Partage d'évangile quotidien
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Toi en moi et moi en toi

Jeu. 21 Mai 2015

Jean 17, 20-26 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« Ce n'est pas seulement pour eux que je prie, mais aussi pour ceux qui croient en moi à cause de leur parole : que tous soient un comme toi, Père, en moi, et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé. Et moi je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un, comme nous, un : moi en eux et toi en moi, pour qu'ils soient parfaitement un, pour que le monde connaisse que c'est toi qui m'as envoyé, toi qui les as aimés comme tu m'as aimé. 

« Père, ce que tu m'as donné je veux que, où je suis, ils soient aussi avec moi, pour qu'ils voient ma gloire, celle que tu m'as donnée, parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. Père juste, si le monde ne t'a pas connu, moi, je t'ai connu, et ceux-ci connaissent que c'est toi qui m'as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom et je le ferai connaître pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux. » 

 

 

Le buisson ardent, par He-Qi

 

 

voir aussi : Aux suivants !, Ne restez pas à la porte !, Origine préhistorique, De père inconnu, Toi en moi, et moi en eux

Pour que le monde sache que, toi, tu m'as envoyé, et que tu les a aimés comme tu m'as aimé : certaines traductions sont ici déficientes. Il y a deux choses que le monde doit savoir : d'une part que c'est bien le Père qui agit par Jésus, et d'autre part que le Père aime les disciples de la même manière qu'il aime Jésus. C'est le sommet de la révélation dans la théologie johannique. Les disciples avaient déjà été invités à s'adresser directement au Père — et non plus à Jésus (16, 23) —, et Jésus les avait assurés que le Père les aimait (16, 27). Mais il n'avait pas encore été précisé de quelle manière ; on pouvait comprendre que le Père n'aimait les disciples qu'en tant qu'amis de Jésus, dans le sens du proverbe "les amis de mes amis sont mes amis". Cette fois, c'est dit : la foi en Jésus reste essentielle, mais pas du tout parce qu'elle serait la condition pour être aimés du Père ! mais parce qu'elle permet de le savoir... Le christianisme institutionnel, qui distingue entre Jésus, d'une part, seul Fils de Dieu, et les chrétiens, d'autre part, fils de Dieu seulement "par adoption", s'est grandement éloigné de l'enseignement originel, de Jean déjà, mais certainement aussi de Jésus lui-même.

Si nous en doutions encore, en écho au "tu les as aimés comme tu m'as aimé", voici précisé alors de quand date cet amour : "tu m'as aimé avant la fondation du monde". C'est du même amour que nous sommes aimés : on pourrait difficilement dire plus clairement quelle est notre origine ! puisque, pour que le Père nous ait aimés dès ces temps-là, il fallait bien que nous y soyons... Bien sûr, pas plus que Jésus, nous n'y étions en tant qu'hommes ; cette expression parle de notre origine, pas encore de ce que nous sommes devenus depuis. Mais il n'y a pas de raison que l'amour du Père change, bien au contraire, c'est même cet amour qui nous a lancés dans cette aventure de l'incarnation, c'est cet amour qui nous a appelés à prendre cette forme particulière et unique dans l'univers (au moins unique dans notre système solaire) qu'est la forme humaine, c'est-à-dire d'être des animaux habités personnellement, individuellement, par Dieu. Dieu est présent en tout ce qui est, mais pas de la même manière qu'il l'est en nous, qui sommes capables d'être conscients de Lui. Évidemment, nous sommes là encore plus loin de ce qu'enseigne le christianisme institutionnel, mais comment comprendre autrement ce que nous dit Jean ?

Voici donc ce pour quoi Jésus prie : pour que les disciples connaissent cet amour du Père, pour que "cet amour soit en eux". Si l'évangile fait dire ces paroles à Jésus, c'est que, forcément, au moins l'évangéliste — le disciple que Jésus aimait —, et d'autres à sa suite, ont vécu cette découverte. Nous ne pouvons pas avoir ici affaire à du blabla théorique, à des plans sur la comète. C'est le témoignage d'hommes qui ont certainement vécu ce dont ils nous parlent, on peut leur faire confiance sur ce point. Une telle expérience ne va d'ailleurs pas se perdre immédiatement, on trouve dans les siècles qui suivent des "pères de l'Église" qui en parlent encore, eux aussi d'une manière telle qu'on comprend que, pour eux non plus, ce n'étaient pas que des mots. Mais on voit bien aussi qu'en parallèle, le courant majoritaire de l'Église en train de s'instituer a perdu le contact d'avec cette réalité, développant une théologie qui semble bien pâle à côté de celle-ci, une théologie où Jésus devient un être radicalement différent de nous. Ceci ne veut pas dire que ce christianisme n'ait pas porté de fruits ! mais il n'en reste, très exactement, qu'à la première partie de la théologie johannique, celle qui est développée dans cet évangile dans le ministère public de Jésus, et qui n'était, pour cette communauté, que la première étape de l'initiation, l'enseignement destiné aux néophytes. L'heure ne serait-elle pas venue maintenant de franchir le seuil, d'accéder au cœur de la vie divine ?

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