Partage d'évangile quotidien
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Pas de deux

Ven. 24 Mai 2013

Marc 10, 1-12 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

En partant de là, Jésus arrive en Judée et en Transjordanie. De nouveau, la foule s'assemble près de lui, et de nouveau, il les instruisait comme d'habitude. 

Des pharisiens l'abordèrent et pour le mettre à l'épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus dit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui répondirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d'établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C'est en raison de votre endurcissement qu'il a formulé cette loi. Mais, au commencement de la création, il les fit homme et femme. A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu'un. Donc, ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas ! » 

De retour à la maison, les disciples l'interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur répond : « Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d'adultère envers elle. Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d'adultère. » 

 

 

Le paradis perdu, par He-Qi

 

 

voir aussi : Habitudes

"Ils partent de là" : rappelons-nous, il y a trois jours,  Jésus avait fait revenir toute la troupe à Capharnaüm, suite à cette expérience exceptionnelle qu'il venait de vivre et qu'on appelle la transfiguration. Ils avaient pour cela traversé la Galilée, et nous avions noté la volonté de discrétion de Jésus, son souci qu'ils ne se fassent pas remarquer. C'est qu'il savait bien que les autorités de Jérusalem en avaient après lui. Il venait pourtant de prendre sa décision, qu'il irait les affronter chez elles, sur leur terrain, dans la capitale. Mais il voulait d'abord se ressourcer encore une fois dans cette bonne ville de Capharnaüm, dans la maison de Pierre, "à la maison" comme le dit l'évangéliste. Et maintenant ils repartent de Capharnaüm et se dirigent vers la Judée : il n'est pas encore question d'y pénétrer, on se contente de tâter le terrain, on se rend seulement dans les régions frontalières, aux limites de la Judée et de la Transjordanie. C'est aussi un peu un pélerinage aux sources, puisque c'est dans cette région que Jean baptisait, à l'époque où il était le maître de Jésus et de plusieurs de ses disciples actuels.

Et puis on revient encore à la maison. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, vu les distances parcourues, il ne s'est pas passé grand chose : juste cette discussion avec des pharisiens sur le mariage ? Sans doute Jésus avait-il encore donné des consignes de discrétion, et même si d'autres événements se produisirent que l'évangéliste n'a pas cru bon de rapporter, peu importe au fond. L'essentiel est là, dans ce Jésus qu'on sent hésitant, prenant le vent, dans l'attente du moment qu'il jugera favorable. En fait, ce moment, c'est le calendrier liturgique qui va le donner. La grande fête de la Pâques, avec une Jérusalem pleine à craquer de pèlerins venus de toute la Terre. Et en attendant, il ne se passe en réalité pas grand chose. Juste quelques anecdotes comme celle d'aujourd'hui.

Pourtant, mis à part le fait qu'elle tombe ici comme le cheveu dans la soupe, elle est intéressante cette question du mariage. Car, bien que Marc ne nous le fasse pas comprendre aussi bien que Matthieu (dans sa version du même épisode), c'est un des points où Jésus était le plus novateur par rapport au consensus général de ses compatriotes, y compris des disciples. Matthieu nous rapporte en effet, qu'après ces paroles de Jésus, les disciples s'exclamèrent que dans ce cas "ça ne vaut vraiment pas le coup de se marier" ! Comme quoi, les disciples étaient bien sur la même longueur d'onde que les pharisiens, sur cette question. On est vraiment à cent lieues des notions de fidélité et d'engagement envers l'autre. Et, sans grande surprise, nous autres modernes avons tendance à achopper aussi sur ce point. Nous pouvons être extrêmement sensibles à la révolution spirituelle qu'a apportée Jésus, cette révélation du Dieu Père, proche, intime, personnel, en bref du dieu qui disqualifie toute tentative de pouvoir religieux, mais nous serons beaucoup plus réservés sur ce qui a toutes les apparences d'une interdiction du divorce.

Deux remarques, cependant. D'abord il faut comprendre que le divorce juif de l'époque n'était pas le divorce de nos jours. Toujours décidé par l'homme, il ne donnait pas lieu à compensations financières, de sorte qu'en général la femme se retrouvait dans la misère. Et avant que ne soit instituée la règle du "certificat de divorce" dont parlent les pharisiens, la femme n'avait de plus pas le droit de se remarier. C'est ce à quoi doit servir ce certificat : du moment qu'elle l'obtient, elle peut espérer retrouver un autre mari, et c'est pourquoi la loi stipulait que le mari était, de son côté, dans l'obligation de munir de ce certficat la femme qu'il voulait répudier. Cela n'empêchait évidemment pas certains 'indélicats' (= salauds) de tout faire pour ne pas se soumettre à leurs obligations, mais l'essentiel est de toute façon là : le divorce juif était presque toujours une décision unilatérale, et c'est surtout cet aspect là qui est ici condamné par Jésus.

La seconde remarque éclaire la première en prenant en compte la nature de l'argument sur lequel s'appuie Jésus. En remontant au jardin d'Eden, Jésus se place dans une optique purement spirituelle, dans ce monde originel duquel nous sommes censés être issus. C'est donc du point de vue idéal et théorique qu'il peut dire que l'homme ne devrait pas "séparer ce que Dieu a uni". Et, ce point de vue, qui ne l'approuve pas ? Qui ne rêve effectivement pas, qui ne souhaite pas, que cela soit possible, de vivre jusqu'à sa mort toujours amoureux de la même personne ? Nous avons suffisamment de preuves par ailleurs que Jésus ne condamnait jamais personne, pour être certains qu'ici non plus ce n'est pas ce qu'il voulait dire. L'objectif est donc simplement celui-là, faire tout ce que nous pouvons pour que notre couple vive et grandisse en communion. Et si, à un moment, nous n'y arrivons plus, faire aussi tout ce que nous pouvons pour que ce soit encore en communion que nous nous séparions.

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