscariote. Et, quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui.Jésus lui dit alors :« Ce que tu fais, fais-le vite. » 

Mais aucun des convives ne comprit le sens de cette parole. Comme Judas tenait la bourse commune, certains pensèrent que Jésus voulait lui dire d'acheter ce qu'il fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres. Quand Judas eut pris la bouchée, il sortit aussitôt ; il faisait nuit. 

Quand il fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire ; et il la lui donnera bientôt. Mes petits enfants, je suis encore avec vous, mais pour peu de temps, et vous me chercherez. J'ai dit aux Juifs : Là où je m'en vais, vous ne pouvez pas y aller. Je vous le dis maintenant à vous aussi. 

« Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres. » 

Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Là où je m'en vais, tu ne peux pas me suivre pour l'instant ; tu me suivras plus tard. » Pierre lui dit : « Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant ? Je donnerai ma vie pour toi ! » Jésus réplique : « Tu donneras ta vie pour moi ? Amen, amen, je te le dis : le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois. » 

 

 

Le repas d'Emmaüs, par He-Qi

 

 

voir aussi : Distribution des rôles, Traîtres et déserteurs

On est choqué par cette association entre ce morceau de pain que Jésus donne à Judas et ce "Satan entra en lui". Nous sommes au dernier repas, et Jean ne relate pas l'institution de l'eucharistie. Ce pain, donné à Judas seul, semble en être le parallèle exact, inversé. Là où, pour les autres évangélistes, s'institue le rituel par lequel les chrétiens recevront la vie divine, Jean décrit Judas recevant le démon ! La coïncidence est trop forte pour qu'on l'attribue au hasard, d'autant que cet évangile a été écrit après les autres.

Jean, certes, ne dit quand même pas que Satan était dans la bouchée ! Le geste de Jésus est un geste traditionnel de l'époque, par lequel un maître de maison honore particulièrement un invité. C'est une marque de faveur, un signe d'amitié. Si Jésus était effectivement au courant d'une trahison de la part de Judas, c'était un moyen pour lui de lui dire qu'il lui conservait quand même son affection, qu'il voulait encore croire à un possible revirement de sa part, et que sinon il lui pardonnait d'avance.

Il est tout-à-fait possible que Judas ait compris tout ça, à ce moment. Lors de cet échange, il a pu lire dans les yeux de Jésus tout ce qu'il voulait lui dire. Mais il se ferme, au contraire. Quelles que soient ses motivations, et on a du mal à croire à la version officielle de l'appât du gain, l'ambiguïté de ses sentiments envers Jésus était trop avancée, et il prend le geste d'amitié comme une intrusion dans son intimité. Judas bascule définitivement, ce que Jean traduit par la figure imagée du Satan entrant en lui et prenant possession de son âme.

Reste que se pose la question du degré de compréhension qu'avait Jésus des états d'âme de Judas. Visiblement, s'il en avait compris quelque chose, ce n'était pas parfait, sinon il aurait aussi compris que son geste allait provoquer l'effet inverse de celui escompté. Il y a quelque chose qui cloche ici. Jean a tendance à décrire un Jésus qui sait tout, comprend tout, devine tout, anticipe tout. Ceci signifierait que Jésus aurait volontairement précipité Judas à franchir le dernier pas. Cela ne nous semble pas acceptable.

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