Partage d'évangile quotidien
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On dit : un pied, des sarments

Mer. 1 Mai 2013

Jean 15, 1-8 traduction : Comparer plusieurs traductions sur le site 4evangiles.fr Lire le texte grec et sa traduction (anglaise) mot-à-mot sur le site interlinearbible.org

« Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu'il en donne davantage. Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite : 

« Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. 

« Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l'obtiendrez. 

« Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples. » 

 

 

Le repas d'Emmaüs, par He-Qi

 

 

voir aussi : Branchement à la source, Arbre de vie, Porte-greffe

Là, il n'y a pas d'échappatoire ! Jésus est central, unique : on passe par lui (et on s'y applique, s'il vous plait), ou on n'arrivera jamais à rien : "vous ne pouvez rien faire". Ce genre de passages appuie très bien les tenants d'un christianisme seul détenteur de la vérité. Même lorsqu'ils se disent ouverts, qu'ils admettent que des personnes peuvent avoir un comportement remarquable à tout point de vue et sans aucune référence à Jésus, ils les récupèrent alors en décrétant qu'elles agissent en Christ même si elles l'ignorent ! On note au passage le glissement de Jésus vers le Christ : on ne peut pas décemment prétendre que ces personnes suivent Jésus, on fait donc appel à son double spirituel, cette épithète de Christ qui est devenue quasiment synonyme de la seconde personne de la Trinité, et le tour serait joué. Pourtant notre texte d'aujourd'hui est mis dans la bouche du Jésus homme, présent dans l'histoire, qui a vécu il y a quelque deux mille ans, très concret, et c'est sur lui que les sarments sont censés être greffés, pas sur une entité abstraite et nébuleuse !

Une première façon d'aborder un tel texte, censé avoir été prononcé par Jésus lui-même, tout en respectant l'ouverture qui le carcatérisait certainement plus que les églises qui s'en réclament, est de le ramener à son contexte. Jésus ne s'adressait, après tout, qu'à des juifs de son temps. Que, dans le cadre d'une discussion orale, il ait pu se laisser aller à affirmer que lui seul détenait la vérité, par rapport aux autres partis qui se disputaient les opinions des foules à la même époque, ne signifierait pas du tout la même chose que lorsque nous lisons ce texte comme "parole d'évangile" dans une culture qui s'est depuis élargie aux dimensions du monde entier ! C'est le propre de l'oral, surtout dans le cadre d'une controverse, que de permettre d'énoncer des propositions plus abruptes que ne pourrait se permettre le philosophe devant son papier, son parchemin ou sa tablette, qui lui a l'obligation de peser soigneusement ses termes. Il est vrai que notre discours d'aujourd'hui ne s'adresse qu'à ses seuls disciples proches et non pas à des adversaires de Jésus. Dans ce cadre, les lois de l'oralité pourraient encore s'appliquer, mais reconnaissons que ça passe déjà moins bien...

Nous sommes donc amenés à la seule conclusion possible : tel quel, ce texte est essentiellement une composition de l'évangéliste. Nous pouvons retenir l'image de base, du pied de vigne et des sarments, de l'avantage qu'il y a pour tout un chacun à se fier à l'enseignement de Jésus, à s'en laisser irriguer : c'est en effet un chemin privilégié pour "porter du fruit". Mais comme pour toute parabole, l'image ne doit pas être poussée trop loin comme l'a fait ici l'auteur. D'une part ce pied n'est certainement pas le seul de son espèce, d'autres pieds donnent aussi une vie vigoureuse et fructifiante à d'autres sarments. Et d'autre part, la parabole ne prétend pas décrire le chemin de a à z, lorsqu'elle parle du fruit produit par le sarment elle ne dit pas qu'il sera alors arrivé à son terme. C'est une étape seulement qui est symbolisée par cette image : que va-t-il arriver ensuite à la grappe ? Va-t-elle servir à produire du vin ? Ou ses grains donneront-ils un nouveau pied ? Nous pouvons imaginer diverses suites à l'histoire, mais la production du fruit n'est que l'aboutissement d'un cycle, que de nombreux autres devraient suivre.

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