Partage d'évangile quotidien
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À maître, maître et demi

Mar. 29 Avril 2014

Jean 3, 9-15 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Nicodème répond et lui dit : « Comment cela peut-il se faire ? »  Jésus répond et lui dit : « Tu es le maître d'Israël et tu ne connais pas ces choses ? Amen, amen, je te dis : ce que nous savons, nous en parlons, ce que nous avons vu, nous en témoignons, et notre témoignage, vous ne le recevez pas ! Je vous ai dit les choses terrestres et vous ne croyez pas ! Quand je vous dis les choses célestes comment croirez-vous ? 

« Nul n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le fils de l'homme. Et comme Moïse a haussé le serpent dans le désert de même doit être haussé le fils de l'homme, pour que tout homme qui croit en lui ait vie éternelle. » 

 

 

Le rêve de Jacob, par He-Qi

 

 

voir aussi : Nicodème qui ?, L'enseignant enseigné, L'homme qui monte, qui monte ..., Élever le regard

Voici la seconde partie de l'échange entre Jésus et Nicodème. Sur le fond, l'essentiel a déjà été dit hier. D'ailleurs, c'est ici la dernière intervention de Nicodème dans la discussion. L'évangéliste est en train de prendre son envol, c'est-à-dire un des rédacteurs successifs de l'évangile : il profite de l'épisode de base pour se lancer dans un exposé de sa théologie. On voit très bien cette transition au changement de la personne sujet des verbes. Dans le premier paragraphe, ici, c'est encore Jésus qui parle (ou qu'on fait parler) : il utilise le 'je' ("je te dis, je vous ai dit, je vous dis"). Et puis, à partir du second paragraphe, et durant toute la troisième partie du 'dialogue' que nous aurons demain, Jésus se met à parler de lui-même à la troisième personne : "le fils de l'homme, croire en lui". Demain, d'ailleurs, Jésus ne parlera plus de lui comme étant le fils de l'homme, mais utilisera l'expression "Fils de Dieu" : c'est peut-être l'indice d'un troisième (ou quatrième, ou...) rédacteur successif. Nous ne pouvons donc pas recevoir ces différentes parties du texte de la même façon, comme si c'étaient des paroles prononcées effectivement par Jésus.

Mais ici, nous pouvons sans doute interpréter le début de la réponse de Jésus comme correspondant à la situation réelle dont nous parlions hier. On verrait d'ailleurs bien cet argument comme étant le premier dans la discussion : voici Nicodème, un pharisien (donc quelqu'un qui connaît les Écritures), membre du sanhédrin (l'instance normative la plus élevée du judaïsme), et qui vient dire à Jésus qu'il le considère comme son Maître ! Il ne serait pas illogique que Jésus commence par souligner ce que cette situation sous-entend : que lui, Jésus, le fils d'artisan galiléen qui n'a certainement pas autant de culture, en connaît pourtant plus que lui, Nicodème ? et quelle peut en être la raison, sinon que lui, Jésus, connaît ce dont il parle parce qu'il le vit, il en fait l'expérience personnelle et concrète, là où Nicodème ne parle que de ce qu'il a appris. Et ensuite, logiquement, Jésus pourrait alors parler de la seconde naissance, de cet événement qu'il a vécu et qui lui a donné accès à cette connaissance 'directe', personnelle. Seconde naissance qu'il invite chacun à souhaiter, espérer, jusqu'à ce qu'il en fasse l'expérience pour son propre compte.

Avec le second paragraphe d'aujourd'hui, on commence à s'abstraire de ce qui avait été dit jusqu'à présent. Il devient plus difficile de le relier, surtout sans doute à cause de la manière dont nous le comprenons habituellement. Il nous faut beaucoup plus nous accrocher pour comprendre que ça ne nous parle pas seulement de Jésus, mais de nous aussi. Oui, "celui qui est descendu du ciel, le fils de l'homme" : nous pensons généralement que cette expression ne désigne que Jésus, lui seul est venu du ciel ...pour nous sauver. Mais ceci est pourtant notre vérité personnelle aussi, lorsque nous avons vécu la seconde naissance : lorsque nous avons pris conscience de notre divinité, nous pouvons fort bien en parler comme étant descendue du ciel et fille de notre humanité ! "Descendue du ciel" : oui, puisque cette conscience que nous éprouvons dans notre chair fait, en quelque sorte, descendre le ciel sur terre. "Fille de notre humanité" : oui aussi, puisque, de fait, c'est à partir de notre humanité que nous avons acquis cette conscience, nous ne pouvons pas prendre conscience de notre divinité si nous ne sommes pas d'abord humains.

La dernière phrase, par contre, nous parle beaucoup plus spécifiquement de Jésus. Le thème du "fils de l'homme élevé", comme le serpent de Moïse dans le désert, symbolise la crucifixion. Liée à "pour que tout homme qui croit en lui...", la phrase est purement un énoncé de la théologie johannique. Il est vrai qu'en croyant en l'enseignement sur la seconde naissance, et en la recevant, nous obtenons la vie éternelle. Il est vrai aussi qu'il a fallu la mort de Jésus pour que les premiers disciples accèdent enfin à la seconde naissance, et que nous en sommes encore héritiers. Mais tout ceci est donc spécifique du rôle qu'a tenu Jésus : tous ceux qui accèdent à la seconde naissance ne sont pas nécessairement appelés à témoigner jusque là pour transmettre à leur tour ce qu'ils ont reçu, Dieu merci ! Même si le témoignage est toujours une forme de crucifixion, cela peut rester dans des proportions moins effarantes, tout en restant un témoignage fructueux. Nous ne sommes pas tous appelés à donner notre vie au même degré que lui, sinon, d'ailleurs, il n'y aurait alors plus personne pour recevoir ce témoignage. Nous sommes arrivés, avec cette dernière phrase, au tournant où il n'est plus vraiment question de la seconde naissance, mais de tout autre chose qui sera développé dans la suite du texte, demain.

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