Partage d'évangile quotidien
<
Enregistrer le billet en pdf

Quand tout va bien

Lun. 28 Juillet 2014

Matthieu 13, 31-35 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

Une autre parabole qu'il leur sert ! Il dit : « Le royaume des cieux est semblable à une graine de moutarde qu'un homme prend et sème dans son champ. Elle est certes plus petite que toutes les semences. Qu'elle croisse, elle est plus grande que les plantes : elle devient arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent faire leur nid dans ses branches. » 

Une autre parabole ! Il leur parle encore : « Le royaume des cieux est semblable à du levain qu'une femme prend et cache dans trois panerées de farine, jusqu'à ce que tout ait levé. » 

Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles. Et, sans parabole, il ne leur disait rien, pour accomplir le mot dit par le prophète : “J'ouvrirai ma bouche en paraboles, je proclamerai des choses cachées depuis la fondation.” 

 

 

Le paradis perdu, par He-Qi

 

 

voir aussi : Petit c'est beau, Silence, ça pousse !, Secrets bien gardés, Révélations secretes

Petit interlude entre la parabole des zizanies (ou ivraies) et son explication officielle : deux autres paraboles. Difficile de savoir pourquoi Matthieu les a intercalées ici, pourquoi il n'a pas fait suivre directement la parabole des zizanies de son interprétation, comme pour la parabole du semeur. Difficile de comprendre aussi ce qui a présidé au choix de Matthieu de rapporter ces deux paraboles du jour, et les trois qui suivront l'explication des zizanies. Précisons : les deux paraboles d'aujourd'hui se retrouvent aussi à la suite l'une de l'autre chez Luc. On peut donc penser que c'est la tradition orale qui les avait déjà rassemblées. De même, pour les trois paraboles, que nous verrons mercredi et jeudi, bien que nous ne les trouvions pas chez les autres évangélistes (elles figurent cependant chez Thomas, mais en ordre dispersé), le fait qu'elles semblent être trois variations plus ou moins sur le même thème permet de comprendre qu'elles soient rassemblées. Mais pourquoi Matthieu rapporte-t-il ces deux groupes-là, en délaissant d'autres paraboles qui figurent chez Marc, et qu'il connaissait donc ? nous sommes bien en peine de le dire, si ce n'est que Matthieu tenait sans doute au nombre de sept paraboles, tout comme pour sa série de miracles il tenait à ce qu'ils soient au nombre de dix.

Quoi qu'il en soit donc des motivations de Matthieu, voyons ces deux paraboles. Toutes deux ont en commun de nous donner une image de puissance du Royaume, et d'une puissance qui tient du merveilleux. Contraste entre une toute petite graine et une plante aussi grande qu'un arbre, contraste entre la faible proportion du levain qui suffit pourtant à faire lever toute la pâte. Le thème n'est plus le même qu'avec le semeur ou les zizanies. Dans celles-là, la question était plutôt de comprendre comment, ou qui peut, accéder au Royaume. Ici, cette question préalable semble dépassée, on ne nous parle plus que de la bonne terre ou du bon grain, et de ce qui leur advient. Nous pouvons en fait penser que ces deux paraboles sont antérieures, elles nous parlent de la première période du ministère de Jésus, celle où il pensait que le Royaume était là, en train de s'instaurer, en Galilée. Cette petite graine qui croît vigoureusement, ce levain qui fermente et fait se lever la pâte, décrivent bien ce qui se passait à cette époque où c'est assez rapidement toute une région qui s'est levée, prête à le suivre. Les paraboles du semeur et des zizanies nous parlent plus, elles, de la seconde période du ministère de Jésus, quand les désaffections et les oppositions sont venues tempérer l'enthousiasme des débuts. Désaffections de nombreux galiléens, qui ont fait prendre conscience à Jésus qu'ils n'avaient pas vraiment compris de quoi il parlait (parabole du semeur), et opposition croissante de certains judéens, visiblement irrémédiablement imperméables à son message (parabole des zizanies).

On comprend mieux alors l'importance qu'ont accordée Matthieu et sa communauté aux deux paraboles du semeur et des zizanies : elles correspondent à leur histoire d'une branche du judaïsme, parmi d'autres branches du judaïsme, de plus en plus hostiles. C'est là leur souci essentiel : comprendre pourquoi le Royaume, apparemment, ne pourra pas rassembler tout Israël. Ce qui ne les empêche quand même pas de se souvenir des débuts de cette histoire, quand la résurrection de Jésus et la venue de l'Esprit les a fait croître de quelques individus à une communauté, certes minoritaire, mais quand même non négligeable. En somme, ils ont vécu à peu près la même histoire que Jésus, des débuts euphoriques, avant que l'horizon ne se bouche progressivement, et c'est là qu'ils en sont au moment où Matthieu rédige. Il y a un pessimisme très marqué, chez Matthieu, sur le fond de la nature humaine et sur l'impossibilité pour certains d'être sauvés, qui tient à ces caractéristiques de l'histoire de sa communauté et de ce moment de cette histoire. Nous pouvons alors faire la part des choses. La communauté matthéenne va effectivement disparaître de la scène de l'Histoire, peut-être ne devons-nous pas trop nous attarder sur son pessimisme, tournant parfois à l'aigreur, par exemple dans ses attaques contre les pharisiens, et ne pas oublier qu'elle nous a quand même légué quelques trésors 'oubliés' des autres évangélistes, tels l'amour des ennemis, ou le jugement dernier sur le seul critère de l'amour en actes à l'égard des plus démunis.

Commenter cet évangile